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07/07/2023

Poèmes pour petits et grands (226)

Emile Verhaeren.jpgL’arbre

 

Tout seul,

Que le berce l’été, que l’agite l’hiver,

Que son tronc soit givré ou son branchage vert,

Toujours, au long des jours de tendresse ou de haine,

Il impose sa vie énorme et souveraine

Aux plaines.

Il voit les mêmes champs depuis cent et cent ans

Et les mêmes labours et les mêmes semailles ;

Les yeux aujourd’hui morts, les yeux

Des aïeules et des aïeux

Ont regardé, maille après maille,

Se nouer son écorce et ses rudes rameaux.

Il présidait tranquille et fort à leurs travaux ;

Son pied velu leur ménageait un lit de mousse ;

Il abritait leur sieste à l’heure de midi

Et son ombre fut douce

À ceux de leurs enfants qui s’aimèrent jadis.

Dès le matin, dans les villages,

D’après qu’il chante ou pleure, on augure du temps ;

Il est dans le secret des violents nuages

Et du soleil qui boude aux horizons latents ;

Il est tout le passé debout sur les champs tristes,

Mais quels que soient les souvenirs

Qui, dans son bois, persistent,

Dès que janvier vient de finir

Et que la sève, en son vieux tronc, s’épanche,

Avec tous ses bourgeons, avec toutes ses branches,

— Lèvres folles et bras tordus —

Il jette un cri immensément tendu

Vers l’avenir.

 

(Emile Verhaeren)

09:07 Publié dans Concept | Lien permanent | Commentaires (0)

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