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16/04/2025

Lieutenant Sturm (Ernst Jünger)

Lieutenant Sturm.jpgPendant la première guerre mondiale, dans les orages d'acier et les calmes plats des tranchées, les soldats allemands subissent l'épreuve du feu quel que soit le milieu social dont ils sont issus. Ainsi un soldat est-il retrouvé mort, suicidé dans les latrines, après s'être tiré une balle dans le cœur en s'aidant de son orteil pour appuyer sur la détente de son fusil ! Tous les soirs, trois officiers se réunissent dans la casemate du lieutenant Sturm pour échanger des idées sur leur destin, leurs émotions et leur avenir plutôt bouché. Sturm tient un journal de bord. Il y note : « De nos jours, un individu n'a pas de valeur en soi, mais par rapport à l'Etat. » et « On s'élançait vers la mort sans voir où on était ; on tombait sans savoir d'où le coup venait. » Il écrit également des récits, des nouvelles qu'il lit à ses deux amis dont l'un est peintre et essaie de pratiquer son art sur le front. Ses lectures sont comme des trêves, des parenthèses leur rappelant le monde de l'arrière, celui d'avant. Elles sont les bienvenues car elles les aident à affronter la terrible réalité qui se déchainera vers la fin.

« Lieutenant Sturm » est une nouvelle un peu longue, se rapprochant du format novella. Jünger y décrit le monde des tranchées et s'attarde sur l'inhumanité de la guerre moderne dans laquelle l'humain se sent pris dans une machine de destruction d'une puissance phénoménale. Il y oppose la philosophie, l'intelligence, la sagesse, la lecture de toutes sortes de grands écrivains comme Dostoïevski, Gogol ou Nietzsche, mais aussi Huysmans, Baudelaire et Wilde qui furent une grande source d'inspiration pour lui. Il va sans dire que Sturm est un peu beaucoup le jeune Jünger dont il partage la désinvolture, le dandysme, mais aussi le sens du devoir et du sacrifice qui apparaîtra dans le paroxysme final. À lire pour mieux comprendre que cette « der des der », comme disaient les poilus, fut en réalité la fin d'un monde et une boucherie qui marqua le début du déclin programmé de toute l'Europe…

4,5/5

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13/04/2025

Le droit à la paresse (Paul Lafargue)

Le droit à la paresse.jpgL'amour du travail n'est-il pas une sorte de folie ? La passion du travail peut-elle être poussée jusqu'à l'extrême, jusqu'à l'épuisement des forces vitales de l'individu et de toute sa famille ? Est-il normal de devoir assurer des journées de douze heures de labeur pour des salaires de misère, de faire travailler les femmes en usine et même les enfants dans les mines de charbon pour le plus grand profit d'un patron qui n'a aucun souci du confort de ses ouvriers ? Ne devrait-on pas au contraire imiter les peuples primitifs, non encore touchés par le modernisme, qui ne travaillent que deux ou trois heures par jour et ne s'en portent que mieux ?

« Le droit à la paresse » est un court essai (79 pages) très polémique, bien ancré dans son époque, mais également étonnement moderne. Par certains côtés, on dirait presque un texte de baba cool des années 68 ! L'auteur qui fut le gendre de Karl Marx fait ici le procès du capitalisme d'une manière assez originale. Il dénonce la folie de la production à outrance qui entraine quantité de surplus qu'il faut tenter de vendre aux quatre coins du monde alors qu'il faudrait plutôt, selon lui, fabriquer moins et de meilleure qualité. La logique du rendement et celle de la qualité de vie sont donc en totale opposition. Les conditions de travail en usine ramènent l'ouvrier à une sorte d'esclavage qui l'oblige de perdre sa vie en cherchant à la gagner. Ce texte reste fort intéressant surtout du point de vue de l'histoire des idées. Lafargue était un socialiste comme on n'en rencontre plus de nos jours. Il dut s'exiler à plusieurs reprises (Grande-Bretagne, Espagne) et fit même un séjour dans la sinistre prison de Sainte Pélagie, tout comme Gérard de Nerval, pour ses idées révolutionnaires. Le texte est suivi d'un commentaire signé Gigi Bergamin, intitulé « Eloge de la vraie vie » et d'une courte biographie de l'auteur.

4/5

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09/04/2025

Le nazi et le barbier (Edgar Hilsenrath)

Le nazi et le barbier.jpgAu début de l'autre siècle, vit à Wieshalle Max Schulz, fils de la très grosse Minna Schulz qui travaille comme servante dans la maison du fourreur juif Abramowitz. Il s'estime aryen pur souche du côté de sa mère. Et il a cinq pères potentiels un boucher, un serrurier, un apprenti maçon, un cocher et un majordome qui semblent tous aryens de manière irréfutable. Pourtant Max n'est pas blond aux yeux bleus, mais brun aux yeux noirs de grenouille et est doté d'un nez busqué de surcroit. Dans la maison voisine, celle de Chaïm Finkelstein, coiffeur juif propriétaire du salon le plus réputé de la ville, nait deux minutes et 22 secondes après lui son fils Itzig qui est circoncis huit jours plus tard, le 23 mai 1907. Minna tente d'en faire autant à Max, mais celui-ci ne se laisse pas faire. Il se débat comme un beau diable pour ne pas abandonner le plus petit morceau de prépuce. Mais bientôt Minna est renvoyée par son patron qui estime que cinq amants pour une seule femme, même de composition robuste, cela fait trop désordre. Ne sachant où aller, elle s'installe avec Max chez Slavitsky, le coiffeur concurrent du salon Finkelstein, mais en nettement moins chic. Max devient ami d'Itzig, intelligent, blond aux yeux bleus et nez parfaitement droit. Il l'imite en tout au point d'apprendre à parler yiddish, à chanter avec lui à la synagogue et même à faire partie de l'équipe de football juive de la ville. Mais l'arrivée d'un dictateur moustachu va changer toute la donne…

« Le nazi et le barbier » est un roman picaresque et drolatique sur un thème particulièrement douloureux, celui de la Shoah, celui de la destruction des Juifs d'Europe et de leur émigration vers la Palestine après guerre. L'auteur nous présente un anti-héros, presque un monstre « sympathique » qui semble pris dans des évènements sur lesquels il n'a aucune prise et qui fait en toutes circonstances tout ce qu'on lui dit de faire, même les pires horreurs. C'est aussi et surtout une sorte de crétin, d'imbécile heureux qui passe miraculeusement à travers toutes les gouttes des averses les plus denses. SS sans pitié qui ne sait même pas combien de Juifs il a trucidé, il se reconvertit en patriote juif membre de premier plan de la Haganah et se met à zigouiller presque autant de Britanniques pour libérer son pays d'adoption. Le barbier allemand se mue sans problème en barbier juif et même en héros du sionisme sans aucun problème jusqu'au jour où… (Mais ne déflorons pas la fin de cette histoire surprenante quoiqu'un brin invraisemblable). Le style est très vivant grâce à un langage parlé et de nombreux dialogues. Dans la première partie, le lecteur est embarqué dans un récit plein d'humour, de dérision et de truculence. Cela ralentit nettement dans la seconde. Avec l'arrivée en Palestine, plus de rigolade, de pastiche, de second degré, mais nettement plus de réflexion et de sérieux. Une fin en pirouette philosophique, précédée d'une autre plus psychologique rattrape le tout. Comme quoi on peut rire de tout, même des histoires les plus dramatiques. L'humour peut très bien amener à la réflexion.

4/5

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06/04/2025

Augustus Carp (Henry H. Bashford)

Augustus Carp.jpgAugustus Carp est un homme de 47 ans un peu particulier. Il est très admiratif de son père, prénommé également Augustus, personnage d'une exceptionnelle fermeté, mais ne manquant pas d'une certaine humanité, ce qu'il prouve en dispensant son épouse de lui apporter chaque matin son thé à six heures, vu qu'elle devait passer ses nuits à veiller son fils souffreteux et atteint de multiples maladies et troubles divers (érythème, acouphènes, eczéma, maux de l'occiput, aigreurs d'estomac et dilatations flatulentes de l'abdomen). Le pasteur du quartier est choisi comme parrain de l'enfant. Lui-même reste très fier d'exercer sa responsabilité de bedeau de sa paroisse. Augustus fils devra attendre l'âge de 12 ans avant de faire une première tentative de rentrée à l'école qui vire à la catastrophe. Le voilà de retour à la maison pour deux années supplémentaires pendant lesquelles il attrape la teigne. Le médecin de famille lui prescrit un onguent qui lui fera perdre tous ses cheveux. Augustus père lui intentera un procès et le gagnera. Parvenu enfin à l'age adulte, Augustus fils ne trouvera un travail dans une petite société d'édition de livres de piété que par le biais d'un chantage un peu particulier…

« Augustus Carp » est présenté en quatrième de couverture comme « un livre qui manqua de faire mourir de rire trois générations de lecteurs et qui a désormais rang de classique ». La préface d'Anthony Burgess incite aussi très fortement à découvrir cette merveille méconnue de la littérature anglaise. Il ose parler de « l'un des plus grands romans humoristiques du siècle. » Bien que ce roman soit paru anonymement en 1924 et qu'il n'ait eu aucun succès à l'époque, il fut ressorti bien des années plus tard et Phébus en donna une version française en 2003. Le lecteur, confiant dans de tels éloges, n'en est que plus déçu à la lecture de cette histoire peu originale qui se veut une satire amusante d'une certaine classe moyenne britannique, bien-pensante (Carp est affilié à toutes sortes de ligues de vertus luttant contre l'alcool, la danse ou la prostitution), confite dans une religiosité mal comprise, plus tartufe qu'autre chose. On est tricheur, menteur, procédurier et hypocrite dans cette famille. Et toujours fort avec les faibles et faible avec les forts. L'ennui, c'est que cette pochade est racontée sans grande finesse. Le trait est épais pour ne pas dire lourd, grossier et même un peu outrancier. Carp père et fils n'ont pas un défaut, mais tous les défauts et ne souffrent pas d'une maladie, mais de dizaines, etc. Le style n'est pas très léger non plus. Il semble avoir mal vieilli. On rit ou sourit parfois mais on reste très loin du chef d'œuvre oublié promis et à environ cent lieues du niveau d'un P.G Wodehouse, d'un Tom Sharpe ou d'un David Lodge, véritables maîtres de l'humour british !

3/5

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03/04/2025

L'impossible limite (Maurice Mimoun)

L'impossible limite.jpgLe micro-chirurgien Maurice Mimoun a de qui tenir. Son père fut un inventeur deux fois récompensé par le prix Lépine. Tout jeune, il le rejoint dans son atelier situé au rez de chaussée de l'immeuble où la famille habite à Paris. Au lycée Jacques Decour, le cours préféré de Maurice est celui de Sciences naturelles. Après son bac, il s'oriente tout naturellement vers la fac de médecine et se spécialise ensuite en chirurgie puis en micro-chirurgie réparatrice. Pour pouvoir mieux s'entrainer à cette pratique des plus délicates, il se fabrique un petit laboratoire personnel d'expériences dans une chambre de bonne du septième étage de son immeuble. Il y élève une centaine de souris et de rats qu'il opère sans jamais les sacrifier ensuite. Lors de sa toute première intervention de rhinoplastie, opération particulièrement délicate car il faut travailler à l'aveuglette, il croit être parvenu à un plein succès sur l'appendice nasal particulièrement disgracieux d'une patiente. Mais quelle n'est pas sa surprise quand un mois plus tard, celle-ci revient vers lui pour lui demander de lui rendre son affreux nez busqué car elle n'arrive pas à s'habituer à son nouveau visage…

« L'impossible limite » est un témoignage qui permet au lecteur de découvrir bien des aspects de cette chirurgie très particulière. Maurice Mimoun refuse de faire la distinction entre chirurgie réparatrice destinée par exemple aux grands blessés d'accidents de la route par exemple et chirurgie esthétique relevant du confort pour ne pas dire du mal-être voire du caprice de la patiente ou du patient. Son récit commence par une courte autobiographie qui raconte son enfance, ses études et son parcours de jeune médecin et se poursuit avec une très intéressante série d'anecdotes sur des interventions diverses et variées. Les affaires de grands brûlés sont particulièrement émouvantes, les réactions des patients parfois très étonnantes. L'auteur s'interroge longuement sur les problématiques de son « art », sur les rapports de l'humain avec son corps et également sur les limites de cette chirurgie. Il est bien conscient qu'on ne peut pas faire tout et n'importe quoi avec un organisme humain, même s'il a lui-même pratiqué des interventions tout à fait étranges comme de greffer un pied sur une main dans l'espoir de maintenir en vie celui-ci le temps qu'il puisse « rafistoler » la jambe d'un motard blessé. Dans ce cas de figure, la tentative échoua, mais la méthode qui étonna énormément à l'époque subsista. Ouvrage intéressant pour les anecdotes, un peu moins pour les réflexions « philosophiques » parfois un brin obscures.

4/5

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31/03/2025

Le déclin du courage (Alexandre Soljenitsyne)

Le déclin du courage.jpgEn 1978, Alexandre Soljenitsyne, banni de l'URSS pour dissidence, doit prononcer un discours télévisé aux Etats-Unis et retransmis jusque dans son pays par la « Voix de l'Amérique » devant les étudiants de l'Université d'Harvard réunis pour leur cérémonie de fin d'année. À la surprise générale, il ne fustige pas une fois de plus toutes les dérives et toutes les perversions du communisme, mais analyse froidement toutes les faiblesses du monde occidental. Il dénonce la suprématie du droit sur la morale, les excès de liberté qui dégénèrent en licence, les droits de l'individu qui bafouent ceux de la société, le pouvoir des médias qui manipulent les opinions, la quête du confort qui amène à l'amollissement des caractères, à la veulerie et au déclin du courage, très mauvais signes de décadence et de course à l'abime. Bien entendu, tous les médias se déchainent contre lui, le traitant de fanatique, de réactionnaire, de doctrinaire féroce et même de « mystique orthodoxe »…

« Le déclin du courage » est la retranscription d'un discours qui ne passa pas inaperçu à l'époque et qui fit même date tant il était prémonitoire. L'immense écrivain russe avait tout compris des enjeux de notre époque. En 1978, l'URSS n'était même pas encore tombée, qu'il imaginait déjà ce que serait son futur et le nôtre. Et en dépit des jérémiades de la volaille journalistique, c'est bien lui qui avait raison. Tout ce que nous avons vécu depuis presque un demi-siècle en atteste. Il avait tout pressenti alors que le wokisme démentiel, l'écologisme punitif, le racialisme haineux, le féminisme castrateur et le mondialisme niveleur n'en étaient même pas à leurs premiers balbutiements. Un monde difficile produit des hommes forts. Les hommes forts créent un monde facile et pacifié lequel produit des hommes faibles qui à leur tour génèrent un monde difficile, dit-on. Soljenitsyne l'avait bien compris, lui qui avait pu observer les deux mondes avec leurs idéologies soi-disant opposées. Un texte essentiel et de plus en plus vrai au fil du temps. Malheureusement.

4,5/5

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28/03/2025

Aventures d'un géographe (Yves Lacoste)

Aventures d'un géographe.jpgYves Lacoste est né à Fès (Maroc) le 7 septembre 1929. Son père géologue avait pour mission d'étudier la géologie des collines pré-rifiennes dans l'espoir d'y découvrir du pétrole. Atteint par la tuberculose, son père doit bientôt rentrer en France. Il installe sa famille à Bourg la Reine et séjourne souvent dans les Alpes pour pouvoir profiter du bon air des sommets. Quand arrive la seconde guerre mondiale, la famille participe à l'exode qui voit toute une population s'enfuir sur les routes pour échapper à l'invasion allemande. Elle retourne au bercail dès que l'armistice est signé. Yves se révèle élève assez médiocre et plutôt faible en mathématiques. Il passe néanmoins son bac avec succès et entre à l'Institut de géographie, rue Saint Jacques, à Paris. Il rejoint les rangs des étudiants communistes et y rencontre Camille, autre étudiante, fille d'instituteurs qui veut devenir ethnologue et apprendre le berbère. Elle se spécialisera dans l'étude de la société kabyle du Djurjura et traduira des contes berbères. De son côté, Yves enseignera en même temps à la très huppée Ecole des Roches de Verneuil sur Avre et à la très soixante-huitarde université dite de « Vincennes ». Il se posera la question « À quoi sert la géographie ? » et y répondra dans son livre le plus connu « La géographie, ça sert d'abord à faire la guerre ».

« Aventures d'un géographe » n'est nullement un récit d'aventures, même si Yves Lacoste a beaucoup voyagé (Maroc, Algérie, Vietnam, Cuba, Haute-Volta, etc.) et s'est souvent retrouvé aux endroits les plus en ébullition de la planète auprès du pouvoir algérien ou vietnamien communiste, mais plutôt une autobiographie, doublée d'un témoignage et agrémenté de diverses réflexions sur l'intérêt d'une géographie devenue par ses soins d'ailleurs géopolitique. La partie autobiographique est relativement intéressante. Lacoste nous fait découvrir sa famille, avec ses joies et ses peines (la fin de vie de Camille est particulièrement émouvante), tout son parcours politique depuis son adhésion au parti communiste, puis son départ en 1956 et son évolution que certains qualifièrent de droitière pour ne pas dire de nationaliste. Il rappelle que la notion de nation ; totalement inconnue sous l'ancien régime, fut une invention de la Révolution française lancée d'ailleurs à la bataille de Valmy. Lui-même fils d'un géologue renommé, il aura la joie de voir ses deux fils entrer dans la même carrière que lui. Chez les Lacoste, on est donc dans la géo de pères en fils depuis trois générations. Un peu moins intéressants sont les derniers chapitres qui restent plus théoriques, exposant sa définition de la géographie, ses idées politiques voire son admiration pour Ibn Khaldoun ou Elisée Reclus.

4/5

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26/03/2025

La glace et le sel (José Luis Zarate)

La glace et le sel.jpgEn 1897, le capitaine du « Demeter » tient à n'engager dans son équipage que des hommes imberbes venus du froid. Il n'accepte pas qu'ils se dénudent devant lui même quand il fait très chaud. Il les oblige à conserver sur eux leurs vêtements quelle que soit la météo. Il est homosexuel, a perdu son compagnon Mickhaïl et ne s'en est toujours pas remis. Le « Demeter » doit embarquer une étrange cargaison composée de caisses de terre dans un port de la Mer Noire et la livrer en Grande-Bretagne, sans faire escale nulle part. Mais en cours de route, un premier marin disparaît mystérieusement, puis un second. Plusieurs marins croient même avoir aperçu un passager clandestin qui disparaît aussi vite qu'il apparaît, une sorte d'ectoplasme insaisissable, aussi inquiétant que dangereux.

« La glace et le sel » est un roman étrange et fantastique qui peine à démarrer. Plus des deux tiers de cet ouvrage relativement court (172 pages seulement) sont consacrés à la présentation des personnages, aux fantasmes et obsessions sexuelles du capitaine qui passe ses jours et ses nuits à rêver à des attouchements et plus si affinités avec ses matelots, tout en s'interdisant le moindre contact réel. Seul le dernier tiers de cette sombre histoire bascule dans l'horreur avec une invasion de rats blancs, des matelots qui disparaissent un à un et un capitaine qui sombre chaque jour un peu plus dans sa folie obsessionnelle. Il finira d'ailleurs seul, attaché à sa barre, car un capitaine ne quitte jamais son navire fut-il devenu un vaisseau fantôme. Le style de Zarate semble assez lourd, même un brin filandreux car se piquant de descriptions pseudo-poétiques de la mer et du bateau ainsi que des états d'âme d'un personnage travaillé par une libido devenue malsaine. Le lecteur s'ennuie ferme dans la première partie de cette histoire reprenant poussivement les vieux thèmes du gore (avec le passager clandestin zombie) et du fantastique (avec le vaisseau fantôme). La seconde partie présente une sorte de journal de bord du capitaine. Elle est un peu plus rythmée, mais à peine plus intéressante. Avec cette historiette qui aurait pu tenir dans une nouvelle d'une trentaine de pages au maximum, nous sommes très très loin du chef d'œuvre.

2,5/5

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19/03/2025

Les chevaliers du subjonctif (Erik Orsenna)

Les chevaliers du subjonctif.jpgJeanne, 10 ans, et son frère Thomas, 14 ans, devaient rejoindre leur père aux États-Unis pour passer les vacances avec lui. Alors que leur paquebot traverse l'Atlantique, il est pris dans une tempête et fait naufrage. Les deux enfants rescapés trouvent refuge sur une île bizarre, peuplée de gens qui sont des mots et gérée par Nécrole, dictateur psychorigide qui n'accepte aucune contradiction. C'est la raison pour laquelle il a exilé les Subjonctifs trop rebelles à son goût. Jeanne est préoccupée. Elle se demande ce qu'est vraiment l'amour. Madame Jargonos, revêche inspectrice de l'Education nationale, tombe amoureuse au premier regard de Dario qui tient la batterie de l'orchestre du « Cargo sentimental », restaurant de plage de l'île. Et voilà que soudain, Thomas disparaît sans laisser de traces. Jeanne part à sa recherche en compagnie de Jean-Luc, ancien jockey devenu pilote de planeur…

« Les chevaliers du subjonctif » est une sorte de conte philosophique dont on ne sait s'il est adressé aux enfants ou aux adultes. « Après l'immense succès de « La grammaire est une chanson douce », voici les nouvelles aventures de Jeanne et Thomas dans l'île des Subjonctifs », annonce l'éditeur. Ce nouvel opus reste donc dans la lignée du précédent, celle de l'illustration de la grammaire, du vocabulaire et de la syntaxe de notre belle langue. Orsenna cherche à montrer de manière amusante l'intérêt des modes de la conjugaison : l'Indicatif, celui du réel, du concret, de la constatation de faits et l'Impératif celui de l'ordre, du commandement, de la rigidité. L'un ordonne, l'autre obéit. Ou pas. Il convient parfaitement à Nécrole (personnage qui pourrait parfaitement être à clé, tant il fait penser à quelqu'un de haut placé dans le monde réel…). Il déteste les modes prêtant à confusion, à interprétation, à caution comme le conditionnel et surtout le subjonctif, celui du rêve, des envies, des désirs inassouvis, celui des dissidents, des opposants, des révoltés et des hommes libres. L'ensemble se lit agréablement et très rapidement en raison de quelques fulgurances et d'un style élégant, épuré et bien pourvu en dialogues. Le lecteur notera également la présence de nombreux dessins naïfs et illustrations agrémentant le texte.

4/5

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16/03/2025

Trois jours au Népal (Jean David Blanc)

3 jours au Népal.jpgGrâce à la maîtrise qu'il a de son paramoteur (parapente à moteur), Jean David Blanc a pu réaliser son rêve d'enfant, celui planer et voler dans les airs comme les oiseaux. Avec son ami François et quelques autres parapentistes canadiens, belges et russes, il participe à un voyage au Népal où il pourra voler tout à sa guise et ainsi découvrir depuis les cieux les panoramas exceptionnels de la chaine himalayenne et avoir des vues imprenables sur l'Annapurna et l'Everest. Avec tous ses partenaires, il s'offre toutes sortes de vols dans de nombreux spots. Et lors du tout dernier, François le quitte tout de suite car son moteur tombe en panne. Jean David continue seul, mais se retrouve bien vite pris dans une purée de point qui l'oblige à monter toujours plus haut pour tenter d'y échapper. Il se sent même gagné par l'ivresse de l'altitude. Il n'a pourtant plus aucun repère et ne peut plus se fier qu'à son GPS. Et finalement ce qui devait arriver arriva. Il percute une paroi quasi verticale. Il a la chance inouïe de pouvoir s'accrocher à un buisson et de n'être que choqué et égratigné. Par miracle, son GPS fonctionne encore et son portable dispose de réseau. Il va pouvoir signaler sa position aux secours et attendre sur une étroite plateforme au-dessus du vide…

« Trois jours au Népal » est le récit d'une mésaventure occasionnée par un accident de vol dû à de mauvaises conditions météo. Le récit raconte un épisode de survie en milieu hostile, sans matériel adapté, dans un froid intense, sans eau ni nourriture excepté trois petits carrés de chocolat oubliés dans une poche. Le sauvetage prend plus de temps que prévu. La première nuit est horrible. Désespéré, Jean David tente alors de prendre son destin en main en se lançant dans une descente à l'aveugle. Le lecteur fera le parallèle avec l'exploit de l'aviateur Guillaumet de l'Aéropostale dont l'avion s'était écrasé dans les Andes et qui déclara après une descente dantesque vers la civilisation : « Ce que j'ai fait, aucune bête au monde ne l'aurait fait ! » L'ouvrage se lit facilement car le style sans originalité est assez fluide. On ne comprend d'ailleurs pas bien pour quelle raison tous les dialogues téléphoniques et tous les sms sont en anglais (avec traduction en notes de bas de page). Cela prend inutilement de la place et n'apporte rien sinon de l'épaisseur factice à un récit si court qu'il en est presque squelettique.

4/5

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