16/08/2024
Un femme à Berlin (Anonyme)
Dans les derniers jours de la seconde guerre mondiale, une jeune Berlinoise d’une trentaine d’année, ancienne employée d’une maison d’édition, subit bombardements sur bombardements, cachée dans une cave sous son immeuble en compagnie de compatriotes aussi terrorisés qu’elle-même. Ce sont les ultimes combats. Hitler s’est suicidé dans son bunker. L’armée rouge s’est emparée de la ville. La jeune femme passe son temps entre cet abri et l’appartement d’une veuve qui l’a recueillie, vu que le sien, au dernier étage, a le toit percé et les carreaux brisés. Il n’y a plus grand- chose à manger et ni eau, ni gaz, ni électricité dans les appartements. Il faut aller chercher de l’eau à une pompe, dans une cour, trimballer les seaux et faire d’interminables queues devant les dernières boutiques pour quelques pauvres denrées comme du gruau d’orge, des pois, des flocons d’avoine ou de la margarine. Les Berlinois manquent de tout. Ils survivent misérablement, dans la peur, le froid, la saleté et la faim. La mort rôde partout. La ville n’est plus qu’un champ de ruines. On enterre les cadavres n’importe où et n’importe comment. Et tout s’aggrave encore avec l’arrivée effective des soldats russes qui veulent boire le maximum de schnaps, se livrer au pillage et abuser sexuellement de toutes les femmes allemandes qu’ils peuvent trouver. La malheureuse sera extraite de la cave où elle avait trouvé refuge. Personne ne lui viendra en aide. La porte blindée se refermera derrière elle. Et trois Russes la violeront dans l’escalier d’accès…
« Une femme à Berlin » est un témoignage glaçant, basé sur un journal intime rédigé entre le 20 avril et le 22 juin 1945. Son auteure a tenu à rester anonyme et il n’a été publié qu’après son décès.. Son récit très bien écrit et particulièrement émouvant garde une certaine distance vis-à-vis de toutes les horreurs qu’elle raconte. Malgré tout ce qu’elle doit subir, elle garde une grande dignité. Elle note tout sans doute pour exorciser le mal. C’est une sorte de thérapie qui va l’empêcher de sombrer dans la folie et l’empêcher d’en arriver au suicide comme ce fut le cas de nombre de ses consœurs. Le livre ne contient pas la moindre trace de haine. Même ses pires agresseurs sont présentés pour ce qu’ils sont, de pauvres moujiks bruts de décoffrage, éloignés de leurs familles depuis des mois. Etant la seule personne de l’immeuble à parler un peu de russe, elle servira d’interprète et de fusible et sauvera même la vie d’une autre femme. Elle saura aussi finir par « choisir » ses « partenaires » en accueillant des gradés un peu plus humains pour se prémunir de la soldatesque éméchée. Le lecteur découvrira avec surprise beaucoup de choses étonnante sur cette période dramatique assez courte (environ deux mois) et en particulier la vitesse avec laquelle les Berlinois ont commencé à remonter la pente grâce à un travail acharné de déblayage et de remise en état des principaux services. Un document exceptionnel. Du vécu, et sans pathos…
4,5/5
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13/08/2024
Esprit es-tu là ? (Hubert Monteilhet)
En raison de sa bonne conduite, un jeune voyou, Jean-Pierre Desormières, doit sortir de prison avant la fin de sa peine. Il a la surprise de voir débarquer dans sa cellule Juliette Sarlat, ministre de la condition carcérale, accompagnée de journalistes. Elle est venue le féliciter et l’encourager à entreprendre une bonne réinsertion tout en s’offrant un petit coup de pub par la même occasion. Le jeune délinquant sans scrupule en profite pour dérober discrètement le trousseau de clés de la ministre. À peine dehors, il file dans son riche appartement situé dans un des plus beaux quartiers de la capitale, lui dérobe plusieurs tableaux de maîtres ainsi que divers objets de grande valeur. Et, au lieu de filer sans demander son reste, il a le culot de taper l’incruste, d’exiger le silence de la ministre en lui faisant craindre un scandale qui lui ferait perdre son poste ainsi qu’une place de secrétaire particulier grassement payé à ne rien faire. Et pour couronner le tout, il abuse sexuellement de la malheureuse sans lui demander le moindre consentement. Ne sachant comment se débarrasser d’un tel escroc, Juliette, volée, violée et abusée, récupère un chien-loup de gendarmerie, animal redouté par Jean-Pierre, histoire d’essayer de reprendre un peu le contrôle de la situation. Mais l’animal a un comportement bizarre. Il s’agite devant la tombe du défunt mari de la ministre alors qu’il ne l’a jamais connu. Et un guéridon ayant appartenu à Talleyrand, « le diable boiteux », se met à taper tout seul dans l’appartement. L’esprit qui l’anime déclare s’appeler « Werewolf », c’est-à-dire « Loup-Garou ».
Edité en 1977 dans la série « Sueurs froides » de Denoël, « Esprit es-tu là ? » est plus un roman social voire une fable satirique qu’un roman policier dans le sens classique du terme. Avec une plume incisive, élégante et une grande liberté de ton, Hubert Monteilhet se sert du prétexte de cette histoire un peu étrange pour décrire quelques figures de la société de son temps (giscardien) avec tous leurs travers (cupidité, mensonge, prétention, crédulité idiote et autres). Tous les personnages sont amoraux. Le lecteur ne peut même pas avoir de l’empathie pour la victime principale, car elle n’est pas meilleure que son bourreau qui reste une véritable crapule. Même si l’intrigue est relativement originale, l’histoire reste un peu cousue de fil blanc et cette affaire de spiritisme bidon assez « capillotractée ». La fin, qui tourne même au bricolage faussement technique, semble un brin décevante. Et pourtant, le lecteur d’aujourd’hui peut éprouver un véritable plaisir à lire ou relire ce roman en raison de l’humour mordant, frondeur, insolent dont fait preuve cet auteur un peu oublié, proche en esprit de Jean Dutourd et même d’Alphonse Boudard, de Frédéric Dard, de Michel Audiard, voire d’Albert Simonin avec en prime la finesse un brin licencieuse d’un libertin du XVIIIe. Il y a aussi du Laclos chez lui. Il faut lire ou relire Monteilhet, ne serait-ce que pour retrouver une liberté d’esprit qu’on peut croire à jamais disparue !
4/5
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09/08/2024
La vie dans un village médiéval (Frqnces & Joseph Gies)
Le village d'Aethelintone, Aethelington ou Adelintune, selon les sources, fut aussi connu sous le nom d'Aylington avant de prendre son nom actuel d’Elton. Il est le seul et unique objet de cet ouvrage et uniquement sur la période allant du Xe au XIIIe siècle. Il dépendait alors de la riche abbaye bénédictine de Ramsay dans la région des Midlands de l’Est où l’on pratiquait une forme d’agriculture en « open fields » (champs ouverts) ainsi que l’élevage de moutons, cochons, bovins, chevaux, oies, canards et volaille… Contrairement au village actuel où la population qui y habite travaille ailleurs, le village médiéval était une véritable communauté où les gens vivaient, travaillaient, chassaient, pêchaient, se socialisaient, allaient à la taverne et à l’église, se prêtaient mutuellement de l’argent, des outils ou du grain. Libres ou « villeins » (équivalent de nos « serfs »), les villageois y naissaient, s’y mariaient, avaient des enfants et y mouraient. Même s’il y avait des échanges avec les villes environnantes, les habitants s’en éloignaient rarement. Toute la communauté était orientée vers la production agricole. La population comptait de 400 à 600 habitants environ, vivant dans des conditions souvent difficiles, avec de fortes contraintes et de grandes inégalités sociales.
« La vie dans un village médiéval » est une monographie historique bien écrite, bien documentée et bien étayée (pas loin de 50 pages de notes ainsi que de nombreux documents photographiques et de dessins d’époque). Le lecteur intéressé par le sujet pourra y apprendre énormément de choses et également reconsidérer certaines idées reçues sur une période historique finalement assez mal connue. Les auteurs passent en revue bien des sujets comme le statut des paysans, libres ou non, qui avait assez peu à voir avec la condition des esclaves africains, comme le système pyramidal dans lequel le propriétaire terrien (aristocrate descendant de compagnons de Guillaume le Conquérant, mais aussi abbayes, évêques, voire bourgeois enrichis) multipliait impôts, redevances et travail contraint ou comme les assemblées villageoises où se rendait une justice très différente de la nôtre. Tout le village servait de juge et de jury. Les sanctions allaient de quelques sous d’amende à la pendaison en passant par le pilori. Les peines de prison n’apparurent que beaucoup plus tard pour des raisons de commodité. Paradoxalement, la vie était plus facile quand la population était moins nombreuse, décimées par les épidémies ou les guerres. Une lecture passionnante qui donne une idée sans doute moins misérabiliste et moins romantique que celle proposée par les romanciers d’hier et aujourd’hui…
4,5/5
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06/08/2024
Ernst Jünger, dans les tempêtes du siècle (Julien Hervier)
Ernst Jünger (1895-1998) commença à écrire dès l’âge de 14 ans et produisit ses dernières pages à celui de 101 ans. Lors de la première guerre mondiale, il se révéla être un combattant héroïque. 14 fois blessé, il échappa par miracle à la mort et fut le dernier titulaire de l’ordre « Pour le mérite », créé par Frédéric II de Prusse. Il passa au total quinze années sous les drapeaux et le reste de sa vie à lire et à écrire. Issu d’un milieu d’aisance récente, il avait six frères et une sœur. Elève solitaire et assez médiocre, il se réfugiait souvent dans la lecture. Très jeune, il finit par fuguer pour s’engager dans la Légion, histoire d’aller voyager en Afrique. Mais il est récupéré par sa famille six semaines plus tard. L’année suivante, il s’engage dans l’armée pour ne pas avoir à terminer ses études. La guerre venue, il se retrouve sur le front. Il participe activement à la bataille de la Somme. Alors qu’il est en train de déjeuner, il est blessé par un éclat de shrapnell et évacué vers l’arrière pour y être soigné, ce qui lui permet de ne pas se retrouver mêlé à une offensive meurtrière dont quasiment aucun de ses camarades de combat ne réchappera. Il participera également à la seconde guerre mondiale, mais de manière plus agréable, en suivant de loin les troupes et en séjournant à l’état-major parisien, ce qui lui permettra de fréquenter les meilleurs endroits de la capitale, toute l’intelligentsia et les puissants de l’époque…
« Ernst Jünger, dans les tempêtes du siècle » est la biographie particulièrement détaillée de l’un des écrivains allemands les plus prolifiques et les plus récompensés du siècle passé. Il aborda de nombreux sujets (la guerre avec « Orages d’acier », mais aussi la politique, la philosophie et même le fantastique et la science-fiction avec « Héliopolis » et autres) et utilisa diverses formes littéraires (le récit, le journal intime, l’essai, le roman, le conte voire la parabole). Le lecteur apprendra beaucoup de choses sur l’écrivain perfectionniste qu’il était (il proposa pas moins de sept versions différentes d'« Orages d’acier »), sur sa passion pour l’entomologie et les voyages un peu partout sur la planète. Il découvrira qu’il fut inquiété après guerre lors de la période de dénazification de l’Allemagne de l’Ouest. Il ne s’était pas compromis avec les nazis, avait même refusé tout soutien ou collaboration alors qu’il était porté aux nues par eux comme héros national et pourtant les Britanniques lui infligèrent une interdiction de publier qu’il contourna d’ailleurs en allant s’installer dans la zone française d’occupation où il put s’exprimer sans problème. Ouvrage intéressant, mais de lecture un brin laborieuse. L’auteur ne se contente pas de raconter la vie de l’écrivain, il analyse un peu trop longuement chacune de ses œuvres, lesquelles furent fort nombreuses et souvent redondantes.
3/5
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03/08/2024
Chevaliers et chevalerie au Moyen-Âge (Jean Flori)
Dans l’imaginaire collectif, le chevalier reste un guerrier à cheval doté d’une plus ou moins belle armure qui n’a de cesse, l’épée ou la lance à la main, de se battre pour défendre la veuve et l’orphelin. Il doit être fidèle à son suzerain, à son roi et au Pape. Il dispose d’un rang social honorable et respectable, mais son statut social ne deviendra que très tardivement un véritable titre de noblesse. À l’époque, la société est répartie en trois « castes », les « oratores » (les « priants », le clergé), les laboratores (« les travaillants », paysans, serfs, artisans, etc.) et les « bellatores » (les « combattants », soldats et hommes de guerre). Les chevaliers qui en font partie ont donc des devoirs envers Dieu, le Roi et l’Eglise. Ils doivent aide et protection aux deux autres castes. Courage, sens de l’honneur, fidélité, mais aussi humilité mêlée d’orgueil définissent une condition qu’illustra au mieux Bayard, le fameux chevalier « sans peur et sans reproche »…
« Chevaliers et chevalerie au Moyen-Âge » est un essai de sociologie historique de belle qualité et fort bien documenté. Un appareil de notes et référence d’une bonne trentaine de pages en fin de volume complète opportunément le propos. Avec honnêteté et modestie, l’auteur n’assène pas une théorie personnelle sur ce « phénomène de société » qui irrigua plusieurs siècles (du IXe au XVe) et influença les suivants, mais présente les diverses avancées des historiens sur le sujet. Il tente de faire la part entre les textes primitifs (« Chanson de Roland », « Chevaliers de la Table Ronde »), les romans historiques style Dumas, Féval, Zévaco ou Walter Scott et la réalité historique. Le lecteur apprendra qu’au fil des temps, la chevalerie évolua en permanence. Le statut de chevalier passa de celui de simple guerrier doté d’une monture, en général de bonne extraction, (avec la possibilité pour un valeureux écuyer d’être adoubé pour son ardeur au combat), à celui de noble et d’aristocrate reconnu de ses pairs, avant de finir comme titre purement honorifique. L’évolution technique de la guerre y eut une certaine part. L’équipement du chevalier, assez peu onéreux au départ, devenant de plus en plus couteux avec des armures de plus en plus lourdes et sophistiquées pour résister aux flèches des arcs « long-bow » anglais ou aux carreaux des arbalétriers milanais par exemple. Livre passionnant, quasi exhaustif sur le sujet, bien que d’une lecture un tantinet laborieuse.
4/5
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31/07/2024
En attendant l'année dernière (Philip K. Dick)
En 2055, la Terre est la proie d’une guerre interminable contre les Reegs, sorte d’insectes extra-terrestres. Elle s’est alliée avec les Lilistariens, autres extra-sterrestres, aussi exigeants qu’encombrants pour ne pas dire envahissants et totalitaires. Le secrétaire des Nations Unies, Gino Molinaro, essaie par tous les moyens de préserver les intérêts des Terriens. Il ménage la chèvre et le chou, tente tous les subterfuges possibles et imaginables. Mais il est hypochondriaque, dispose de plusieurs existences et intervient dans diverses dimensions… Eric Sweetscent est un médecin spécialisé dans les transplantations d’organes. Il travaille pour une société spécialisée, la FCT dont le patron Vigil Ackerman est un sorte de vieux fossile qui n’a plus aucun organe d’origine et qui n’est pas loin de devenir immortel. Eric va devenir le médecin privé de Molinaro, ce qui va lui amener bien des déboires sans oublier ceux créés par sa femme Kathy. Le couple ne se supporte plus. Et tout arrive à un paroxysme quand Kathy se met à prendre du J-J 180, drogue hallucinogène particulièrement addictive qui peut provoquer de graves séquelles physiques et psychiques voire amener à la mort. Comme cette substance est sans goût, sans odeur et sans saveur, elle réussit à en faire prendre à son insu à Eric qui n’aura de cesse de chercher à se désintoxiquer…
« En attendant l’année dernière » est un roman de science-fiction un brin alambiqué ne comportant que peu de personnages et une intrigue assez simple pour ne pas dire simpliste. Philip K. Dick en profite pour développer les problèmes de couple (« Je t’aime, moi non plus ») avec une fin assez banale, ainsi que sa vision de l’évolution de la technologie dans les années à venir. Le livre datant des années 60, il est amusant pour le lecteur d’aujourd’hui de constater que certaines choses sont assez conformes (transhumanisme et mondialisme entre autres) et d’autres pas du tout. Le principal intérêt de l’ouvrage se situe à notre avis dans les descriptions d’effets de cette drogue qui fait penser au LSD en dix fois pire avec ses voyages dans le temps, l’espace et dans diverses dimensions. Le style est toujours vivant et agréable à lire, mais l’ensemble laisse quand même l’impression que l’on a pas affaire au meilleur titre du grand auteur américain.
3,5/5
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28/07/2024
Un samouraï d'Occident (Dominique Venner)
Depuis les deux grands conflits mondiaux de 14/18 et 39/45, la civilisation européenne qui était dominante est entrée en déclin. La disparition des Empires, la décolonisation et la montée en puissance des deux vainqueurs (USA et URSS) ont poursuivi le processus. Pour l’auteur, la cause avant tout spirituelle de tous nos malheurs vient de l’âme européenne qui est « entrée en dormition ». Mais elle n’est pas morte. Elle est même immortelle. Quand se réveillera-t-elle ? Nul ne peut le dire. Pour cela il lui suffira de renouer avec ses grands principes, ses fondamentaux, ceux de l’Iliade et de l’Odyssée, avec les valeurs de la philosophie antique, la « gravitas » (grandeur d’âme) faite de « virtus » (courage moral) et de dignitas (honneur). Qualités morales que l’on retrouve aussi dans l’esprit chevaleresque du Moyen-Âge et dans le code d’honneur des samouraïs japonais. Venner marque l’opposition voire la contradiction existentielle entre la « dignitas » païenne et « l'humilitas » chrétienne dont le dévoiement serait à la base de notre effondrement.
« Un samouraï d’Occident », sous-titré un peu abusivement « Le bréviaire des insoumis » (ni recettes, ni mode d’emploi), est un essai plus philosophique que vraiment politique tentant d’expliquer les raisons du déclin évident de l’Occident et de démontrer la nécessité de revenir aux sources de la pensée grecque et latine pour amorcer une quelconque renaissance. De très longs développements sont consacrés à Homère, à Epictète, Platon, Socrate, Pline l’Ancien et autres grands philosophes avec une attention toute particulière aux Stoïciens qui ont la faveur de l’auteur. Païen et même un tantinet paganiste, Venner pense qu’il n’y a pas à espérer un salut dans l’au-delà, que le seul devoir de l’honnête homme est de tenter de mener une bonne vie ici-bas, de se contenter de ce que l’on a, de ne pas se perdre dans l’hédonisme, l’individualisme et le consumérisme. De tout supporter avec calme et lucidité et même de mettre fin à son existence si l’on estime que le moment en est venu. La plus grande dignité de l’homme serait de se faire « seppuku » comme un samouraï japonais. Plutôt mourir debout que vivre couché. Ce qu’il a pratiqué lui-même en se suicidant à l’intérieur de la cathédrale Notre-Dame. Un ouvrage qui pose intelligemment les problématiques et propose des changements radicaux de paradigmes. Un retour aux sources qui pourrait se révéler salutaire…
4/5
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24/07/2024
Gilles de Rais (Joris Karl Huysmans)
Gilles de Rais naquit vers 1404 au château de Machecoul, dans une puissante famille du Bas-Poitou. Son père meurt alors qu’il n’a que onze ans. Sa mère se remarie et le confie avec son frère cadet René à un aïeul, Jean de Craon qui ne s’occupe guère d’eux et s’empresse de marier Gilles à Catherine de Thouars en 1420 alors qu’il n’a que 16 ans. Cinq ans plus tard, le voilà à la cour du dauphin, le futur Charles VII, prétendant qui se retrouve sans argent, sans prestige, sans pouvoir et sans autorité dans un royaume de France ravagé par la peste et envahi pour une bonne partie par les Anglais. Quand apparaît Jeanne d’Arc, Gilles est nommé responsable de sa défense avec quelques autres. Il la suit partout, la soutient dans tous ses combats et l’accompagne jusqu’à Reims où il est nommé Maréchal de France à l’âge de 25 ans ! Mais peu après la capture et la mort de Jeanne, il se retire dans son château de Tiffauges où il souhaite se consacrer aux arts, principalement à la musique et à la littérature. Il est l’heureux propriétaire d’une bibliothèque fort importante, une rareté pour l’époque. Il donne des fêtes somptueuses, se monte d’une générosité si grande qu’il finit par se retrouver ruiné. Sa famille, le roi et le duc de Bretagne lui ayant interdit de vendre ses terres, il se lance dans l’alchimie dans l’espoir d’arriver à transformer le plomb en or et ainsi à reconstituer sa fortune perdue. Toutes ses tentatives se soldant par des échecs, il en conclut que sans l’aide de Satan, aucune découverte n’est possible. Il fait alors appel à des sorciers pour entrer en communication avec lui et commence à lui sacrifier les premiers enfants…
« Gilles de Rais », sous-titré « la Magie en Poitou » est un ouvrage historique court, facile à lire consacré à la vie du sulfureux compagnon de Jeanne d’Arc, sorte de marquis de Sade de la fin du Moyen Âge et inspirateur du célèbre Barbe-Bleue des contes de Perrault. Passionné d’ésotérisme et intéressé par le satanisme, Huysmans le présente plus comme une sorte d’esthète, de chercheur, d’expérimentateur dilettante que comme un monstre sanguinaire, un pervers, un psychopathe, un serial killer ou un pédo-criminel. De 1432 à 1440, il aurait assassiné de ses propres mains ou fait assassiner de 7 à 800 enfants de paysans de la région pour les offrir en sacrifice rituel après les avoir torturés et avoir abusé d’eux avant ou après leur mort. L’auteur reste très discret sur l’aspect sexuel de ces crimes. Lors de son procès mené par l’évêque Jean de Malestroit, le seul qui ait bien voulu écouter les doléances des paysans alors que le Duc de Bretagne et le roi faisaient la sourde oreille, Gilles de Rais avoua tout et demanda même pardon pour ses crimes ce qui lui fut accordé par l’Eglise. Le second procès, séculier celui-ci, le condamna à mort par pendaison. Le bourreau ne brûla que partiellement son cadavre pour qu’il puisse ensuite être enterré dignement… Livre intéressant bien que non exhaustif sur le sujet.
4/5
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19/07/2024
La vérité sur le bouddhisme (Daniel Sens)
Parti d’Inde, répandu dans toute l’Asie et maintenant un peu partout dans le monde, le bouddhisme peut revendiquer de 350 millions à 1 milliard de pratiquants selon les critères d’évaluation utilisés. Cette pratique qui semble être plus une philosophie qu’une religion stricto sensu a été instaurée comme une déviance de l’hindouisme par Siddartha Gautama, jeune aristocrate, qui fut d’abord marié et père d’un enfant avant de quitter sa famille pour accomplir son destin, celui de devenir le Bouddha (« l’Eveillé »). Il vécut quelque temps dans un monastère hindouiste qu’il quitta assez vite, car la voie de l’ascétisme proposée ne lui convenait pas. Cinq premiers disciples se regroupèrent autour de lui avant de le quitter assez rapidement. Comme il se retrouvait seul à méditer sous un grand arbre pendant des jours et des jours, il finit par atteindre le but recherché, l’Illumination, le Nirvana, l’absence de tout attachement, l’indifférence totale à l’agitation du monde. S’estimant un être parfaitement accompli, il décida de prêcher, de transmettre son savoir en commençant par ses cinq premiers disciples retrouvés. Ce qu’il fit ensuite pendant 45 ans avant de mourir d’une indigestion soit de champignons, soit de viande de porc…
« La vérité sur le bouddhiste » est un essai théologique bien documenté, assez fouillé et parfois un brin ennuyeux à lire surtout dans la partie descriptive des grandes lignes de la doctrine. Le lecteur apprendra cependant bien des choses sur ce courant de pensée aux confins du religieux et du philosophique comme le fait que cinq siècles s’écoulèrent avant qu’apparaissent les premiers écrits. Tout l’enseignement se transmit oralement, de maîtres à disciples. Les courants furent nombreux (bouddhisme tibétain, chinois, japonais, zen, etc.) La doctrine se caractérise par le rejet de tout Dieu créateur et par l’absence du principe de miséricorde (dans le sens « charité chrétienne »). Tout revenant au karma et aux réincarnations. Ainsi même « une mouche peut devenir Bouddha un jour », lit-on avec une certaine stupéfaction. La seconde partie, plus aisée à lire, réfute la plupart pour ne pas dire la totalité des principes bouddhistes avec de solides arguments aussi bien théologiques que scientifiques. Cinq annexes terminent l’ouvrage en démontant d’autres aspects paradoxaux de la doctrine : l’impermanence, le mouvement, le temps et l’instant, la causalité et la production conditionnée et même l’atome. Ouvrage critique fort intéressant pour qui s’intéresse au sujet. Mais quel dommage que ce texte soit entaché de tant de coquilles !
3,5/5
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13/07/2024
Votre avenir sur ordonnance (Frédéric Saldmann)
La pratique du jeûne, qu’il soit religieux ou thérapeutique, est connue depuis la nuit des temps. Nous avons tendance à trop manger, à nous nourrir par habitude, à heures fixes et même sans appétit, juste pour faire comme tout le monde. Nous ne devrions manger que quand nous avons vraiment faim et laisser des périodes de repos plus longues à notre système digestif. Ainsi notre organisme, libéré du gros travail de la digestion, peut se consacrer à d’autres tâches comme la réparation de cellules ou d’organes endommagés et même se donner les moyens d’être plus efficace, voire de rajeunir. D’où l’intérêt du jeûne intermittent qui ne devrait pas être une épreuve ni une pénitence mais, bien au contraire, des « vacances métaboliques que vous offrez à votre organisme. » Il permet d’avoir plus de vitalité et plus d’énergie au quotidien. En effet, toute forme de manque, tout stress biologique et tout changement de rythme mobilisent nos systèmes de défense immunitaire et de régénération cellulaire. Donc, fuyons l’inaction, la sédentarité et la routine qui provoquent la « rouille » du corps et de l’esprit.
« Votre avenir sur ordonnance » est un essai de vulgarisation médicale axé plus sur le maintien en bonne santé que sur les soins à proprement parler. Mieux vaut prévenir que guérir. L’ouvrage est bien écrit, agréable à lire et passionnant du début à la fin. Chacun pourra y trouver son miel vu que l’auteur a l’intelligence d’aborder la problématique de cette forme de jeûne partiel par un nombre de biais fort important. Tout y passe, l’estomac, l’intestin, la peau, le cerveau, et même le sexe auquel un important chapitre est consacré. Saldmann ne propose pas de méthode rigide avec régime alimentaire (heures, quantités, calories, etc.). Il prodigue néanmoins une foule de conseils dont certains pourront sembler étranges voire saugrenus comme s’applaudir soi-même, se frotter le ventre, claquer des doigts, tirer la langue, jouer à la marelle ou à colin-maillard, faire des bulles de savon ou marcher pieds nus dans la rosée, pour n’en citer que quelques-uns. Chacun en prendra et en laissera sans doute. Il remarquera aussi avec un certain amusement que ces propositions souvent connues des pratiquants de la naturopathie deviennent acceptables venant d’un médecin en titre alors qu’elles étaient passibles de poursuites lorsqu’elles étaient prônées par un certain Thierry C, modeste YouTubeur par exemple. Donc, bravo au docteur-philosophe de remettre un peu de bon sens, d’humanité et d’efficacité au cœur même de la médecine « dure ».
4,5/5
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