09/06/2025
L'art de la guerre (Sun Tzu)
Difficile à dater (IVe ou Ve siècle), ce classique traité de stratégie militaire chinoise est composé de treize chapitres, présentant divers aspect d'une théorie visant à permettre de sortir vainqueur de toutes sortes de situations de conflits. Il s'agit de l'évaluation, de l'engagement, de la victoire ou de la défaite, des moyens à mettre en œuvre, de la contenance à avoir, du plein et du vide, des affrontements directs et indirects, des changements à opérer, de la distribution des moyens, de l'importance de la topologie, des neuf sortes de terrains, des attaques par le feu et de la problématique de la concorde et de la discorde. L'auteur concluant d'ailleurs qu'il n'y a jamais de bonne guerre et donc qu'une mauvaise paix lui est même souvent préférable.
« L'art de la guerre » est un court essai (101 pages) très concret et très pragmatique, même si parfois le lecteur pourra y voir quelques côtés philosophiques. Le principe général étant de vaincre plutôt par la ruse que par la force brutale irréfléchie. Tout est analysé avec une précision très orientale. Pas un secteur n'est négligé. Les conditions matérielles, la topologie, les circonstances importent, mais pas plus que l'organisation générale, la préparation, le nombre de combattants, les armes, la logistique ou le moral des troupes. Bien des généraux de l'histoire mondiale auraient pu tirer profit de ces enseignements multi-séculaires et pourtant toujours d'actualité, même à notre époque de guerre de drones, de proxy, de propagande, d'opérations sous faux drapeaux, de missiles subsoniques et de dissuasion nucléaire. Facile à lire mais avec quelques répétitions voire lourdeurs.
4/5
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06/06/2025
Le coût de la Terreur (René Sédillot)
De septembre 1792 (Valmy, la Convention, l'an I de la République et les massacres de septembre) à juillet 1794 (Thermidor et chute de Robespierre) s'étend une période courte mais particulièrement sombre de notre Histoire de France, appelée « La Terreur ». Elle représente le sommet de la Révolution, son accomplissement, avec le Comité de Salut public, le Tribunal révolutionnaire, les sections sans-culottes, les Jacobins tout-puissants, mais aussi avec l'inflation, la dette, la fausse-monnaie des « assignats », la taxation des denrées, la bataille aux frontières, le génocide vendéen, la répression tous azimuts avec la loi des suspects, la terre brûlée, les colonnes infernales, les noyades de Nantes et la guillotine de sinistre mémoire. Lors de l'assaut du palais des Tuileries, les gardes suisses, dernier rempart de la royauté, avaient reçu de Louis XVI l'ordre de ne pas tirer sur la foule. Ils furent égorgés, scalpés, éventrés, émasculés et dépecés jusqu'au dernier. Les Tuileries furent intégralement pillées alors que Louis XVI et sa famille allèrent se mettre sous la protection de l'Assemblée nationale, ce qui ne leur porta pas chance. Si la masse du peuple parisien fut assez passive lors de ces journées, on découvre dans ce livre que les quelques milliers d'émeutiers recevaient un salaire assez conséquent. Les « Marseillais » arrivés du Midi étaient payés 30 sous par jour et les sans-culottes parisiens recevaient eux 40 sous alors qu'un ouvrier n'en touchait que dix en moyenne pour une journée de travail.
« Le coût de la Terreur » est un essai historique principalement basé sur les réalités économiques de cette époque. Il évoque bien entendu le coût humain, mais sans trop s'y attarder car le sujet principal reste l'économie et la catastrophe que représenta cette période. Le lecteur découvrira que la guerre d'indépendance américaine avait déjà coûté à la France la bagatelle de 2 milliards de livres qui n'étaient toujours pas remboursées. Les révolutionnaires n'eurent de cesse d'augmenter cette dette de toutes les façons possibles (900 000 livres dépensés pour des « Ateliers de charité », 500 000 livres pour faire baisser le coût de la farine, indemnités parlementaires de 36 livres par jour, etc.) La saisie et la vente des biens du clergé et des émigrés ne suffisant pas à renflouer des caisses désespérément vides, il fallut en passer par la planche à billets. Le pouvoir imprima des assignats à tour de bras. De petits malins en firent autant, ce qui aggrava encore l'inflation. Le 20 mai, fut levé un emprunt « forcé » pour financer la guerre. Plus d'impôt, mais des « contributions » progressives pour faire payer les riches. Chaque citoyen devait déclarer ses revenus. Des vérificateurs avaient les pleins pouvoirs. La taxation devint vite arbitraire et confiscatoire, incitant les contribuables à tricher. Le montant de la dette s'élève alors à 174 170 000 francs d'arrérages annuels soit 3,5 milliards en capital. Avec la mise en place du « Maximum » (blocage des prix), le commerce tombe en panne. Une fois les religieuses et religieux chassés des hôpitaux et des écoles qu'ils faisaient fonctionner, les soins laissent à désirer, l'alphabétisation est stoppée net, les grandes écoles et les universités ferment leurs portes. Il faudra attendre la chute de Robespierre et la venue de Bonaparte pour que la situation commence peu à peu à se régulariser. Livre fort intéressant qui se termine d'ailleurs par quelques paragraphes présentant la plupart des autres « Terreurs » inspirés par celle de 1793 : la Commune, les révolutions, russe, chinoise et cambodgienne (Khmers rouges) qui toutes s'en réclamèrent.
4,5/5
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03/06/2025
Escrologie (Aldo Stérone)
Dans le jeu de la mondialisation, l'Europe, contrairement aux Etats-Unis, à la Chine, à la Russie et au Tiers-Monde, est en train de devenir le grand perdant, celui qui joue contre ses intérêts et qui laisse des psychopathes milliardaires sans scrupules et des pays étrangers cyniques la piller sans vergogne. Alors qu'il n'y a plus d'argent pour les hôpitaux, les écoles, la police, la justice ou pour verser des retraites décentes, les gouvernants gaspillent allègrement des milliards pour des raisons idéologiques comme cette transition écologique totalement illusoire. L'obsession climatique et toutes les lois liberticides et contraignantes (interdiction de manger de la viande, de se déplacer en avion, en voiture, ZFE, villes de 15 minutes, etc) est en train de détruire tout un art de vivre, toute une créativité et tous les fondements civilisationnels du vieux Continent tout en ruinant ses habitants. Au nom d'une écologie dévoyée, l'Union Européenne est en train de démanteler tout notre potentiel industriel et agricole à grands coups de réglementations de plus en plus tatillonnes et imbéciles et de taxations confiscatoires.
« Escrologie » est un essai assez court et facile à lire, une sorte de long article d'enquête de type journalistique comme on devrait en lire un peu partout dans la presse mainstream si les journalistes faisaient honnêtement leur travail et ne se contentaient pas de répercuter la doxa officielle. Cet ouvrage rassemble une accumulation de faits avérés, difficilement discutables, sur toutes sortes de sujets brûlants comme le réchauffement climatique anthropique, la fraude des éoliennes qui ne tournent que s'il y a du vent, mais pas trop et qui obligent à être doublées de centrales thermiques, le scandale des panneaux solaires avec ces sociétés qui promettent monts et merveilles à de pauvres gens qui se sont endettés à vie en raison d'un kwh racheté à des prix toujours plus bas, sans parler de celui des pompes à chaleur qui ne sont rentables que s'il ne fait pas trop froid. Sans parler de la future obligation de ne se déplacer qu'à vélo ou dans les transports en commun et de se régaler de viande artificielle ou de poudre d'insectes. Si le petit peuple est la première victime de ces lubies écologiques qui ne sont pas loin de l'escroquerie pure et simple (chômage de masse, chasse aux pauvres dans les centre-villes réservés de plus en plus aux bobos en raison des ZFE), les milliardaires, eux sont les grands gagnants tout comme la Chine ou tous les pays qui ne s'embarrassent pas de ces normes. Livre intéressant, mais qui ne convaincra que les convaincus, les autres étant déjà adeptes de cette étrange religion. Un dogme ne se discute pas. Deux petits reproches quand même : de nombreux sujets auraient mérité de plus longs développements et surtout l'ensemble comporte un peu trop de coquilles, de fautes d'orthographe ou de français à mon goût personnel.
4/5
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31/05/2025
Les habits neufs du terrorisme intellectuel (Jean Sévillia)
Entre manies et délires de l'intelligentsia française, bien-pensante car encore et toujours de gauche, le terrorisme intellectuel ne date pas d'hier. Dans les années 50, les élites culturelles exaltaient Staline et son paradis soviétique indépassable. Entre 1960 et 1970, elles louaient les prodiges de Fidel, Castro, Che Guevara, Mao, Ho Chi Min et même Pol Pot. Ils se félicitaient de la « libération » de Saïgon et de Pnom-Penh, abandonnant à leur triste sort les Boat-people et les Cambodgiens remis dans le droit chemin à coup de pioche dans la tête. En 1981, ils nous racontèrent qu'avec l'avènement de F. Mitterrand, le pays passait enfin de l'ombre à la lumière. Le temps des religions, des nations et des familles était révolu. Et aujourd'hui, le politiquement correct, la pensée unique et ce terrorisme intellectuel n'ont fait que croître et embellir. Le projet européen est devenu démentiel. Il devait apporter paix et prospérité au continent entier. Le voilà fauteur de guerres et créateur de pauvreté au nom de la concurrence libre et non faussée. La délinquance explose, tout comme le communautarisme. L'écologie punitive et le wokisme agressif et hors sol règnent en maîtres. Et quiconque s'interroge sur toutes ces dérives se retrouve immédiatement affublé d'étiquettes infamantes…
« Les habits neufs du terrorisme intellectuel » est un essai d'Histoire politique sourcé, mesuré, et basé sur des faits indiscutables. Ce n'est en aucun cas un pamphlet, juste le constat d'une réalité. L'auteur remonte aux années cinquante, mais il aurait aussi bien pu aller nettement plus loin, jusqu'à l'Epuration et même jusqu'à la Terreur (1793) et au génocide vendéen. « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté », disait-on alors. Censure et mort sociale aujourd'hui pour les opposants (voire embastillement pour les écrivains qui déplaisent, vu que certaines opinions sont devenues des délits). Rien de nouveau sous le soleil. La partie « historique », bien écrite, intéressante, mais n'apportant rien de nouveau à qui est un peu averti, occupe les trois quart de l'ouvrage. Les « habits neufs » (climatisme, wokisme, européisme, immigrationnisme, etc.), se retrouvent donc réduits à la portion congrue. Le macronisme, dernier avatar de l'extrême-centrisme globaliste est à peine abordé. La tyrannie sanitaire passe aussi par pertes et profits. De plus, cet ouvrage de qualité, publié en décembre 2024, est déjà dépassé vu qu'il s'arrête à la laborieuse constitution du gouvernement Barnier et ignore donc sa censure… Une histoire sans fin, en fait.
4/5
08:31 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
28/05/2025
Une enfance pour la vie (Paul Guth)
Depuis sa naissance au tout début de l'autre siècle, Paul Guth a passé son enfance dans le Sud-Ouest se partageant entre Villeneuve sur Lot et le Béarn. Son grand-père maternel était un humble paysan d'Ossun, près de Lourdes, et cousin de Bernadette Soubirous, petite bergère à qui apparut la Vierge Marie. Pour les vacances d'été, le jeune Paul Guth vit comme un petit paysan, garde les troupeaux et aide aux travaux des champs. Il ne se lasse pas d'observer la nature et les animaux. Son préféré est Picard, le brave chien de berger qui ne le quitte jamais. Mais un jour le pauvre animal est mordu par un chien enragé. L'oncle Victor se retrouve dans l'obligation de l'abattre à la chevrotine. Cette perte violente représente un immense chagrin pour l'enfant… Quelques années plus tard, il sera premier de sa classe, raflera tous les prix sauf en maths, passera haut la main le baccalauréat et ira même en hypokhâgne à Paris au lycée Louis le Grand. Ayant échoué trois fois au concours d'entrée de Normale sup, il se rattrapera avec l'agrégation qui lui permettra de devenir professeur de lycée avant d'embrasser la carrière littéraire que l'on connaît…
« Une enfance pour la vie » est un charmant récit d'enfance constitué d'une série de souvenirs un peu éparpillés, mais toujours touchants. Parti de rien, ses parents étant très pauvres, tout comme ses grands-parents d'ailleurs, ce petit garçon timide qui n'arrive ni à apprendre à nager, ni à danser et encore moins à aborder les filles, réussit cependant à monter un à un tous les échelons de l'ascenseur social. Boursier, il se retrouve dans une classe de prépa dans un lycée prestigieux avec pour compagnons Thierry Maulnier, Robert Merle, Roger Vaillant, Léopold Sédar Senghor et Georges Pompidou entre autres. Bien dans la lignée des autres « Naïfs », cet ouvrage délicieux a le charme et la poésie d'un monde disparu, celui des paysans et artisans de l'entre deux guerres et des futurs cadres intellectuels des années 30. Il nous parle d'un temps où un fils de mécanicien-inventeur ruiné comme Paul Guth pouvait devenir un grand de la littérature avec des ouvrages plein de gentillesse et de bons sentiments et où un fils d'instituteur comme George Pompidou pouvait parvenir au plus haut sommet de l'Etat. Les gens étaient pauvres, mais gais et bien vivants. Ils ne disposaient ni d'eau courante, ni de voitures, ni de télévision et encore moins d'ordinateurs ou de smartphones, mais ils étaient chaleureux, solidaires et remuants. Guth racontent qu'ils parlaient fort, chantaient à tue-tête et s'exprimaient alors qu'avec toutes ces avancées ils s'isolent, se réfrènent et deviennent même indifférents les uns aux autres. À lire presque comme document sociologique du même ordre que « La Gloire de mon père » ou « Le Château de ma mère » de Pagnol…
4,5/5
09:04 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
23/05/2025
Le Jacassin (Pierre Daninos)
Les idées reçues sont légions, remarque Daninos : le Grec est tricheur, l'Anglais hypocrite, l'Américain un grand enfant, l'Allemand querelleur, le Polonais toujours ivre, le Russe insondable, le Chinois indéchiffrable, l'Argentin noceur, l'Espagnol fier, l'Arabe paresseux, le Suisse lent, le Hollandais lourd, l'Italien versatile et le Juif, juif… Et en France même, ce n'est guère mieux : le Breton est têtu, le Corse vindicatif, le Marseillais galégeur, le Lyonnais renfermé, le Bordelais snob, etc… Quant au politicien il est pourri, l'instituteur communiste, l'avocat véreux, le financier requin, le commerçant voleur, le magistrat corrompu, l'ouvrier haineux, le patron égoïste, le médecin charlatan, le percepteur insatiable, etc. Que n'entend-on pas au moindre dîner familial ou au café du Commerce ?
« Le Jacassin » est un recueil amusant d'idées reçues, de poncifs, et autres truismes plus ou moins marqué au sceau du gros bon sens voire d'une certaine mauvaise foi. Le lecteur rira ou sourira beaucoup à la lecture de cet ouvrage ancien (datant de 1962), mais toujours amusant et encore d'actualité, la sottise, la courte vue étant toujours aussi présentes aujourd'hui si ce n'est plus qu'à l'époque et les clichés, les idées toutes faites, le prêt-à-penser guère différents. À croire que l'on a affaire à une sorte de sagesse immanente. L'auteur prend comme point de départ un repas familial, « le Déjeuner de Saumur » au cours duquel il a droit à un festival de clichés et poncifs assénés par oncles, tantes, parents et grand-parents alors qu'il est encore enfant. Il analyse ensuite les particularités du langage courant en associant un certain nombre de substantifs à leurs adjectifs les plus usités. Le résultat est assez amusant. Puis il propose une sorte de dictionnaire qui reprend souvent les mêmes thèmes mais avec cette fois une définition ou un commentaire. Exemples : « Servante : toujours accorte dans les feuilletons » ou « Service militaire : période pendant laquelle on mange mal mais qui nourrit la conversation pour la vie ». Un charmant ouvrage qui se dévore en un rien de temps et auquel on peut encore et toujours se référer, ne serait-ce que pour une définition impertinente de mots.
4,5/5
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14/05/2025
Vent de soleil (Pierre-Jakez Hélias)
Vent de Soleil, connu sous de nombreux autres noms comme Ned M. Zivad, Netra, Henri Lannuzel ou Charles Lavessant, est un riche homme d'affaires breton ayant réussi dans l'import-export après avoir commencé comme boulanger, puis chiffonnier, brocanteur, maître d'hôtel et même passeur d'hommes pendant la Seconde Guerre Mondiale. Revenu à Porz Kuz, son fief breton, il convoque son secrétaire-chauffeur-homme de loi, son principal concurrent et les deux femmes qu'il aima dans sa vie aventureuse sans doute pour mettre un point final à une carrière étonnamment remplie, faite de déplacements incessants, de changements permanents, de rencontres avec des gens de tous les milieux, mais aussi dVent de Soleilu désir permanent de connaître et d'aider ses semblables. Et voilà que Ned est victime d'un accident mortel lors d'une promenade le long de la côte, ce qui remet tout en question.
Roman psychologique sur fond économique, policier et de terroir, « Vent de Soleil » est un livre dont l'intérêt va bien au-delà de l'aspect bretonnant de son contexte. Tout reposer sur Ned, le personnage principal, mélange de Fantomas, de Rodolphe, de Jean Valjean et de Robin des Bois. Difficile de croire à cet orphelin insatiable et insatisfait, incapable de se fixer quelque part et pourtant d'une grande humanité et d'une immense générosité et pourtant, le lecteur est accroché et se laisse embarquer par cette histoire improbable. Sans doute parce que l'auteur a su renouer avec les bonnes recettes du roman populaire (Gaston Leroux, E.Sue, Hugo ou Dumas), développer son intrigue sous forme d'une sorte de saga et dépeindre tout un arrière plan historique et géographique. Si la partie économique est la plus faible, le suspens est parfaitement maintenu et chaque personnage secondaire permet d'éclairer une facette du bonhomme, ce qui maintient l'intérêt jusqu'à la révélation de la clé du mystère dans les toutes dernières pages.
4/5
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06/05/2025
Le braconnier de Dieu (René Fallet)
En 1943, Grégoire Quatresous et Toussaint Baboulot, 24 ans, ouvriers agricoles, rentrent chez eux à vélo en pleine nuit et en zigzagant un peu car ils sont un brin éméchés. Ils ont bu un peu trop de mousseux chez la mère Françoise qu'ils aiment bien fréquenter car elle a deux grands attraits à leurs yeux : la cuisse fort légère et un mari prisonnier en Allemagne. Mais alors qu'ils se rappellent un peu trop bruyamment leur soirée bien arrosée et terminée à trois dans les bras accueillants de la taulière, les voilà pris en chasse par une patrouille de soldats allemands. Meilleur cycliste, Toussaint parvient à s'échapper. Talonné de plus près, Grégoire trouve son salut en sautant le mur de clôture de l'abbaye trappiste de Sept Fons. Malheureusement, en se réceptionnant de travers, il se brise la cheville et s'évanouit. À son réveil, il se retrouve à l'infirmerie avec la jambe plâtrée, hôte malgré lui de moines dont il n'apprécie pas trop la compagnie, sa famille lui ayant inculqué que la religion était l'opium du peuple. Mais il finit par tellement bien s'habituer au calme de cette nouvelle vie, qu'il devient moine lui-même et refuse même de revenir à la vie civile à la fin de la guerre. Et voilà que, vingt six ans plus tard, le jour de l'élection du nouveau président de la République, Georges Pompidou, Grégoire doit sortir pour aller voter. En chemin, il fait une rencontre qui changera totalement un destin tout tracé…
« Le braconnier de Dieu » est un roman truculent et picaresque qui se lit ou plutôt se dévore avec délices tant le style est fluide et agréable. Fallet use avec virtuosité de la langue fleurie du paysan bourbonnais, l'émaille de tournures de phrases et de nombreux mots de patois (heureusement traduits en notes) comme on n'en trouve plus que dans certains ouvrages dits de « terroirs ». Les personnages, comme souvent dans les romans de Fallet sont de joyeux ivrognes, des brutes mal dégrossies, de grands naïfs voire de simples d'esprit. L'histoire de ce moine défroqué est assez originale et bien amusante, même si elle reste un brin fantaisiste. En résumé, un ouvrage comme on n'en écrit plus aujourd'hui, une ode à la liberté, et un pied de nez aux pisse-froids, et autres psycho-rigides religieux. Léger et roboratif comme un bon coup de Saint Pourçain accompagné de quelques rondelles de saucisson dégusté au bord d'une rivière par une belle journée d'été.
4,5/5
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03/05/2025
Sur le chemin des cathédrales (Henri d'Anselme)
Henri d'Anselme, jeune étudiant de 26 ans, se présente comme un marcheur anonyme en quête d'absolu qui se retrouve sous le feu des projecteurs de l'actualité pour un acte de bravoure assez inhabituel à notre époque : il s'est précipité, armé de son seul sac à dos, sur un terroriste syrien qui était en train de blesser grièvement à grands coups de couteau 6 personnes dont quatre enfants en bas âge sur les bords du lac d'Annecy. Comme il parvient à faire cesser l'horreur et même à participer à son arrestation, tous les médias le surnomment immédiatement « le héros au sac à dos ». Mais qui est-il vraiment ? C'est un jeune catholique pratiquant qui, chaque année participe avec toute sa famille au pèlerinage de Chartres. Il a été scout et est actuellement étudiant en philosophie. L'incendie de Notre-Dame de Paris l'a traumatisé. Depuis l'enfance, il voue une véritable passion aux joyaux architecturaux que sont nos cathédrales. Il avait donc décidé de partir pendant neuf mois à la découverte du plus grand nombre possible de celles-ci. Il avait commencé sa pérégrination le 26 mars 2023 de l'abbaye du Barroux, au pied du Mont Ventoux. Il n'emportait pas de tente et à peine assez d'argent pour sa nourriture. Il comptait demander l'hospitalité aussi bien aux clercs qu'aux laïcs, un peu comme un pèlerin du Moyen-Âge. Après Béziers, Montpellier et Entrevaux, il remontait vers le nord, vers Annecy où sa route croisa celle du Syrien au couteau…
« Sur le chemin des cathédrales » est à la fois un témoignage émouvant et un récit de voyage fort intéressant à plusieurs points de vue. À chaque événement dramatique comme celui d'Annecy, les médias mettent en avant un personnage, le sollicitent de tous côtés, le pressurent et, quelques jours ou semaines après, la passion retombée, le rejettent dans les ténèbres extérieures. Jamais, ils ne cherchent à savoir ce qui se passe après, ce que les gens deviennent, autant les coupables que les victimes d'ailleurs. Ce ne sera pas le cas pour Henri qui, grâce à ce livre, mais aussi grâce à une excellente série de quatre documentaires télévisés réalisés par lui-même avec l'aide d'une petite équipe, pourra présenter son projet, expliquer ses motivations et faire partager ses enthousiasmes. Cependant, même bien écrit, même agréable à lire, même joli à regarder grâce aux magnifiques illustrations d'Azélie Gauthier, cet ouvrage ne répond pas à toutes les questions que le lecteur pourrait se poser. Quid de l'agresseur syrien ? Véritable fanatique ou malade mental ? Henri nous dit qu'il a été interné en psychiatrie. Mais y est-il encore ? Lui a-t-on proposé d'aller se faire soigner dans son pays ? Quid des 6 blessés graves ? Henri raconte que tous ont échappé à la mort. Mais à quel prix ? Certains auront-ils des séquelles ? Seront-ils handicapés partiellement ou à vie. Lui-même reconnaît avoir été fortement traumatisé et avoir eu besoin de beaucoup de temps pour se « reconstruire ». N'espérez pas non plus en savoir plus sur l'incendie de Notre-Dame de Paris. Prudemment, Henri en reste à la version officielle. L'ouvrage n'en demeure pas moins fort intéressant aussi bien pour la présentation des cathédrales que pour le message rempli de belles valeurs intemporelles et universelles. Dans un monde en proie à la lâcheté, au mensonge et à l'égoïsme, un peu de courage, de vérité et d'abnégation ne peut que faire du bien. Bravo, Henri !
4,5/5
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19/04/2025
L'île du Docteur Moreau (H. G. Wells)
Edward Prendick, naufragé dérivant à demi-inconscient sur un petit canot de sauvetage perdu en plein Pacifique, a été repêché par les marins d'un caboteur appelé « La Chance rouge ». Il reste dans un état semi-comateux pendant environ 30 heures. À son réveil, il découvre à son chevet un certain Montgomery qui se déclare médecin. La goélette est en route vers Hawaï, mais le toubib annonce qu'il doit débarquer auparavant, sur une île sans nom. Quand Edward, à peine remis, remonte sur le pont, il découvre que celui-ci est jonché d'ordures et d'immondices, qu'une meute de chiens est enchaînée au grand mât et qu'un peu partout son entreposées des cages renfermant une quantité de lapins et même un lama et un puma. Arrivé à proximité de l'île inconnue, le capitaine signifie à Pendrick qu'il n'est plus le bienvenu à bord. L'ennui, c'est que Montgomery ne veut pas non plus de lui sur l'île. Finalement, Pendrick est abandonné à quelques encablures de l'île, dans un canot qui prend l'eau, alors que la goélette s'éloigne d'un côté et que Montgomery, son serviteur et toute leur ménagerie, en font autant de l'autre. Edward se retrouve donc dans une situation presque aussi dramatique qu'au début. Parviendra-t-il à aborder sur l'île ? Y trouvera-t-il le salut… ou autre chose ?
« L'île du Docteur Moreau » est un classique du roman fantastique. Il est resté une référence du genre et une source d'inspiration pour quantité d'auteurs de romans gore ou de thrillers. Sans déflorer l'histoire, on notera quand même que le narrateur va aller de surprises en surprises, toutes fort désagréables, en découvrant cette île perdue sur laquelle un savant plutôt bizarre, le Docteur Moreau se livre à des expériences un tantinet contre nature sur de pauvres cobayes qui n'en demandaient pas autant. Wells pose la question maintes fois traitées dans la littérature, celle de la science sans conscience qui n'est que ruine de l'âme, comme dirait l'autre. Le lecteur remarquera qu'en 1896, année de sa première parution, alors que l'ambiance était plutôt à l'enthousiasme vis à vis de la science, H.G. Wells apportait avec cette sombre histoire une note discordante. Il se montrait donc précurseur et visionnaire. Ce texte majeur, fort bien écrit et très agréable à lire encore aujourd'hui, peut aussi être compris comme une fable, un conte philosophique ou une parabole. Il nous fait réfléchir à la condition humaine mise en miroir avec la condition animale, aux limites à ne pas dépasser dans les avancées scientifiques et à ces découvertes ou avancées qui peuvent être les meilleures mais aussi les pires des choses. Ouvrage majeur à lire et relire.
4,5/5
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