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24/04/2024

Marche au désert (Antoine de Suremain)

Marche au désert.jpgRéalisateur d’une émission de découverte de la France à destination des enfants et aventurier bien connu des réseaux sociaux, Antoine de Suremain décide en octobre 2022 de se lancer un nouveau défi : parcourir à pied le chemin de Saint Guilhem, soit 240 km d’itinérance entre Aumont-Aubrac et Saint Guilhem-le-désert, en 9 étapes et en se nourrissant uniquement avec ce que peut lui offrir la nature. Il veut tenter en quelque sorte une expérience de retour à l’état de chasseur-cueilleur du paléolithique, mais sans la chasse. Il emmène juste un peu d’huile de sel et de vinaigre, histoire de compenser les pertes de sels minéraux causées par la transpiration et d’améliorer un peu son ordinaire de pissenlits, d’orties, de champignons et de châtaignes…

« Marche au désert » est un récit d’expédition très agréable et très rapide à lire. Ce carnet de bord de randonnée survivaliste ne comporte qu’environ 150 pages, toutes bien revigorantes. Il est complété par plusieurs annexes sur les coulisses du chemin, une sorte de « making of », expliquant les tenants et aboutissants de cette aventure, et donnant conseils et références pour ceux qui voudraient suivre l’exemple d’Antoine. L’ouvrage se termine par les interventions assez intéressantes également de trois autres marcheurs, Henri d’Anselme, randonneur des cathédrales et héros « au sac à dos » de la tuerie d’Annecy, Jean-Marie Miss, président des Amis du chemin de St Guilhem et Vianney Claveul, promoteur du glanage d’herbes, fruits et plantes sauvages. Ouvrage passionnant, plein d’humanité et de transcendance qui nous amener à réfléchir sur notre condition de consommateur compulsif et surtout à nous donner une furieuse envie de boucler le sac à dos, de mettre les chaussures de marche et de partir vers les grands espaces et l’aventure qui se trouve tout autant dans les Cévennes qu’au bout du monde.

4,5/5

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21/04/2024

Quand le dormeur s'éveillera (H.G.Wells)

Quand le dormeur s'éveillera.jpgIsbister, jeune peintre en villégiature à Boscastle, part à pied faire le tour de la baie de Pentargen, quand, au détour d’un chemin, il rencontre un certain Graham qui lui raconte que depuis six jours et six nuits, il n’arrive plus du tout à dormir. Il en devient dépressif et pas très loin du suicide. Il ne veut pas prendre de somnifères. Il a beau s’épuiser à faire du sport, cela n’arrange rien. Il trouve même que l’exercice physique ne fait qu’aggraver les choses en ajoutant de la fatigue physique à la détresse morale. Il lui avoue également vivre en solitaire, sans femme ni enfants. Il s’en faut de peu qu’il ne se décide à sauter de la falaise pour en finir. Peu de temps après, il tombe dans une sorte de catalepsie et n’arrive plus à se réveiller cette fois. Il ne reprendra vraiment conscience que presque trois siècles plus tard dans un monde tout à fait différent, particulièrement étrange, en pleine révolution. La violence, la guerre et l’agitation règnent partout. Un des puissants, Ostrog, lui annonce qu’il est une sorte d’élu, que le peuple le révère et n’attend qu’un mot de lui. Il serait le « Maître » et possèderait une considérable fortune…

« Quand le dormeur s’éveillera » est un roman de science-fiction un brin fantastique datant de 1898, bien écrit et encore intéressant à lire même à notre époque. L’intrigue basée sur une plongée dans un monde troublé et quasi absurde après une interminable durée de sommeil est assez étonnante. La chute est surprenante quoique logique au bout du compte. Le lecteur sera surtout intéressé par les intuitions de Wells sur l’avenir de nos sociétés. Il a la prémonition de la montée des totalitarismes (nazisme, fascisme, communisme), de l’affaiblissement des religions et de la spiritualité au profit de l’individualisme, de l’hédonisme et du culte de l’argent-roi. Il sourira sans doute de l’émerveillement de Wells face aux premières machines volantes et s’étonnera sans doute de découvrir que celui-ci ne voyait d’autre avenir pour l’humanité que dans un gouvernement unique au niveau mondial. À noter de nombreuses réflexions sur la sottise des masses, leur incapacité à s’organiser vraiment, leur propension à se laisser mener, berner, manipuler par des leaders pas forcément recommandables. Mérite le détour bien que ce ne soit pas et de loin le meilleur opus de Wells.

3/5

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13/04/2024

Un peu d'air frais (George Orwell)

Un-peu-dair-frais.jpgAnnées 30 en Grande-Bretagne : le bon gros George Bowling, affligé de fort mauvaises dents, vient de se voir doté d’un beau dentier qui lui change la vie. Le bonhomme mène une vie tranquille et bien rangée. Il travaille comme représentant d’une société d’assurances, « la Salamandre Volante ». Son épouse Hilda, qu’il trompe d’ailleurs assez régulièrement, se dessèche sur tige en se souciant trop de choses insignifiantes comme l’augmentation du prix du beurre. Et c’est tout juste s’il supporte la présence encombrante de ses deux enfants Billy 7 ans et Lorna 11 ans. Il se souvient de sa propre enfance, quelques années avant la première guerre mondiale. Quand celle-ci éclate, il est incorporé dans l’armée et se retrouve vite sur le front, dans l’enfer des tranchées. Une blessure assez légère lui permet d’échapper à la mort. En effet, quand il sort de l’hôpital, il se retrouve affecté à surveiller un dépôt de réserve de nourriture, comme oublié dans un coin perdu de la côte sud de l’Angleterre. Il y restera à bouquiner jusqu’à l’armistice. Pour l’heure, il souhaite s’octroyer une petite semaine de vacances pour retourner seul dans la ville de son enfance où il n’a pas mis les pieds depuis au moins 20 ans…

« Un peu d’air frais » est un roman naturaliste et social retraçant une partie de la vie d’un anti-héros, personnage relativement sympathique en dépit de ses nombreux défauts (lâcheté, égoïsme entre autres). Par certains aspects, il pourrait même être un lointain avatar de l’auteur qui eut une vie bien différente d’ailleurs. Avec cette histoire simple et un brin nostalgique, le lecteur se retrouve assez loin de l’univers oppressant de totalitarisme de « 1984 » et pourtant… Orwell y analyse très finement les problématiques sociales de l’époque comme le drame des petits boutiquiers condamnés à disparaître avec l’arrivée de pimpants magasins à succursales multiples, ou comme la propagande de guerre qui fit imaginer comme fraiche, juste, courte et joyeuse une guerre qui ne fut qu’une horrible, monstrueuse et interminable boucherie. Survivant de ce suicide collectif, le héros en devient imperméable aux arguments bellicistes d’un jeune conférencier alertant contre le danger représenté par la montée en puissance d’un certain chancelier allemand. Livre très bien écrit. Très agréable à lire et très intéressant d’un point de vue historique et social, car très objectif sur la réalité de la « Belle époque » dans la classe des petites gens honnêtes. Une plongée dans un monde disparu.

4,5/5

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08/04/2024

Oh vous savez (Ludovic Salmon)

Oh vous savez….jpgKevin a trompé sa petite amie Elsa à trois reprises. Très fâchée, celle-ci se sépare de lui sur le champ… Les Lovers 2000 sont une catégorie assez particulière d’androïdes. Prévus comme partenaires de sexe ou comme simple personnels de compagnie, ils sont si proches de leurs modèles humains qu’ils en arrivent à éprouver des sentiments et à s’attacher à leurs maîtres au point que ceux-ci les renvoient à l’expéditeur en demandant un échange standard pour un modèle moins sophistiqué. Abandonné dans la nature, l’un d’eux décide un jour de quitter la forêt où il a trouvé refuge en compagnie de quelques autres et de marcher droit devant lui. Il se retrouve dans sa ville d’origine, sous les fenêtres de Kevin, lequel est en train de jeter dans la rue le pendentif préféré d’Elsa…

« Oh vous savez » relève de la science-fiction parodique, foutraque voire déjantée. Le lecteur y trouvera une femme téléportée sur une autre planète, un garagiste rock-star surnommé « Cheval Fougueux » célèbre dans toute la galaxie, excepté sur Terre, un pilote de fusées de courses qui se crashe un peu trop fréquemment et même un banc misanthrope qui parle tout seul. En gros, une histoire sans queue ni tête, sans doute un peu trop écrite au fil de la plume. Bien qu’amusante et facile à lire en raison de nombreux dialogues, cette histoire aurait mérité de bénéficier d’une intrigue plus étoffée. Le plaisir du lecteur reste aussi un peu gâché par un style lourd, assez répétitif (« frapper un sac de frappe »), verbeux à force de vouloir être trop précis (« Il l’attrapa par un de ses bras et la retourna d’un geste brusque pour qu’elle lui fasse face ») et entaché de nombreuses approximations langagières et d’autant de pléonasmes (« voyageur non conducteur »), sans oublier l’omniprésence un brin agaçante du narrateur qui interpelle le lecteur pour lui raconter qu’il va boire un café. On sent que Ludovic Salmon a dû apprécier les films des Monthy Pythons et lire les grands spécialistes anglo-saxons de la fantaisie délirante et de la SF barrée. Mais n’est pas Pratchett, Adams ou Gaiman qui veut. Un premier petit roman bien sympathique, sans nul doute. C’est donc prometteur, mais l’élève va devoir pas mal bosser pour arriver à la cheville des maîtres !

3/5

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31/03/2024

Sur la douleur (Ernst Jünger)

Sur la douleur.jpgQu’est-ce que la douleur, la peine, la souffrance ? De sa naissance à sa mort, la vie de l’homme n’en est-elle qu’une longue suite, parfois interrompue de courtes et passagères périodes de répit ? La noblesse de la condition humaine n’est-elle pas de supporter vaillamment la douleur, de surmonter les épreuves, de faire preuve de courage, de patience et d’abnégation ? La vie moderne n’a-t-elle pas tenté de masquer la douleur, de la rendre moins prégnante, plus supportable, tout en niant en contrepartie à l’homme toute identité individuelle, toute singularité et toute liberté. Comme patient entre les mains de chirurgiens et d’anesthésistes, le voilà devenu tel un morceau de viande. Comme élément d’un régime totalitaire, il ne peut plus penser que comme le veut la ligne générale. Et comme soldat, il ne peut qu’aller au combat et donc à la mort qu’en marchant au pas, sans renâcler, n’étant plus qu’un rouage d’une machine de guerre lancée par les puissants contre des ennemis qu’il ne connait même pas.

« Sur la douleur » est un court essai philosophique et politique du grand écrivain allemand Ernst Jünger. Contrairement à nombre de ses autres ouvrages, ce texte reste un peu aride d’abord, même si les considérations présentées, déjà évidentes pour son époque, le sont encore plus pour la nôtre. Le lecteur y découvrira comment les concepts de douleur, de liberté et de tyrannie sont étroitement liés. À titre d’illustration, Jünger s’élève contre la création du permis de conduire, instauré pour lutter contre la mortalité routière. Déjà le fameux principe de précaution. Que ne dirait-il pas du permis à points et de l’installation de ces milliers de radars sur les routes ? Jünger a une vision héroïque du monde ainsi qu’une conception originale, volontariste et intellectualiste de l’homme. Le lecteur s’entend dire : « Dis-moi quel est ton rapport à la douleur et je te dirai qui tu es. » Intéressant sans plus.

3/5

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28/03/2024

Demain les barbares (Franck Poupart)

Demain les barbares.jpgÀ la fin du premier quart du XXIᵉ siècle, la France, qui doit assumer une dette s’élevant à 400% de son PIB, se retrouve contrainte par le FMI d’appliquer un plan de rigueur drastique appelé « Lois temporaires de sauvegarde nationale ». Ce plan comporte des licenciements massifs dans la fonction publique, une hausse drastique de la fiscalité, une suppression de toutes les aides sociales, une privatisation de l’assurance maladie et un gel des salaires et des retraites. Les riches se réfugient dans des zones sécurisées comme l’hypercentre de la capitale alors que les pauvres sont abandonnés à leur triste sort dans les périphéries. Et quand l’Etat ne fut plus en mesure de verser les salaires des policiers ni les soldes des militaires, ce fut l’explosion. Des zones entières déjà sous influence islamique firent sécession. Des milices para-militaires se créèrent pour tenter de récupérer ces territoires perdus de la République. Et en 2028, l’Union Européenne n’existe plus. Deux flics, Alex et Lucas patrouillent encore un peu dans les rues de Paris. Juste devant eux une voiture piégée explose. En même temps, une brasserie est mitraillée rue de Lappe, une école juive est prise pour cible. Une trentaine d’enfants y trouvent la mort. Et un fou d’Allah kamikaze déclenche sa ceinture d’explosifs devant le musée d’Orsay. Ainsi débute une guerre civile ethnique dont personne ne peut imaginer la fin…

« Demain les barbares » est un roman d’anticipation dystopique dans lequel l’auteur a basé toute son intrigue sur les conséquences prévisibles de réalités qui existent déjà. Il a continué de tracer les lignes de force d’une tendance et poussé à l’extrême la logique tout ce que nous vivons ou avons déjà vécu (Charlie-Hebdo, Bataclan, Stade de France, égorgements de prêtres ou de profs, attentat de Nice, etc.) Les tueries, les viols, les tortures, les actes de barbarie en tous genres (émasculations) se succèdent dans cette histoire qui fait froid dans le dos. Toutes ces horreurs, que l’on déconseillera aux âmes sensibles et à tous ceux qui vivent dans le déni de réalité, alternent avec de nombreuses scènes de sexe particulièrement torrides. Les personnages sont assez stéréotypés, tel ce président de la république déchu portant le nom de « François », pleutre, incapable et trouillard qui semble la simple démarque d’un certain autre. Le style de l’auteur est assez vivant malgré quelques approximations langagières et une tendance à abuser des pronoms personnels, ce qui oblige le lecteur à deviner de qui l’on parle et parfois d’y arriver à grand peine. Si les katibas islamistes sont décrites de manière assez réaliste et vraisemblable (simple reprise de l’actualité), leur pendant « Rempart » avec leur leader charismatique Cyrus Rochebin, sorte de cocktail 2/3 Soral, 1/3 Zemmour, relève de la fiction la plus totale. Ce mouvement est aussi caricatural qu’improbable, même s’il s’appelle « Renaissance et Partage » (cf « Egalité et Réconciliation »). En lisant cet opus, on peut même se dire que le futur sera sans doute pire que ce que l’auteur nous raconte. Pour qu’il y ait guerre civile, il faut deux factions en présence, sinon il s’agit plutôt d’une épuration ethnique, d’un génocide. Et l’histoire du monde est déjà pleine d’invasions, de tueries et d’appropriations indues de territoires. Et ça peut ne pas arriver qu’aux autres. Glaçant, mais donnant à réfléchir sur notre destin.

3,5/5

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23/03/2024

Les nouvelles aventures du brave soldat Chvéïk (Jaroslav Hasek)

Les nouvelles aventures du brave soldat Chveik.jpgAu cours d’un voyage en train en compagnie de son lieutenant, le brave soldat Chvéïk fait une remarque déplacée sur le crâne chauve d’un autre voyageur du compartiment qui s’avère être leur général en tournée d’inspection. Placé dans le couloir dans l’attente de sa sanction, il tire presque sans le vouloir sur la sonnette d’alarme. Le train s’arrête immédiatement. L’étourdi encourt une amende de 200 couronnes. Il n’en a pas la moindre. Le contrôleur le fait descendre à la gare suivante. Un brave homme paie l’amende à sa place et lui fait la charité d’un petit billet pour payer son train. Mais le soldat préfère aller déjeuner et tout dépenser en boisson au café de la gare en compagnie d’un soldat hongrois de passage. Et le voilà bientôt embarqué au poste par une patrouille de la police militaire qui l’a surpris sans le moindre papier sur lui. Et sa situation empire peu à peu. Le lieutenant qui l’a arrêté le soupçonne aussi d’espionnage au profit de l’ennemi…

« Les nouvelles aventures du brave soldat Chvéïk » est le deuxième tome de la trilogie de ces aventures humoristiques datant du début de l’autre siècle. Journaliste anarchiste un brin alcoolique, Hasek a voulu proposer au lecteur une caricature de la vie militaire, une satire, une parodie désopilante et au bout du compte une démonstration de l’absurdité de la guerre qui broie les petits pour le plus grand bénéfice des puissants qui n’y vont jamais bien entendu. Le personnage du héros est celui d’un niais, d’un candide, d’une sorte d’idiot du village, très respectueux de son lieutenant, cherchant toujours à bien faire, mais accumulant les gaffes et bévues au point d’attirer toutes les catastrophes sur sa petite personne. Mais les pires situations finissent toujours par se retourner et Chvéïk s’en tire toujours sans trop de casse. Le style est très agréable à lire et très vivant sans doute grâce à une grande abondance de dialogues bien enlevés. Le lecteur y découvrira également l’antipathie réciproque des Tchèques et des Hongrois qui se retrouvent à devoir ensemble se battre sous le drapeau autrichien contre les Russes et en arrivent parfois à se tirer dessus ! Une armée de Bourbaki, une palanquée d’ivrognes et de toquards commandés par des officiers crétins et bornés qui ne redoutent qu’une chose, être amenés sur le front. Heureusement pour eux, les chemins de fer sont si mal organisés qu’ils pourront se retrouver à l’autre bout du pays après avoir attendu leur train des jours entiers en gare. Désopilant. À ne pas manquer !

4,5/5

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18/03/2024

Extension du domaine du capital (Jean-Claude Michéa)

Extension du domaine du capital.jpgDepuis près de trois siècles, le capitalisme ne fait que croître et prospérer en dépit de toutes ses crises et de tous ses krachs. Il se retrouve comme condamné à s’accroître dans tous les domaines de la vie et à se développer jusqu’au bout du monde, faute de quoi il serait condamné à périr. Mais cette fuite en avant perpétuelle, cette expansion continue, l’amenant à monter ces pyramides de Ponzi que sont ces bulles spéculatives de richesses virtuelles représentant plusieurs fois le total des PIB mondiaux ne peut l’amener qu’à devenir de plus en plus totalitaire de plus en plus intrusif au point d’en arriver à réguler progressivement toutes les sphères de l’existence humaine. L’espace réservé à la démocratie se réduit comme peau de chagrin tout comme celui des libertés individuelles (liberté d’expression, de se soigner comme bon vous semble et même de faire pousser quelques légumes dans un petit potager familial…) Cette fuite en avant démentielle n’a aucune chance de déboucher sur un quelconque avenir radieux pour les populations (excepté les 0,1% d’ultra-riches et des 10 ou 20% de classes moyennes supérieures CSP++ métropolitains), si un grain de sable ne vient pas enrayer cette machine devenue folle (wokisme, transhumanisme et autres genrismes intersectionnels). « La catastrophe, c’est lorsque les choses suivent leur cours », (dixit Walter Benjamin)…

« Extension du domaine du capital » est un essai de sociologie politique basé sur deux interviews données par l’auteur à des publications locales, complétées par une trentaine d’articles. Sur divers aspects du problème La particularité de la présentation des idées de Michéa vient surtout des notes et des notes de notes. Ainsi, un article d’une page sur un thème peut-il donner lieu à plusieurs pages de notes et de renvois à toutes sortes d’ouvrages d’autres auteurs. Il faut une bonne dose de constance pour ne pas trop se perdre dans cet étrange labyrinthe intellectuel. La condamnation du capitalisme devenu « néo-libéralisme », sa forme la plus « chimiquement pure », autant dire la plus sauvage et la plus inhumaine, n’épargnant ni les hommes ni la nature, est totale et sans appel. Michéa en bon penseur de gauche appuie sa démonstration sur Marx, Engels, Mauss et une kyrielle d’autres. Il fait aussi beaucoup référence à Orwell qui ne fit pas que critiquer le stalinisme. S’étant réfugié il y a quelques années dans un petit village des Landes à 10 km de la première boulangerie et à 20 du dernier médecin de campagne, Michéa a pu toucher du doigt la réalité de la France périphérique de Guilluy sans se comporter en prêcheur ou en colon, mais avec le désir de s’intégrer en respectant les us et coutumes du coin. Ses traits les plus aigus sont d’ailleurs réservés à la gauche post-mitterrandienne qui a abandonné le social au profit du sociétal et qui est ainsi devenue une alliée objective du capitalisme qui mène une sorte de révolution permanente. Aymeric Caron, Sandrine Rousseau et quelques autres écolo-bobos médiatisés en prennent d’ailleurs pour leur grade. Mais si le constat de faillite est pertinent et difficilement discutable, le lecteur reste sur sa faim sur la conduite à tenir pour sortir de ce piège.

3,5/5

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14/03/2024

Septentrion (Louis Calaferte)

Septentrion.jpgOuvrier qui se morfond dans une sinistre usine, Louis rêve de devenir écrivain mais n’arrive pas vraiment à concrétiser son projet et à se lancer pour de bon dans l’écriture du roman de sa vie. Il finit par laisser tomber son boulot et se retrouve vite dans la dèche la plus noire. Un jour, il séduit Nora Van Hoeck, une Hollandaise plus âgée que lui et un brin nymphomane qui accepte de l’entretenir. Elle le rhabille, le nourrit, lui donne de l’argent. Mais quand elle lui propose d’habiter à plein temps chez elle, toute cette passion vire au cauchemar pour Louis qui ne voit plus que les défauts de Nora, commence peu à peu par la détester et finit par partir en claquant la porte. Il retourne à ses petits hôtels miteux, à ses gargotes et à sa procrastination. Il ne se décide pas plus à chercher du travail qu’à écrire le chef-d’œuvre littéraire qu’il imagine. Il en est donc réduit à taper ses amis et connaissances et à quémander leur hospitalité avec des résultats parfois décevants…

« Septentrion » est un roman autobiographique qui ne brille pas par son intrigue tout à fait banale et mille fois racontée, mais par un style narratif assez punchy, assez proche de ceux d’Henry Miller et de Louis-Ferdinand Céline. L’un pour le côté imprécateur, révolté, et écorché vif et l’autre pour le côté érotique pour ne pas dire pornographique. On n’est d’ailleurs pas loin de l’obsession sexuelle. C’est d’ailleurs cette obscénité omniprésente qui a fait interdire de parution cet ouvrage pendant environ 20 ans à une époque où la morale était plus sévère que maintenant. Il n’en demeure pas moins que si toutes ces descriptions de relations sexuelles ne choquent plus, elles finissent par lasser à la longue. Il peut même arriver que le bouquin tombe quelquefois des mains. Il ne reste de cette lecture que quelques fulgurances sur l’amour physique, la mort et la condition humaine. Mais tout ça manque quand même de souffle et d’élévation. Avec Calaferte, on patauge un peu trop dans la crasse, la caricature machiste et le sperme… N’est pas Céline ou Miller qui veut…

3/5

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11/03/2024

Récits de science-fiction Tome 2 (J.H. Rosny Aîné)

Récits de science-fiction (T2).jpgDans un futur très lointain, les peuplades plus ou moins primitives survivant sur Terre doivent subir l’invasion d’étranges créatures, les Xipéhuz. Tels des cyclopes, ils ne disposent que d’un seul œil qui brille comme une étoile dans la nuit. Ils ont entrepris d’exterminer les derniers humains en se servant d’un rayon lancé depuis leur unique orbite faciale. Après de nombreuses tentatives infructueuses de riposte à l’aide de lance-pierres ou d’arcs, Bakhoun, un des chefs de tribus, finit par trouver un moyen de les vaincre. Il imagine un arc amélioré, une sorte d’arquebuse et vise l’œil. Et là les intrus tombent morts, pétrifiés. Un combat sans merci, s’engage alors… Après une catastrophe « nucléaire » provoquant éruptions volcaniques et séismes en grand nombre, les humains survivants se sont regroupés en petites unités dans des oasis de déserts. Mais leur plus gros problème reste le manque d’eau. Ils ne peuvent y pallier qu’en organisant une euthanasie planifiée…Une expédition menée par le capitaine Devreuse aux confins de la Sibérie orientale et de la Chine fait d’étranges découvertes : un tigre géant à dents de sabre, tout droit sorti des temps préhistoriques, puis des peuplades d’Hommes-des-Eaux à la peau verdâtre capables de rester des heures sous l’eau…Sévère et Luce assistent à un étrange phénomène astronomique : l’arrivée de la Roge Aigue, dévorant sur son parcours étoiles et Lune et répandant partout des lueurs rouges d'incendie sans chaleur ni consumation…

« Récits de science-fiction » est un recueil de quatre nouvelles et novellas sur un thème post-apocalyptique pour deux d’entre elles, catastrophique pour une autre et d’aventures fantastiques pour la dernière. Le style est de belle facture, précis et descriptif et les histoires sont étonnamment modernes. Le lecteur découvrira d’ailleurs que Rosny-Aîné fut un visionnaire dans la mesure où il imagina une catastrophe nucléaire à une époque où les recherches en ce domaine n’en étaient qu’aux balbutiements ! Mis à part l’écriture excellente mais datée, ces nouvelles restent d’un grand intérêt ne serait-ce que pour découvrir que la plupart des thèmes de SF ou de fantastique avaient déjà été explorés dès le début de l’autre siècle. Depuis cette époque, les auteurs n’ont fait que broder dessus. Tout comme Jules Verne avec qui il a de nombreux points de convergence, Rosny-Aîné fut un précurseur et un maître du genre ! Le monde se porterait mieux si les puissants écoutaient poètes et romanciers…

4/5

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