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28/05/2025

Une enfance pour la vie (Paul Guth)

Une enfance.jpgDepuis sa naissance au tout début de l'autre siècle, Paul Guth a passé son enfance dans le Sud-Ouest se partageant entre Villeneuve sur Lot et le Béarn. Son grand-père maternel était un humble paysan d'Ossun, près de Lourdes, et cousin de Bernadette Soubirous, petite bergère à qui apparut la Vierge Marie. Pour les vacances d'été, le jeune Paul Guth vit comme un petit paysan, garde les troupeaux et aide aux travaux des champs. Il ne se lasse pas d'observer la nature et les animaux. Son préféré est Picard, le brave chien de berger qui ne le quitte jamais. Mais un jour le pauvre animal est mordu par un chien enragé. L'oncle Victor se retrouve dans l'obligation de l'abattre à la chevrotine. Cette perte violente représente un immense chagrin pour l'enfant… Quelques années plus tard, il sera premier de sa classe, raflera tous les prix sauf en maths, passera haut la main le baccalauréat et ira même en hypokhâgne à Paris au lycée Louis le Grand. Ayant échoué trois fois au concours d'entrée de Normale sup, il se rattrapera avec l'agrégation qui lui permettra de devenir professeur de lycée avant d'embrasser la carrière littéraire que l'on connaît…

« Une enfance pour la vie » est un charmant récit d'enfance constitué d'une série de souvenirs un peu éparpillés, mais toujours touchants. Parti de rien, ses parents étant très pauvres, tout comme ses grands-parents d'ailleurs, ce petit garçon timide qui n'arrive ni à apprendre à nager, ni à danser et encore moins à aborder les filles, réussit cependant à monter un à un tous les échelons de l'ascenseur social. Boursier, il se retrouve dans une classe de prépa dans un lycée prestigieux avec pour compagnons Thierry Maulnier, Robert Merle, Roger Vaillant, Léopold Sédar Senghor et Georges Pompidou entre autres. Bien dans la lignée des autres « Naïfs », cet ouvrage délicieux a le charme et la poésie d'un monde disparu, celui des paysans et artisans de l'entre deux guerres et des futurs cadres intellectuels des années 30. Il nous parle d'un temps où un fils de mécanicien-inventeur ruiné comme Paul Guth pouvait devenir un grand de la littérature avec des ouvrages plein de gentillesse et de bons sentiments et où un fils d'instituteur comme George Pompidou pouvait parvenir au plus haut sommet de l'Etat. Les gens étaient pauvres, mais gais et bien vivants. Ils ne disposaient ni d'eau courante, ni de voitures, ni de télévision et encore moins d'ordinateurs ou de smartphones, mais ils étaient chaleureux, solidaires et remuants. Guth racontent qu'ils parlaient fort, chantaient à tue-tête et s'exprimaient alors qu'avec toutes ces avancées ils s'isolent, se réfrènent et deviennent même indifférents les uns aux autres. À lire presque comme document sociologique du même ordre que « La Gloire de mon père » ou « Le Château de ma mère » de Pagnol…

4,5/5

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23/05/2025

Le Jacassin (Pierre Daninos)

Le jacassin.jpgLes idées reçues sont légions, remarque Daninos : le Grec est tricheur, l'Anglais hypocrite, l'Américain un grand enfant, l'Allemand querelleur, le Polonais toujours ivre, le Russe insondable, le Chinois indéchiffrable, l'Argentin noceur, l'Espagnol fier, l'Arabe paresseux, le Suisse lent, le Hollandais lourd, l'Italien versatile et le Juif, juif… Et en France même, ce n'est guère mieux : le Breton est têtu, le Corse vindicatif, le Marseillais galégeur, le Lyonnais renfermé, le Bordelais snob, etc… Quant au politicien il est pourri, l'instituteur communiste, l'avocat véreux, le financier requin, le commerçant voleur, le magistrat corrompu, l'ouvrier haineux, le patron égoïste, le médecin charlatan, le percepteur insatiable, etc. Que n'entend-on pas au moindre dîner familial ou au café du Commerce ?

« Le Jacassin » est un recueil amusant d'idées reçues, de poncifs, et autres truismes plus ou moins marqué au sceau du gros bon sens voire d'une certaine mauvaise foi. Le lecteur rira ou sourira beaucoup à la lecture de cet ouvrage ancien (datant de 1962), mais toujours amusant et encore d'actualité, la sottise, la courte vue étant toujours aussi présentes aujourd'hui si ce n'est plus qu'à l'époque et les clichés, les idées toutes faites, le prêt-à-penser guère différents. À croire que l'on a affaire à une sorte de sagesse immanente. L'auteur prend comme point de départ un repas familial, « le Déjeuner de Saumur » au cours duquel il a droit à un festival de clichés et poncifs assénés par oncles, tantes, parents et grand-parents alors qu'il est encore enfant. Il analyse ensuite les particularités du langage courant en associant un certain nombre de substantifs à leurs adjectifs les plus usités. Le résultat est assez amusant. Puis il propose une sorte de dictionnaire qui reprend souvent les mêmes thèmes mais avec cette fois une définition ou un commentaire. Exemples : « Servante : toujours accorte dans les feuilletons » ou « Service militaire : période pendant laquelle on mange mal mais qui nourrit la conversation pour la vie ». Un charmant ouvrage qui se dévore en un rien de temps et auquel on peut encore et toujours se référer, ne serait-ce que pour une définition impertinente de mots.

4,5/5

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14/05/2025

Vent de soleil (Pierre-Jakez Hélias)

Vent de soleil.jpgVent de Soleil, connu sous de nombreux autres noms comme Ned M. Zivad, Netra, Henri Lannuzel ou Charles Lavessant, est un riche homme d'affaires breton ayant réussi dans l'import-export après avoir commencé comme boulanger, puis chiffonnier, brocanteur, maître d'hôtel et même passeur d'hommes pendant la Seconde Guerre Mondiale. Revenu à Porz Kuz, son fief breton, il convoque son secrétaire-chauffeur-homme de loi, son principal concurrent et les deux femmes qu'il aima dans sa vie aventureuse sans doute pour mettre un point final à une carrière étonnamment remplie, faite de déplacements incessants, de changements permanents, de rencontres avec des gens de tous les milieux, mais aussi dVent de Soleilu désir permanent de connaître et d'aider ses semblables. Et voilà que Ned est victime d'un accident mortel lors d'une promenade le long de la côte, ce qui remet tout en question.

Roman psychologique sur fond économique, policier et de terroir, « Vent de Soleil » est un livre dont l'intérêt va bien au-delà de l'aspect bretonnant de son contexte. Tout reposer sur Ned, le personnage principal, mélange de Fantomas, de Rodolphe, de Jean Valjean et de Robin des Bois. Difficile de croire à cet orphelin insatiable et insatisfait, incapable de se fixer quelque part et pourtant d'une grande humanité et d'une immense générosité et pourtant, le lecteur est accroché et se laisse embarquer par cette histoire improbable. Sans doute parce que l'auteur a su renouer avec les bonnes recettes du roman populaire (Gaston Leroux, E.Sue, Hugo ou Dumas), développer son intrigue sous forme d'une sorte de saga et dépeindre tout un arrière plan historique et géographique. Si la partie économique est la plus faible, le suspens est parfaitement maintenu et chaque personnage secondaire permet d'éclairer une facette du bonhomme, ce qui maintient l'intérêt jusqu'à la révélation de la clé du mystère dans les toutes dernières pages.

4/5

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06/05/2025

Le braconnier de Dieu (René Fallet)

le braconnier de Dieu.jpgEn 1943, Grégoire Quatresous et Toussaint Baboulot, 24 ans, ouvriers agricoles, rentrent chez eux à vélo en pleine nuit et en zigzagant un peu car ils sont un brin éméchés. Ils ont bu un peu trop de mousseux chez la mère Françoise qu'ils aiment bien fréquenter car elle a deux grands attraits à leurs yeux : la cuisse fort légère et un mari prisonnier en Allemagne. Mais alors qu'ils se rappellent un peu trop bruyamment leur soirée bien arrosée et terminée à trois dans les bras accueillants de la taulière, les voilà pris en chasse par une patrouille de soldats allemands. Meilleur cycliste, Toussaint parvient à s'échapper. Talonné de plus près, Grégoire trouve son salut en sautant le mur de clôture de l'abbaye trappiste de Sept Fons. Malheureusement, en se réceptionnant de travers, il se brise la cheville et s'évanouit. À son réveil, il se retrouve à l'infirmerie avec la jambe plâtrée, hôte malgré lui de moines dont il n'apprécie pas trop la compagnie, sa famille lui ayant inculqué que la religion était l'opium du peuple. Mais il finit par tellement bien s'habituer au calme de cette nouvelle vie, qu'il devient moine lui-même et refuse même de revenir à la vie civile à la fin de la guerre. Et voilà que, vingt six ans plus tard, le jour de l'élection du nouveau président de la République, Georges Pompidou, Grégoire doit sortir pour aller voter. En chemin, il fait une rencontre qui changera totalement un destin tout tracé…

« Le braconnier de Dieu » est un roman truculent et picaresque qui se lit ou plutôt se dévore avec délices tant le style est fluide et agréable. Fallet use avec virtuosité de la langue fleurie du paysan bourbonnais, l'émaille de tournures de phrases et de nombreux mots de patois (heureusement traduits en notes) comme on n'en trouve plus que dans certains ouvrages dits de « terroirs ». Les personnages, comme souvent dans les romans de Fallet sont de joyeux ivrognes, des brutes mal dégrossies, de grands naïfs voire de simples d'esprit. L'histoire de ce moine défroqué est assez originale et bien amusante, même si elle reste un brin fantaisiste. En résumé, un ouvrage comme on n'en écrit plus aujourd'hui, une ode à la liberté, et un pied de nez aux pisse-froids, et autres psycho-rigides religieux. Léger et roboratif comme un bon coup de Saint Pourçain accompagné de quelques rondelles de saucisson dégusté au bord d'une rivière par une belle journée d'été.

4,5/5

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03/05/2025

Sur le chemin des cathédrales (Henri d'Anselme)

Sur le chemin des cathédrales.jpgHenri d'Anselme, jeune étudiant de 26 ans, se présente comme un marcheur anonyme en quête d'absolu qui se retrouve sous le feu des projecteurs de l'actualité pour un acte de bravoure assez inhabituel à notre époque : il s'est précipité, armé de son seul sac à dos, sur un terroriste syrien qui était en train de blesser grièvement à grands coups de couteau 6 personnes dont quatre enfants en bas âge sur les bords du lac d'Annecy. Comme il parvient à faire cesser l'horreur et même à participer à son arrestation, tous les médias le surnomment immédiatement « le héros au sac à dos ». Mais qui est-il vraiment ? C'est un jeune catholique pratiquant qui, chaque année participe avec toute sa famille au pèlerinage de Chartres. Il a été scout et est actuellement étudiant en philosophie. L'incendie de Notre-Dame de Paris l'a traumatisé. Depuis l'enfance, il voue une véritable passion aux joyaux architecturaux que sont nos cathédrales. Il avait donc décidé de partir pendant neuf mois à la découverte du plus grand nombre possible de celles-ci. Il avait commencé sa pérégrination le 26 mars 2023 de l'abbaye du Barroux, au pied du Mont Ventoux. Il n'emportait pas de tente et à peine assez d'argent pour sa nourriture. Il comptait demander l'hospitalité aussi bien aux clercs qu'aux laïcs, un peu comme un pèlerin du Moyen-Âge. Après Béziers, Montpellier et Entrevaux, il remontait vers le nord, vers Annecy où sa route croisa celle du Syrien au couteau…

« Sur le chemin des cathédrales » est à la fois un témoignage émouvant et un récit de voyage fort intéressant à plusieurs points de vue. À chaque événement dramatique comme celui d'Annecy, les médias mettent en avant un personnage, le sollicitent de tous côtés, le pressurent et, quelques jours ou semaines après, la passion retombée, le rejettent dans les ténèbres extérieures. Jamais, ils ne cherchent à savoir ce qui se passe après, ce que les gens deviennent, autant les coupables que les victimes d'ailleurs. Ce ne sera pas le cas pour Henri qui, grâce à ce livre, mais aussi grâce à une excellente série de quatre documentaires télévisés réalisés par lui-même avec l'aide d'une petite équipe, pourra présenter son projet, expliquer ses motivations et faire partager ses enthousiasmes. Cependant, même bien écrit, même agréable à lire, même joli à regarder grâce aux magnifiques illustrations d'Azélie Gauthier, cet ouvrage ne répond pas à toutes les questions que le lecteur pourrait se poser. Quid de l'agresseur syrien ? Véritable fanatique ou malade mental ? Henri nous dit qu'il a été interné en psychiatrie. Mais y est-il encore ? Lui a-t-on proposé d'aller se faire soigner dans son pays ? Quid des 6 blessés graves ? Henri raconte que tous ont échappé à la mort. Mais à quel prix ? Certains auront-ils des séquelles ? Seront-ils handicapés partiellement ou à vie. Lui-même reconnaît avoir été fortement traumatisé et avoir eu besoin de beaucoup de temps pour se « reconstruire ». N'espérez pas non plus en savoir plus sur l'incendie de Notre-Dame de Paris. Prudemment, Henri en reste à la version officielle. L'ouvrage n'en demeure pas moins fort intéressant aussi bien pour la présentation des cathédrales que pour le message rempli de belles valeurs intemporelles et universelles. Dans un monde en proie à la lâcheté, au mensonge et à l'égoïsme, un peu de courage, de vérité et d'abnégation ne peut que faire du bien. Bravo, Henri !

4,5/5

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19/04/2025

L'île du Docteur Moreau (H. G. Wells)

L'ïle du docteur moreau.jpgEdward Prendick, naufragé dérivant à demi-inconscient sur un petit canot de sauvetage perdu en plein Pacifique, a été repêché par les marins d'un caboteur appelé « La Chance rouge ». Il reste dans un état semi-comateux pendant environ 30 heures. À son réveil, il découvre à son chevet un certain Montgomery qui se déclare médecin. La goélette est en route vers Hawaï, mais le toubib annonce qu'il doit débarquer auparavant, sur une île sans nom. Quand Edward, à peine remis, remonte sur le pont, il découvre que celui-ci est jonché d'ordures et d'immondices, qu'une meute de chiens est enchaînée au grand mât et qu'un peu partout son entreposées des cages renfermant une quantité de lapins et même un lama et un puma. Arrivé à proximité de l'île inconnue, le capitaine signifie à Pendrick qu'il n'est plus le bienvenu à bord. L'ennui, c'est que Montgomery ne veut pas non plus de lui sur l'île. Finalement, Pendrick est abandonné à quelques encablures de l'île, dans un canot qui prend l'eau, alors que la goélette s'éloigne d'un côté et que Montgomery, son serviteur et toute leur ménagerie, en font autant de l'autre. Edward se retrouve donc dans une situation presque aussi dramatique qu'au début. Parviendra-t-il à aborder sur l'île ? Y trouvera-t-il le salut… ou autre chose ?

« L'île du Docteur Moreau » est un classique du roman fantastique. Il est resté une référence du genre et une source d'inspiration pour quantité d'auteurs de romans gore ou de thrillers. Sans déflorer l'histoire, on notera quand même que le narrateur va aller de surprises en surprises, toutes fort désagréables, en découvrant cette île perdue sur laquelle un savant plutôt bizarre, le Docteur Moreau se livre à des expériences un tantinet contre nature sur de pauvres cobayes qui n'en demandaient pas autant. Wells pose la question maintes fois traitées dans la littérature, celle de la science sans conscience qui n'est que ruine de l'âme, comme dirait l'autre. Le lecteur remarquera qu'en 1896, année de sa première parution, alors que l'ambiance était plutôt à l'enthousiasme vis à vis de la science, H.G. Wells apportait avec cette sombre histoire une note discordante. Il se montrait donc précurseur et visionnaire. Ce texte majeur, fort bien écrit et très agréable à lire encore aujourd'hui, peut aussi être compris comme une fable, un conte philosophique ou une parabole. Il nous fait réfléchir à la condition humaine mise en miroir avec la condition animale, aux limites à ne pas dépasser dans les avancées scientifiques et à ces découvertes ou avancées qui peuvent être les meilleures mais aussi les pires des choses. Ouvrage majeur à lire et relire.

4,5/5

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16/04/2025

Lieutenant Sturm (Ernst Jünger)

Lieutenant Sturm.jpgPendant la première guerre mondiale, dans les orages d'acier et les calmes plats des tranchées, les soldats allemands subissent l'épreuve du feu quel que soit le milieu social dont ils sont issus. Ainsi un soldat est-il retrouvé mort, suicidé dans les latrines, après s'être tiré une balle dans le cœur en s'aidant de son orteil pour appuyer sur la détente de son fusil ! Tous les soirs, trois officiers se réunissent dans la casemate du lieutenant Sturm pour échanger des idées sur leur destin, leurs émotions et leur avenir plutôt bouché. Sturm tient un journal de bord. Il y note : « De nos jours, un individu n'a pas de valeur en soi, mais par rapport à l'Etat. » et « On s'élançait vers la mort sans voir où on était ; on tombait sans savoir d'où le coup venait. » Il écrit également des récits, des nouvelles qu'il lit à ses deux amis dont l'un est peintre et essaie de pratiquer son art sur le front. Ses lectures sont comme des trêves, des parenthèses leur rappelant le monde de l'arrière, celui d'avant. Elles sont les bienvenues car elles les aident à affronter la terrible réalité qui se déchainera vers la fin.

« Lieutenant Sturm » est une nouvelle un peu longue, se rapprochant du format novella. Jünger y décrit le monde des tranchées et s'attarde sur l'inhumanité de la guerre moderne dans laquelle l'humain se sent pris dans une machine de destruction d'une puissance phénoménale. Il y oppose la philosophie, l'intelligence, la sagesse, la lecture de toutes sortes de grands écrivains comme Dostoïevski, Gogol ou Nietzsche, mais aussi Huysmans, Baudelaire et Wilde qui furent une grande source d'inspiration pour lui. Il va sans dire que Sturm est un peu beaucoup le jeune Jünger dont il partage la désinvolture, le dandysme, mais aussi le sens du devoir et du sacrifice qui apparaîtra dans le paroxysme final. À lire pour mieux comprendre que cette « der des der », comme disaient les poilus, fut en réalité la fin d'un monde et une boucherie qui marqua le début du déclin programmé de toute l'Europe…

4,5/5

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13/04/2025

Le droit à la paresse (Paul Lafargue)

Le droit à la paresse.jpgL'amour du travail n'est-il pas une sorte de folie ? La passion du travail peut-elle être poussée jusqu'à l'extrême, jusqu'à l'épuisement des forces vitales de l'individu et de toute sa famille ? Est-il normal de devoir assurer des journées de douze heures de labeur pour des salaires de misère, de faire travailler les femmes en usine et même les enfants dans les mines de charbon pour le plus grand profit d'un patron qui n'a aucun souci du confort de ses ouvriers ? Ne devrait-on pas au contraire imiter les peuples primitifs, non encore touchés par le modernisme, qui ne travaillent que deux ou trois heures par jour et ne s'en portent que mieux ?

« Le droit à la paresse » est un court essai (79 pages) très polémique, bien ancré dans son époque, mais également étonnement moderne. Par certains côtés, on dirait presque un texte de baba cool des années 68 ! L'auteur qui fut le gendre de Karl Marx fait ici le procès du capitalisme d'une manière assez originale. Il dénonce la folie de la production à outrance qui entraine quantité de surplus qu'il faut tenter de vendre aux quatre coins du monde alors qu'il faudrait plutôt, selon lui, fabriquer moins et de meilleure qualité. La logique du rendement et celle de la qualité de vie sont donc en totale opposition. Les conditions de travail en usine ramènent l'ouvrier à une sorte d'esclavage qui l'oblige de perdre sa vie en cherchant à la gagner. Ce texte reste fort intéressant surtout du point de vue de l'histoire des idées. Lafargue était un socialiste comme on n'en rencontre plus de nos jours. Il dut s'exiler à plusieurs reprises (Grande-Bretagne, Espagne) et fit même un séjour dans la sinistre prison de Sainte Pélagie, tout comme Gérard de Nerval, pour ses idées révolutionnaires. Le texte est suivi d'un commentaire signé Gigi Bergamin, intitulé « Eloge de la vraie vie » et d'une courte biographie de l'auteur.

4/5

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09/04/2025

Le nazi et le barbier (Edgar Hilsenrath)

Le nazi et le barbier.jpgAu début de l'autre siècle, vit à Wieshalle Max Schulz, fils de la très grosse Minna Schulz qui travaille comme servante dans la maison du fourreur juif Abramowitz. Il s'estime aryen pur souche du côté de sa mère. Et il a cinq pères potentiels un boucher, un serrurier, un apprenti maçon, un cocher et un majordome qui semblent tous aryens de manière irréfutable. Pourtant Max n'est pas blond aux yeux bleus, mais brun aux yeux noirs de grenouille et est doté d'un nez busqué de surcroit. Dans la maison voisine, celle de Chaïm Finkelstein, coiffeur juif propriétaire du salon le plus réputé de la ville, nait deux minutes et 22 secondes après lui son fils Itzig qui est circoncis huit jours plus tard, le 23 mai 1907. Minna tente d'en faire autant à Max, mais celui-ci ne se laisse pas faire. Il se débat comme un beau diable pour ne pas abandonner le plus petit morceau de prépuce. Mais bientôt Minna est renvoyée par son patron qui estime que cinq amants pour une seule femme, même de composition robuste, cela fait trop désordre. Ne sachant où aller, elle s'installe avec Max chez Slavitsky, le coiffeur concurrent du salon Finkelstein, mais en nettement moins chic. Max devient ami d'Itzig, intelligent, blond aux yeux bleus et nez parfaitement droit. Il l'imite en tout au point d'apprendre à parler yiddish, à chanter avec lui à la synagogue et même à faire partie de l'équipe de football juive de la ville. Mais l'arrivée d'un dictateur moustachu va changer toute la donne…

« Le nazi et le barbier » est un roman picaresque et drolatique sur un thème particulièrement douloureux, celui de la Shoah, celui de la destruction des Juifs d'Europe et de leur émigration vers la Palestine après guerre. L'auteur nous présente un anti-héros, presque un monstre « sympathique » qui semble pris dans des évènements sur lesquels il n'a aucune prise et qui fait en toutes circonstances tout ce qu'on lui dit de faire, même les pires horreurs. C'est aussi et surtout une sorte de crétin, d'imbécile heureux qui passe miraculeusement à travers toutes les gouttes des averses les plus denses. SS sans pitié qui ne sait même pas combien de Juifs il a trucidé, il se reconvertit en patriote juif membre de premier plan de la Haganah et se met à zigouiller presque autant de Britanniques pour libérer son pays d'adoption. Le barbier allemand se mue sans problème en barbier juif et même en héros du sionisme sans aucun problème jusqu'au jour où… (Mais ne déflorons pas la fin de cette histoire surprenante quoiqu'un brin invraisemblable). Le style est très vivant grâce à un langage parlé et de nombreux dialogues. Dans la première partie, le lecteur est embarqué dans un récit plein d'humour, de dérision et de truculence. Cela ralentit nettement dans la seconde. Avec l'arrivée en Palestine, plus de rigolade, de pastiche, de second degré, mais nettement plus de réflexion et de sérieux. Une fin en pirouette philosophique, précédée d'une autre plus psychologique rattrape le tout. Comme quoi on peut rire de tout, même des histoires les plus dramatiques. L'humour peut très bien amener à la réflexion.

4/5

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06/04/2025

Augustus Carp (Henry H. Bashford)

Augustus Carp.jpgAugustus Carp est un homme de 47 ans un peu particulier. Il est très admiratif de son père, prénommé également Augustus, personnage d'une exceptionnelle fermeté, mais ne manquant pas d'une certaine humanité, ce qu'il prouve en dispensant son épouse de lui apporter chaque matin son thé à six heures, vu qu'elle devait passer ses nuits à veiller son fils souffreteux et atteint de multiples maladies et troubles divers (érythème, acouphènes, eczéma, maux de l'occiput, aigreurs d'estomac et dilatations flatulentes de l'abdomen). Le pasteur du quartier est choisi comme parrain de l'enfant. Lui-même reste très fier d'exercer sa responsabilité de bedeau de sa paroisse. Augustus fils devra attendre l'âge de 12 ans avant de faire une première tentative de rentrée à l'école qui vire à la catastrophe. Le voilà de retour à la maison pour deux années supplémentaires pendant lesquelles il attrape la teigne. Le médecin de famille lui prescrit un onguent qui lui fera perdre tous ses cheveux. Augustus père lui intentera un procès et le gagnera. Parvenu enfin à l'age adulte, Augustus fils ne trouvera un travail dans une petite société d'édition de livres de piété que par le biais d'un chantage un peu particulier…

« Augustus Carp » est présenté en quatrième de couverture comme « un livre qui manqua de faire mourir de rire trois générations de lecteurs et qui a désormais rang de classique ». La préface d'Anthony Burgess incite aussi très fortement à découvrir cette merveille méconnue de la littérature anglaise. Il ose parler de « l'un des plus grands romans humoristiques du siècle. » Bien que ce roman soit paru anonymement en 1924 et qu'il n'ait eu aucun succès à l'époque, il fut ressorti bien des années plus tard et Phébus en donna une version française en 2003. Le lecteur, confiant dans de tels éloges, n'en est que plus déçu à la lecture de cette histoire peu originale qui se veut une satire amusante d'une certaine classe moyenne britannique, bien-pensante (Carp est affilié à toutes sortes de ligues de vertus luttant contre l'alcool, la danse ou la prostitution), confite dans une religiosité mal comprise, plus tartufe qu'autre chose. On est tricheur, menteur, procédurier et hypocrite dans cette famille. Et toujours fort avec les faibles et faible avec les forts. L'ennui, c'est que cette pochade est racontée sans grande finesse. Le trait est épais pour ne pas dire lourd, grossier et même un peu outrancier. Carp père et fils n'ont pas un défaut, mais tous les défauts et ne souffrent pas d'une maladie, mais de dizaines, etc. Le style n'est pas très léger non plus. Il semble avoir mal vieilli. On rit ou sourit parfois mais on reste très loin du chef d'œuvre oublié promis et à environ cent lieues du niveau d'un P.G Wodehouse, d'un Tom Sharpe ou d'un David Lodge, véritables maîtres de l'humour british !

3/5

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