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08/11/2024

Devenir immortel et puis mourir (Eric Faye)

Devenir immortel et puis mourir.jpgUn écrivain en panne d’inspiration et toujours à la recherche de la formulation la plus limpide est dérangé par des coups frappés dans le mur de son appartement à chaque fois qu’il essaie de se mettre à l’ouvrage. Bizarrement, le logement mitoyen d’où doit venir le bruit est inoccupé… L’écrivain Franz Kafka n’arrive plus à écrire que dans le silence complet de la nuit, quand toute sa famille dort et qu’enfin rien ne le dérange plus… Vers 215 avant J-C, le premier empereur de Chine Huangdi rêve de devenir immortel. Selon une rumeur colportée par des marchands, dans une île lointaine, certains hommes y seraient parvenus en consommant un champignon introuvable ailleurs. Il envoie une grande expédition maritime dans cette direction. Mais les années passent et pas un seul bateau ne revient… De nos jours, un physicien spécialiste de l’infiniment petit est invité au Japon pour un congrès. Il cherche en vain à apercevoir le Mont Fuji-Yama, perpétuellement caché dans les brumes et les nuages. Il en est même à se demander si le site le plus célèbre du pays n’est pas un simple mythe…

« Devenir immortel et puis mourir » est un recueil de quatre nouvelles d’intérêt, de registres et de style variés. La première, intitulée « L’inachèvement » relève plutôt de l’étrange du quotidien. Elle est particulièrement réussie autant sur le fond que sur la forme avec une construction solide et une fin surprenante. « La nuit du Verdict » qui met en scène Kafka est de loin la moins réussie à notre goût. Même thème que la première, mais intrigue inconsistante. La troisième, au titre éponyme, est un petit bijou. Elle domine les trois autres. Le fantastique est amené à son meilleur avec cet empereur devenu quasi immortel de devoir attendre le retour d’une expédition devant lui apporter la fameuse potion d’immortalité. La rencontre et le dialogue avec Mao mérite le détour. La dernière, « Le mur de Planck », est plutôt une sorte de conte philosophique sur la solitude et l’éternelle quête d’un absolu inaccessible à l’homme. Au total, trois nouvelles réussies sur quatre. Donc un opus à conseiller aux amateurs du genre.

4/5

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04/11/2024

Le roi des fougères (Jean Anglade)

Le roi des fougères.jpgLe jeune Zébédée, dix ans, est l’un des six enfants de Noélise et Pamphile Lhasard, un couple de Martiniquais installés depuis peu en Auvergne. Conducteur de tramways sur la ligne Montferrand-Royat, le père, si admiré par Zébédée, a un faible assez prononcé pour le rhum blanc. Il en a toujours une bouteille dans sa cabine pour se donner du cœur à l’ouvrage. Mais un jour, un inspecteur de la compagnie de transport lui en fait le reproche et le menace de renvoi devant son fils. Voir son père humilié bouleverse Zébédée au point de le faire partir à l’aventure, droit devant lui et sans espoir de retour. Bien décidé à ne plus jamais retourner à l’école, il jette son cartable dans la rivière avant de prendre la direction du Puy de Dôme. Alors qu’il s’est assoupi en chemin, un homme barbu et vêtu de guenilles le réveille et se présente à lui sous le nom de « Roi des fougères ». Il invite l’enfant à séjourner dans son « palais »…

« Le roi des fougères » est un court roman de moins d’une centaine de pages, une « novella » très agréable à lire. Ce n’est pas vraiment un roman de terroir, même si l’histoire se situe en Auvergne dans les années 50 ou 60, mais plutôt une sorte de fable ou de conte philosophe dans lequel Jean Anglade a voulu illustrer diverses problématiques : le déracinement d’une famille où la mère se lamente d’avoir quitté son île bien-aimée et où le père s’oublie dans l’alcool et surtout la quête impossible d’une liberté totale du vagabond qui vit dans un monde imaginaire et semble même y avoir trouvé un bonheur paradoxal. Ce personnage est certainement le plus attachant et le plus intéressant de cette histoire qui finit tristement, vu que malgré sa générosité, il se retrouvera victime des apparences. Encore un bon titre du prolifique Jean Anglade !

4,5/5

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31/10/2024

Elles attigent (James Hadley Chase)

Elles attigent.jpgÀ Londres, un brave garçon, George Fraser, ancien employé de banque et maintenant placier en bouquins, a été un enfant introverti et solitaire car abandonné en bas âge par ses parents artistes itinérants. Pour échapper à un destin médiocre, il s’imagine être Bulldog Drummond, puis Jack Dempsey, le célèbre boxeur, et finalement il se voit bien dans la peau d’un tout puissant chef de gang de Chicago, amassant les dollars par millions et terrorisant jusqu’aux lieutenants du terrible Al Capone. Il se voit aussi l’idole de beautés blondes éblouissantes et magnifiquement vêtues. Il raconte ses exploits imaginaires à Ella, la femme de chambre de la minable pension de famille où il habite. En réalité, George n’est qu’un loser renvoyé de sa banque suite à des paris perdus et à des dettes non remboursées qui en est réduit à essayer péniblement de placer au porte à porte une méthode d’éducation pour un éditeur, Robinson, qui l’arnaque sur le taux de commission alors qu’il le croyait honnête et quasiment son seul ami. C’est son nouveau partenaire de travail, un certain Sydney, un affranchi plus malin que lui, qui lui ouvre les yeux. Et tout finit par basculer dans la vie monotone de Georges quand Sydney lui présente comme sa sœur une jeune et jolie personne…

« Elles attigent » se présente plus comme un roman noir ou un roman psychologique que comme un classique roman policier. Tout tourne autour du personnage de George Fraser, un prototype de gogo, de naïf, de benêt qui voudrait bien avoir l’air d’un voyou alors qu’il n’est qu’un cave, un blaireau, en dépit de sa puissante musculature, de ses histoires de gangsters sorties de films américains et même d’un Lüger qu’il n’ose pas charger de peur d’un accident. Comme il tombe amoureux au premier regard de Cora, la prétendue sœur de Sydney, celle-ci peut faire de ce pigeon son joujou et lui demander n’importe quoi. Et peu à peu, notre nigaud se laisse enferrer de plus en plus dans une histoire rocambolesque qui ne manque pas de piment tout en le menant à la catastrophe finale. Si on y ajoute le style fluide et agréable du grand romancier américain et une galerie de personnages haut en couleurs, on ne boude pas son plaisir avec cet opus qui n’a pas pris la moindre ride. Du divertissement de grande qualité.

4,5/5

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23/10/2024

L'envol des anges (Michael Connelly)

L'envol des anges.jpgÀ Los Angeles, l’inspecteur Bosch reçoit l’ordre de rassembler son équipe et de se rendre au plus vite à Grand Street, en haut de l’Angels Flight (Envol des Anges). Dans une des deux cabines de ce vénérable funiculaire, il découvre deux morts, une femme assise sur une banquette et un homme noir, couché à plat ventre sur le sol dans une mare de sang. Tous deux ont été tués par balle. La femme, technicienne de surface, s’appelle Catalina Perez. Elle se serait trouvée au mauvais endroit au mauvais moment, seule dans la cabine, en compagnie du célèbre avocat Howard Elias, grand défenseur des droits civiques et de la communauté afro-américaine, s’étant taillé une réputation de spécialiste de la poursuite en justice de flics ayant dépassé la ligne rouge. À chaque procès gagné, il obtenait de la municipalité une rétribution conséquente. Ainsi a-t-il déjà pu présenter une note d’honoraires de 340 000 dollars dans un procès engagé par un cambrioleur mordu par un chien policier et en obtenir la moitié. Il y a donc de fortes chances que assassin de cet avocat soit un des collègues de Bosch…

« L’envol des anges » est un roman policier à l’américaine, aux frontières du roman noir et du roman social. Michaël Connolly s’attaque à la fois aux violences inadmissibles de flics aussi racistes que ripoux, mais également à la pédo-criminalité en ne se contentant pas d’aller dans le sens de la pensée unique, mais en montrant également les dérives et travers de la défense des droits civiques avec cet avocat idolâtré par sa communauté, mais parfait profiteur du système d’une certaine façon. Le lecteur pourra découvrir à quel point la pourriture, la déliquescence morale et la corruption sont répandues dans une société californienne en pleine décadence. Au fil de la narration, le suspense monte d’abord lentement, puis crescendo. Les cadavres s’accumulent, les scandales aussi et tout finit en apothéose quand le lecteur découvre avec horreur toutes les turpitudes d’un « Roi de l’automobile » local. C’est bien amené, plein de détails bien ancrés dans une sombre réalité. Peut-être un peu trop lent et descriptif à notre goût, surtout dans les débuts. Un ouvrage quand même intéressant, pour se divertir, mais de façon intelligente…

4/5

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16/10/2024

Travelingue (Marcel Aymé)

Travelingue.jpgAu printemps 1936, Micheline et Pierre Lenoir, jeunes mariés de retour d’un voyage de noces en Egypte, sont invités à déjeuner dans la famille de Micheline, les Lasquin, propriétaires d’une petite usine. À la fin du repas, le père s’effondre sur son assiette. Il ne se relèvera pas. Quelques jours plus tard, sa veuve a la mauvaise surprise de trouver parmi les mots de condoléances, une lettre anonyme lui annonçant que son mari avait une liaison qui durait depuis fort longtemps. Elle décide de garder le secret vis-à-vis de sa fille et de son gendre qui travaille déjà dans l’usine familiale. Très accaparé par son travail, Pierre propose à Micheline d’accepter que Bernard Ancelot, son meilleur ami, l’emmène jouer au tennis, sans imaginer une seconde les risques pour son couple… Certaines responsabilités importantes à la direction de l’usine ont été confiées à Chauvieux qui a bien conscience qu’il n’est pas à la hauteur de la tâche. Le voilà qui rencontre par hasard sur les Champs-Elysées un certain Malevrier, ami qu’il a connu au temps où ils étaient tous deux militaires en Syrie. Ils discutent de l’affrontement qui vient de se produire entre les révolutionnaires du Front populaire et les anciens combattants de 14, les premiers braillant l’Internationale et les seconds la Marseillaise. L’époque est assez troublée. L’agitation sociale gagne déjà l’usine Lasquin menacée d’une grève illimitée…

« Travelingue » est un roman difficile à classer dans un genre particulier. C’est à la fois un roman social, d’ambiance, humoristique et même policier (vu qu’il y a un crime avec une rapide enquête) voire sentimental avec des couples qui se font et défont et toutes sortes de chassés-croisés et quiproquos amoureux. Cet opus plein d’intelligence, de finesse et d’humour donne une idée intéressante de l’ambiance qui pouvait régner dans notre pays dans la période tumultueuse et pleine d’illusions de l’avant-guerre. Marcel Aymé se veut un observateur impartial de la société de son temps. Il décrit, ne prend pas parti et le résultat n’est pas loin de la fable ou du conte philosophique. Le lecteur a droit à la découverte d’une galerie de personnages hauts en couleurs comme Milou, le jeune prolo boxeur bisexuel accompagné du vieil inverti Johnny qui veut en faire un écrivain sous le nom improbable d'Evariste Milou alors qu’il préférerait se lancer dans le cinéma. Ou comme Pontdebois, véritable caricature d’écrivain engagé, obsédé par la notoriété et prêt à tout pour décrocher une Légion d’honneur. Sans oublier le coiffeur conseiller secret de tous les ministres d’un gouvernement qui a besoin de prendre le pouls du peuple. Encore un excellent titre du grand Marcel Aymé à lire ou à relire.

4,5/5

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11/10/2024

Les arcanes noirs de l'hitlérisme (Robert Ambelain)

Les-Arcanes-noires-de-lhitlerisme.jpgLe courant porteur du national-socialisme hitlérien, responsable de dizaines de millions de morts militaires et civils, remonte à nettement plus longtemps que la période 1933-1945. Il vient des profondeurs d’un pangermanisme raciste, païen, manipulé par toutes sortes d’influences ésotériques aux racines quasi ancestrales. Le nazisme ne serait donc que la partie émergée d’un iceberg plutôt sombre. En effet, après chaque défaite de l’Allemagne (guerres napoléoniennes, premier conflit mondial) cette tendance lourde ressurgit toujours plus puissante avec la volonté de réunir toutes les populations germanophones et d’annexer tous les territoires anciennement ou vaguement germains, de la Pologne à la Bourgogne, sans oublier une grande partie des pays d’Europe centrale, histoire d’assurer la suprématie allemande sur toute l’Europe et même au-delà. Ainsi Bismarck en fut un adepte particulièrement actif. Pour affaiblir l’Empire Austro-hongrois et réaliser le projet, il n’hésita pas à s’impliquer dans le double assassinat de Mayerling, maquillé en suicides, et dans l’attentat de Sarajevo qui eut les conséquences dramatiques que l’on sait. Hitler ne fit donc que poursuivre une œuvre de longue haleine qui devait, une fois la réunion germanique réalisée (Anchluss de l’Autriche, récupération des Sudètes, etc.), obtenir la main-mise sur l’ensemble de l’Europe et pourquoi pas plus avec le « Drang nach Osten » (conquête de l’est). Le nazisme était donc une énième tentative des forces obscures pour arriver à leurs fins totalitaires…

« Les arcanes noirs de l’hitlérisme » est un essai historique abordant le côté sombre de l’Allemagne avec toutes les sociétés secrètes comme la Thulé Gesellschaft qui avait pour emblème la croix gammée, le mouvement du Vril très inspiré d’un bouddhisme tibétain très particulier qui influencèrent et peut-être manipulèrent Hitler. Si Hess en fit partie, ce ne fut pas le cas d’Hitler qui pourtant s’en inspira complètement. Le monstre à moustache n’inventa rien. Le lecteur en apprendra de belles à son sujet. Il avait une véritable ascendance juive par sa grand-mère servante chez un notable juif, le baron Frankenberg qui l’avait mise enceinte. La famille versa d’ailleurs une pension alimentaire à vie pour l’enfant (futur père du Führer) nommé Aloïs Hiedler qu’une erreur de copie administrative transforma en Hitler. Alois se maria avec sa cousine, Klara Polzi qui lui donna quatre enfants après en avoir perdu trois autres en bas âge. Hitler était 3e de la fratrie. Il avait une malformation de l’appareil génital et contracta, sans doute au bordel de campagne, une syphilis jamais correctement soignée qui ne fit que s’aggraver au fil du temps et entrainer des problèmes moteurs et mentaux. On notera autour de lui la présence de toutes sortes de personnages louches comme des mages qu’il ne conserva que quand ils lui prédisaient la victoire, un médecin personnel assez particulier, et, entre autres, un certain Otto Rahn dont on ne sait trop s’il portait son véritable nom, s’il était agent secret ou véritable chercheur, qui séjourna longtemps en Ariège autour des châteaux cathares à la poursuite du Graal et autres trésors wisigoths. Ouvrage documenté très intéressant qui ne se consacre pas uniquement aux fameux arcanes, mais aussi à bien d’autres aspects de la période. Bonne vulgarisation pour qui s’intéresse au sujet. Conclusion datée et un peu discutable sur les mouvements néo-nazis qui réapparurent à la fin du XXe lors du démantèlement de l’Allemagne de l’Est. Le ventre de la bête immonde est toujours fécond, semble conclure l’auteur. L’avenir nous a montré plutôt une métamorphose, une infiltration assez différente de ce qu’il pouvait imaginer.

4/5

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06/10/2024

L'homme révolté (Albert Camus)

L'homme révolté.jpgDifficile de faire un bref résumé de cet ouvrage. Juste en dire que son auteur a voulu définir avec précision et objectivité la notion de « révolte », à ne surtout pas confondre avec « révolution » qui signifie réalisation, cristallisation d’une révolte. De tous temps, la condition de l’homme lui a semblé difficile, voire insupportable, en dépit des consolations de la religion qui donnait l’espoir d’un sort meilleur dans l’autre monde. Depuis la contestation du protestantisme, puis l’avènement des philosophes des « lumières », puis l’explosion de la révolution et la décapitation du roi Louis XVI, la divinité est morte. L’homme s’est retrouvé seul face à son destin. « Si Dieu est mort, tout est possible », a écrit Dostoïevski. La religion a tourné en politique, la révolte en principe intangible et le bonheur sur terre a été reporté aux calendes grecques, c’est-à-dire à l’avènement du socialisme intégral, du communisme idéal, etc. Pour atteindre cet idéal inaccessible, tout opposant, toute personne supposée hésitante devient alors immédiatement suspecte, donc emprisonnée, jugée sommairement et guillotinée sous la Terreur en France, envoyée au Goulag dans l’URSS de Lénine et Staline, au Lao-Gai de Mao ou en camp de concentration sous Hitler. « La vertu absolue est impossible. La république du pardon amène par une logique implacable la république des guillotines », note d’ailleurs Camus.

« L’homme révolté » est un essai de philosophie politique de très haut niveau et pourtant relativement facile à lire car l’auteur présente les faits avec une grande clarté et une certaine simplicité, mais sans tomber dans la vulgarisation. Il en appelle à de nombreux exemples, autant de l’histoire ancienne que récente. Ainsi présente-t-il le marquis de Sade comme le premier théoricien de la révolte absolue. « Dans les chaînes, l’intelligence perd en lucidité ce qu’elle gagne en fureur. Sade n’a qu’une logique, celle des sentiments », écrit-il. Après ce précurseur, Camus en appelle à de nombreux autres comme Saint-Just, Dostoïevski, Nietzsche, Bakounine, Marx ou Hegel, pour ne citer que les principaux. Avec Lautréamont, Breton et quelques autres, il en vient même à la révolte des écrivains, des poètes, des musiciens ou des peintres dans un chapitre sur l’art contemporain (comptant pour rien), peut-être le summum de l’ouvrage. Datant de la moitié de l’autre siècle (1951), cet essai est donc tributaire de l’actualité politique de son époque avec une URSS menaçante et des Etats-Unis encore sur la défensive. Mais le discours reste exact et semble même presque optimiste aujourd’hui. Qu’aurait dit Camus s’il avait pu analyser l’incroyable fusion du capitalisme avec le communisme et le nazisme dont nous sommes aujourd’hui témoins et victimes ? Ce néo-totalitarisme soft et hyper technologique lui aurait-il même permis de pousser ce cri qu’il faut absolument lire ou relire pour mieux comprendre la problématique de la révolte ?

4,5/5

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01/10/2024

Le moulin de la Sourdine (Marcel Aymé)

Le moulin de la sourdine.jpgDans une petite ville de province, Buquanant et quelques camarades ont l’habitude de se retrouver à la sortie de l’école pour jouer quelque temps avant de rentrer chez eux. Il les incite à venir dans son quartier, un brin mal famé, à l’autre bout de la ville pour leur faire découvrir d’autres terrains de jeux et surtout une mystérieuse rivière souterraine, appelée La Sourdine qui doit être passionnante à explorer pour cette petite bande de gamins d’une douzaine d’années. De son côté, Maître Marguet, notaire de son état, voudrait convaincre le vieux Burtillat de vendre son terrain pour permettre l’extension de TDC, la petite usine locale. Sans y parvenir. Passant par là, Troussequin, pauvre hère peu gâté par la nature, demande aux deux hommes de lui accorder quelques heures de travail. Le notaire accepte de l’embaucher à repeindre sa cabane de jardin. Quelques jours plus tard, la jeune servante du notaire est retrouvée dans sa chambre, poignardée de bien vilaine manière. Le coupable est tout trouvé, ce sera Troussequin qui a déjà tâté de la prison pour tentative de viol. Mais c’est sans compter sur le témoignage des gamins juchés en haut du clocher de l’église…

« Le moulin de la Sourdine » n’est pas vraiment un roman policier dans la mesure où il n’y a pas d’enquête au sens classique du terme. Le lecteur devine le nom du coupable dès le début. C’est plutôt un roman noir ou un roman social et même une fable avec une morale du genre : « selon que vous serez puissants et respectables ou pauvres et peu recommandables, vous serez jugés de bien différente manière ! » La petite ville de province, que l’on peut supposer franc-comtoise, est un microcosme assez figé avec sa partie respectable et son quartier populaire, ses notables, le maire, le notaire, le juge d’instruction et ses gueux, tous bien pétris d’humanité. L’ironie teintée de mansuétude de Marcel Aymé s’en donne à cœur joie dans cette histoire sur la culpabilité, les préjugés et la facilité avec laquelle l’opinion se fait et se défait. Même si ce texte date de 1936, il est encore très agréable à lire aujourd’hui, ne serait-ce que pour le style élégant de Marcel Aymé, pour la description de personnages assez hauts en couleurs et pour le sujet intemporel, celui de l’erreur judiciaire.

4/5

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28/09/2024

Révolution et mensonge (Alexandre Soljenitsyne)

Révolution et mensonge.jpgPeut-on vraiment vivre sans mentir ? Un totalitarisme peut-il perdurer sans violence ni mensonge ? Et quid de la passivité de l’opinion publique, de sa collaboration avec un pouvoir inique alors qu’il suffirait qu’un nombre suffisant de personnes, sans même se dresser ouvertement, sans même descendre manifester dans la rue et encore moins aller affronter les forces de répression, se contente de ne plus obéir du tout pour que toute tyrannie s’effondre tel un château de cartes… Comment une simple révolte circonscrite à la seule ville de Saint Pétersbourg et sans aucun réel soutien du peuple, put-elle prendre une importance considérable et tout faire basculer en février 1917 ? Pourquoi le tsar Nicolas II abdiqua-t-il aussi facilement ? Pourquoi ne fut-il pas capable de s’appuyer sur la noblesse et l’armée ? Quels furent les points communs et les différences entre la révolution française et la révolution russe ?

« Révolution et mensonge » est un ouvrage regroupant trois essais de philosophie politique écrits par Alexandre Soljenitsyne en marge et en complément d’une de ses œuvres magistrales « La roue rouge ». Le premier « Vivre sans mentir », datant de 1974, s’attaque plus généralement aux problèmes de la soumission à l’autorité, de la lâcheté du public par calcul, manque de conviction voire par sottise pure et simple. On est dans le registre de la psychologie et de la manipulation des foules, voire celui de la « Servitude volontaire » si bien décrite par La Boétie. Dans le deuxième, « Leçons de février », écrit en 1983, l’auteur s’attache plus à la personnalité de Nicolas II, sa posture presque trop « chrétienne » lui interdisant de réagir en faisant couler le sang de son peuple, tout comme son côté petit bourgeois, soulagé d’être enfin débarrassé du fardeau du pouvoir et heureux de pouvoir retrouver sa petite vie de famille. Quant au troisième, il est peut-être le plus intéressant du point de vue historique (« Deux révolutions, la française et la russe », 1984). Les similitudes que le lecteur y découvrira sont innombrables. Deux monarques faibles, mal entourés, mal soutenus et peu réalistes. Un enchainement d’évènements étrangement parallèle, un emballement quasiment incontrôlable avec élimination des plus modérés (Mencheviks en Russie, Girondins en France) au profit des plus extrémistes (Bolcheviks et Montagnards). Même haine de la religion, même liquidation du clergé qui refuse de se soumettre. Même spoliation, même ruine et même effondrement du pays. Seule différence notable : en France, tout s’acheva par un Thermidor qui vit la Révolution dévorer ses enfants avant de passer la main à un dictateur qui s’improvisa empereur et répandit la guerre dans toute l’Europe (la comparaison Napoléon/Staline ne semble pas pertinente). Les Bolcheviks russes, très inspirés par la révolution française, surent habilement éviter le piège et faire durer leur pouvoir presque trois quarts de siècle avec des souffrances bien pires et des victimes en nombre nettement supérieur…

4,5/5

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24/09/2024

300 maximes des saint ascètes de l'Eglise orthodoxe (Georges Maximov)

300 paroles de sagesse.jpg« C’est une chose de croire que Dieu existe, et une autre de connaître Dieu. Celui qui connait Dieu par l’Esprit-Saint brûle d’amour pour Dieu jour et nuit et son âme ne s’attache à rien de terrestre. » (St Silouane du mont Athos)… « Ne dis pas : « Cela s’est produit par hasard, c’est arrivé tout seul. » Dans ce qui arrive, il n’y a rien de désordonné, rien de vain, rien d’accidentel… Quel est le nombre de tes cheveux ? Il n’en est aucun que Dieu n’ait compté ! Ne vois-tu pas que rien, même la chose la plus infime, n’échappe au regard de Dieu. » (St Basile le grand)… C’est le mensonge qui nous sépare de Dieu, et uniquement le mensonge, les pensées mensongères, les mots mensongers. C’est la conjonction de tous ces mensonges qui nous conduit à la mort, aux illusions et au reniement de Dieu. » (St Nicolas d'Ochrid)… Ces trois citations, juste pour donner une idée du ton particulier de cet ouvrage.

En effet, « 300 maximes des saints ascètes de l’Eglise orthodoxe » est un recueil de préceptes, d’apophtegmes, de paroles de sagesse de géants de la foi orthodoxe, souvent moines ou ermites du mont Athos et autres lieux. À l'origine, ils étaient destinés surtout à l’enseignement de jeunes novices débutant dans la vie religieuse. L’ouvrage est assez court (56 pages), mais plutôt dense. Chaque maxime mérite d’être lue, relue et méditée, tant elle relève d’une foi profonde, d’une spiritualité élevée et d’une ferveur extraordinaire. Ces préceptes, qui peuvent être d’un grand secours dans notre vie de tous les jours, sont classés en six grands chapitres : « Dieu et nous », « Les réalités du monde spirituel », « Nous et ceux qui nous entourent », « Ce qui nous rapproche de Dieu », « Ce qui nous empêche sur le chemin vers Dieu » et « Ce qu’il faut supporter sur la voie spirituelle. » La lecture de ce recueil peut présenter un intérêt universel. N’importe qui peut en tirer profit, quelle que soit sa religion ou son absence. Les véritables valeurs de la loi naturelle s’imposant d’elles-mêmes…

4,5/5

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