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13/12/2022

Tout ce qui est sur terre doit périr (Michel Bussi)

Tout ce qui est sur terre doit périr.jpgÀ Etchmiadzine, dans la plus ancienne cathédrale de la chrétienté, un commando s’empare d’une relique de l’arche de Noé après s’être rendu coupable d’un carnage parmi les fidèles présents. Dans « l’Enfer » de la bibliothèque apostolique du Vatican, Zak passe une nuit, enfermé dans un placard pour pouvoir photographier les pages de l’authentique livre d’Enoch. S’ensuit l’attaque d’une exposition dans la ville de Bordeaux puis le kidnapping d’une glaciologue de l’université de Toulouse le Mirail appelée Cécile. Sans oublier le vol rocambolesque d’une poutre de bois de l’arche en question dans un parc d’attraction de Hong Kong. Trainant en permanence à ses trousses les Nephilims, étranges commandos de tueurs kurdes et azéris, Zack arrivera-t-il à récupérer toutes les pièces du puzzle, tous les indices qui permettraient d’élucider le mystère de l’histoire mythique de Noé et du déluge ?

« Tout ce qui est sur terre doit périr » serait « un thriller ésotérique vraiment bien ficelé », si l’on en croit la quatrième de couverture. En fait de thriller, le lecteur n’aura que l’accumulation habituelle de cadavres. L’ésotérisme est bien présent avec une explication totalement farfelue de « l’anomalie d’Ararat » relevant de l’ufologie la plus niaise que l’on puisse trouver sur n’importe quel site ou blog internet de fans d’OVNI. En fait, Michel Bussi nous a gratifié avec ce livre d’un roman d’aventures de type BD, dans la lignée d’Indiana Jones saupoudré d’ingrédients style Dan Brown à la française, sans s’embarrasser ni de cohérence de l’intrigue ni de vraisemblance. Et on jettera un voile pudique sur la coquecigrue de ce parlement mondial des religions présidé par un évêque orthodoxe tout puissant et sur la fin aussi improbable que grand-guignolesque. On achève la lecture de ce pavé indigeste (764 pages) en poussant un ouf de soulagement. Bussi nous avait habitué à nettement mieux…

3/5

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04/12/2022

M, le bord de l'abime (Bernard Minier)

M, le bord de l'abime.jpgMoira Chevalier, informaticienne chevronnée, débarque à l’aéroport de Hong-Kong. Elle vient d’être recrutée par la très importante société Ming, spécialisée dans les technologies informatiques de pointe dont l’intelligence artificielle. C’est également le deuxième fabricant de smartphones au monde derrière Samsung et devant Apple. Peu après, elle est accueillie en visioconférence par son patron qui lui donne pour mission de superviser « l’affective computing » de DEUS, le nouveau chatbot bien plus avancé que tous ceux de ses principaux concurrents Apple, Google, Amazon et Facebook. Il s’agit pour Moira de faire de DEUS le plus humain de tous les assistants virtuels. Mais, le soir-même, au fumoir de son hôtel cinq étoiles, elle est interrogée par trois flics de l’ICAC, la commission indépendante contre la corruption. De son côté, l’inspecteur Chan enquête sur le suicide louche d’une jeune femme travaillant pour Ming. Equipée d’un dispositif anti stress implanté dans le cerveau, elle s’est néanmoins jetée dans le vide depuis le toit d’un building. D’autres employées du consortium ont également été retrouvées assassinées. Que se passe-t-il vraiment chez Ming ?

« M, le bord de l’abime » est un thriller technologique dans lequel le lecteur s’aperçoit que la réalité actuelle des nouvelles technologies rejoint déjà la science-fiction et commence même à la dépasser. Même si l’intrigue a son lot de meurtres, crimes, tortures, sadisme et hémoglobine en tous genres, ce n’est pas du tout l’essentiel du propos. Bernard Minier nous entraine dans les arcanes d’une entreprise de la Big Tech qui pourrait être Google ou Microsoft. Il nous fait partager l’hybris pour ne pas dire la folie qui s’empare de dirigeants psychopathes quand ils s’imaginent faire l’œuvre de Dieu, n’avoir plus aucune limite autant dans leur pouvoir sur l’humanité que dans la capacité à l’asservir à tout jamais par le contrôle des nouvelles technologies, de l’internet des objets et de l’intelligence artificielle. La ville de Hong-Kong, cette mégapole dantesque, aussi étonnante qu’inquiétante et aussi avancée que dangereuse, est un personnage à part entière. Et le lecteur sent bien que l’auteur domine parfaitement ces deux sujets. Une importante et fort intéressante bibliographie en atteste en fin d'ouvrage. Nous serons un peu plus réservés sur l’histoire elle-même. Pas très originale, elle s’achève sur un rebondissement un brin capillotracté pour ne pas dire un peu trop invraisemblable. Mais tout cela est secondaire. L’essentiel est que nous ayons affaire à un thriller « intelligent », « éducatif » et un brin divertissant. Que demander de plus ?

4/5

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01/12/2022

La guerre des pauvres (Eric Vuillard)

La guerre des pauvres.jpgNé vers 1490 à Stolberg dans une famille pauvre, Thomas Müntzer perdit très jeune son père, pendu pour avoir déplu à un comte. Il fit néanmoins de bonnes études de théologie à Leipzig et devint curé à Halberstadt et Brunswick. Partisan de Luther, souvent renvoyé de ses paroisses, il devient prédicateur à Zwickau en 1520. Il s’installa ensuite à Allstedt où il écrivit ses « Protestations ». Ses messes dites en allemand eurent un grand succès auprès des petites gens tout heureux d’enfin comprendre ce que racontaient les textes liturgiques. Une énième révolte paysanne se déclencha sur les terres du prince Albert de Mansfeld. De partout, les gens se rassemblaient formant une troupe hétéroclite, mal armée et mal ravitaillée, qui devait affronter des troupes de mercenaires disposant de canons. Müntzer prit la tête de la cohorte de gueux. Mais tout se termina dans un bain de sang. Cinq mille paysans furent passés par les armes. Le curé fut emprisonné et décapité le 27 mai 1525 à Mülhausen, devant toute la haute noblesse de la région…

« La guerre des pauvres » est court roman (92 pages) basé sur un fait historique relevant des révoltes paysannes qui furent fort récurrentes pendant de nombreux siècles en Allemagne tout comme en France avec nos « Jacqueries » et qui atteignirent leur apothéose avec la révolution de 1789 et toutes les autres, la guerre de Vendée, 1830, 1848 et la Commune de Paris en 1870. Tous ces soulèvements populaires contre l’oppression royale, ecclésiastique, ou républicaine s’achevèrent systématiquement dans des répressions féroces, le dernier en date étant le mouvement des « Gilets jaunes ». Le style de Vuillart est agréable, léger, facile à lire et un tantinet minimaliste. Pas de descriptions interminables, ni d’états d’âme alambiqués, juste l’essentiel, rien que l’essentiel. « Close to the bone », comme disent les Anglo-saxons. L’inconvénient de cette qualité c’est qu’on termine le livre en restant un peu sur sa faim. On aurait aimé en savoir un peu plus sur ce fou de Dieu révolutionnaire protestant finissant par contester Luther lui-même et sur ces révoltes populaires si peu ou si mal étudiées dans les cours d’histoire. Merci à Eric Vuillard d’avoir braqué son projecteur sur ce personnage assez peu connu chez nous.

4/5

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29/11/2022

Ecrits politiques (George Orwell)

Ecrits politiques.jpgAprès la première guerre mondiale, la Grande-Bretagne se retrouve avec un outil industriel obsolète. Elle s’est laissée distancer par les Etats-Unis et se retrouve soudain avec deux à trois millions de chômeurs, souvent d’anciens militaires à qui on avait promis un avenir radieux, une fois la paix revenue ! Ces gens bénéficient d’abord d’une indemnité chômage de misère qui ne dure que pendant 26 semaines, mais que certains leur reprochent. Le terme échu, il ne reste à ces malheureux que la perspective de la mendicité (d’ailleurs interdite), le vagabondage et l’asile de nuit où ils ne peuvent séjourner qu’une seule nuit sur trois mois, ce qui explique l’obligation de l’errance. Le lecteur remarquera par cette description que déjà dans les années trente, le capitalisme triomphant causait des dégâts sociaux énormes en mettant en compétition les économies. Ce chômeur en fin de droit devient par la force des choses un « tramp », un vagabond, un clochard, un SDF. Il n’a ni emploi, ni famille, ni domicile, il ne possède rien que les pauvres loques qui couvre mal sa carcasse. Il se nourrit de pain et de thé, fume des mégots et ne peut même pas s’offrir une bière s’il a soif. À l’époque, aucun mondialiste à la Klaus Schwab n’aurait osé prétendre « qu’il ne possédait rien, mais qu’il était heureux » !

« Ecrit politiques » est un recueil de 44 textes écrits entre 1928 et 1949 et publiés pour les premiers sous le véritable patronyme de leur auteur, Eric Blair. Le lecteur y trouvera de la correspondance, des recensions d’ouvrages divers et variés, des articles plus politiques voire plus philosophiques, des analyses de partis et même des prédictions style almanach pour l’année 1946. Le tout complété par un glossaire, en fait un index avec biographie de tous les personnages évoqués, des ouvrages, journaux et partis politiques anglais et autres. Les principaux thèmes abordés sont : 1/ la guerre d’Espagne à laquelle Orwell participa dans les rangs du POUM (Parti ouvrier d’unification marxiste). Il y fut blessé à deux reprises et ne dut sa survie qu’à la fuite quand les communistes bolcheviques commencèrent à liquider ses compagnons de combat. Textes particulièrement intéressants du point de vue historique.

2/ la misère ouvrière, les problèmes sociaux et leurs éventuelles solutions.

3/ la défense de la liberté d’expression. Il précise bien que « 1984 » est une parodie, une satire, imaginée volontairement en Angleterre, car il visait tous les totalitarismes sans exception et surtout pas uniquement le communisme.

4/ le rejet et la condamnation sans appel du colonialisme. Là encore, il fut un témoin fort bien placé, ayant été fonctionnaire territorial en Inde avant l’indépendance.

5/ les rapports entre littérature et politique.

Même si certains textes sont datés, même si certains personnages évoqués sont pratiquement oubliés, même si l’on n’est pas toujours d’accord avec toutes les prises de position, ce genre d’ouvrage garde encore un intérêt à la fois historique, sociologique et politique, sans parler du style limpide et de la puissance de la pensée. Pour les fans du maître.

4/5

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23/11/2022

Coup d'état planétaire (Liliane Held-Khawam)

Le coup d'état planétaire.jpgCet ouvrage est sous-titré « Comment une élite financière s’arroge le pouvoir absolu sur la captation universelle des ressources ». Parfait résumé du propos de cet ouvrage. En effet, cette main-mise s’effectua en trois stades. De 1960 à 1986, commença une accumulation de pétrodollars gérés principalement par la City de Londres et placés dans des paradis fiscaux. Les banksters préparaient leur force de frappe. Puis de 1986 à 2007, avec l’acte unique européen, et les échanges monétaires internationaux effrénés, gonfla une bulle spéculative énorme. S’y ajouta le scandale de la crise des subprimes doublée d’un endettement croissant des états qui se retrouvèrent peu à peu et de plus en plus sous le joug des oligarques. Et de 2007 à 2019, la crise systémique planétaire amena à une phase cruciale de la globalisation qui a permis de faire émerger une nouvelle société, homogénéisée, mondialisée et de plus en plus robotisée grâce à l’IA et au Big Data, bâtie autour de monopoles et d’oligopoles privés édifiés grâce à l’appropriation de la création monétaire. Le résultat est devant maintenant nos yeux éberlués : démantèlement des services publics, privatisation généralisée, dépossession de tout bien ou possession, contrôle accru des populations, disparition des garde-fous institutionnels, restriction des libertés et parodies de démocratie.

« Coup d’état planétaire » est un essai socio-politique qui vient compléter « Dépossession », précédent ouvrage de Liliane Held-Khawam. D’un abord plus difficile et d’une lecture un peu plus laborieuse, cette étude représente une somme essentielle sur la question avec une grande quantité de notes, d’annexes, de documents de toutes sortes, chiffres, graphiques, à l'appui. Rien ne manque à cette démonstration magistrale qui finit par faire froid dans le dos. Difficile de contester que nous entrons au forceps dans un nouveau monde que personne n’a vraiment envie de découvrir tant les inconvénients sont plus importants que les avantages. Sous couvert de « bonne gouvernance », de « développement durable », voire de PPP « partenariat public privé », les politiques font discrètement place aux oligarques des multinationales qui finissent par tout gérer à leur place. Le lecteur apprendra énormément de choses peu développées dans les médias. Un seul exemple, le RDIE (règlement des différends entre investisseurs et états) permet aux multinationales d’attaquer les états devant des juridictions indépendantes et obtenir des dommages et intérêts comme Longfire qui a demandé au gouvernement canadien de lui verser 250 millions de dollars de compensation pour les profits perdus en raison du moratoire sur l’exploitation du gaz de schiste dans la vallée du Saint Laurent. Plus de 450 procédures de ce genre sont en cours dans le monde. Ouvrage majeur sur une question brûlante.

4/5

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19/11/2022

Objectif : zéro sale con (Robert Sutton)

Objectif zéro sale con.jpgDe qui parle-t-on quand on évoque les « sales cons » ? Le patron dictatorial et irascible qui humilie systématiquement sa secrétaire, le collègue arrogant qui coupe la parole en réunion, le médecin qui harcèle ses infirmières, le client jamais satisfait qui demande un remboursement indu ? Qui n’a jamais eu à souffrir de certains comportements pleins de hargne, d’irrespect, de morgue, de méchanceté, de dérision, de gestes déplacés et autres ? Qui n’est jamais allé au boulot à reculons en raison d’une ambiance délétère ? Mis en situation de pouvoir, certains individus ont tendance à en abuser. Mais le mal est plus profond : tout un chacun peut devenir le sale con qu’il exècre chez les autres. D’où la nécessité de lutter contre ce mal rampant. En effet, la présence de sales cons dans les entreprises représente un coût non négligeable du fait du détournement des efforts, de la perte de motivation et d’énergie, de la détérioration de la santé mentale, de l’absentéisme, d’une rotation élevée des personnels, du manque de coopération général et des pertes d’emploi qui s'ensuivent. La direction perd son temps, son argent et son énergie à apaiser les tensions, à calmer les conflits, à rassurer la clientèle et les fournisseurs, à réorganiser les équipes et à recruter des remplaçants après le départ des sales cons qu’il a bien fallu finir par virer !

« Objectif : zéro sale con » est un essai de psycho-sociologie appliquée prioritairement à l’entreprise, mais dont les analyses et les conclusions peuvent valoir pour bien d’autres groupes humains. En dépit d’un titre accrocheur qui peut laisser penser à un ouvrage humoristique, il s’agit d’une étude sérieuse menée par Robert Sutton, professeur à l’université de Stanford, grand spécialiste du comportement organisationnel. Illustré de nombreux exemples et anecdotes, le ton en est quand même léger et le style très agréable à lire. Le lecteur découvrira également plusieurs petits tests qui lui permettront de découvrir s’il lui arrive de subir les assauts de sales cons, s’il sait les gérer et même s’il a des risques de basculer lui aussi dans cette sinistre catégorie. Sous-titré « Petit guide de survie face aux connards qui plombent les entreprises », cet ouvrage est à la fois radical et mesuré, exigeant et réaliste, utopique et pragmatique. Un célèbre proverbe latin nous dit que « l’homme est un loup pour l'homme », c’est aussi souvent un vrai emmerdeur, pour ne pas dire un sale con !

4/5

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16/11/2022

Padre Pio, le stigmatisé (Yves Chiron)

Padre Pio le stigmatisé.jpgDans la vie de Padre Pio, le surnaturel surabonde : visions, guérisons miraculeuses, bilocation, « incendum amoris » (montée en température à près de 50°), odeur de sainteté, don des langues, prédictions et surtout les stigmates de la passion du Christ qui en ont été la manifestation de loin la plus spectaculaire. De son vrai nom, Francesco Forgione, il est né en 1887 à Pietreluna (Campanie), dans une nombreuse fratrie. Sa famille pas vraiment pauvre possède un terrain d’environ un hectare et une petite maison dans le village. Quand cette terre ne suffit pas à faire vivre la petite famille, le père part travailler quelques mois ou quelques années en Amérique. Dès son plus jeune âge, Padre Pio a des visions de la Vierge. Il ressent à ses côtés la présence de son ange gardien. Il part bientôt à Morcone pour entrer chez les capucins, un des ordres les plus rigoureux de la lignée franciscaine. Puis le 28 juillet 1916, il entre au couvent Santa Maria de San Giovanni Rotondo où il restera jusqu’à sa mort en 1968. Très vite, ses miracles et sa réputation de sainteté attireront des foules ferventes mais aussi bien des souffrances…

« Padre Pio, le stigmatisé » est certainement la meilleure biographie que l’on puisse lire sur la vie et l’œuvre du premier et jusqu’à aujourd’hui unique prêtre stigmatisé de l’histoire de l’Eglise. Portant dans sa chair pendant cinquante années les marques du supplice du Christ, sa vie fut un long calvaire, car il était lui-même de santé fragile et se donnait totalement à son sacerdoce, confessant près d’une centaine de personnes par jour, vivant une messe qui pouvait durer plusieurs heures et apportant aide et consolation à d’innombrables âmes en peine. Il fut à l'origine de la construction d’un immense hôpital doté du meilleur de la médecine et totalement gratuit pour les nécessiteux. Le lecteur apprendra énormément de choses sur le sujet et sera sans doute surpris par les réactions de sa hiérarchie, tour à tour bienveillante vis-à-vis de lui (Benoît XV, Pie XII, Paul VI et Jean-Paul II) et parfaitement hostile (Pie XI et Jean XXIII) au point de l’obliger à vivre reclus dans sa cellule pendant des années, de lui interdire de dire la messe en public, de confesser, d’apparaître en public, de prêcher et de recevoir des pénitents. La sainte prudence se muant en tyrannie injuste.

4,5/5

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09/11/2022

Dépossession (Liliane Held-Khawam)

Dépossession.jpgComment l’hyperpuissance d’une petite élite financière arrive-t-elle à mettre États et citoyens à genoux ? Par quel tour de passe-passe le montant global de la dette mondiale qui s’élevait à 87 000 milliards de dollars en l’an 2000 a-t-il pu passer à 230 000 milliards de dollars en 2018 (triple du PIB mondial) et ne cesser d’enfler de manière exponentielle ? Autant dire qu’elle sera impossible à rembourser à court, moyen ou long terme. Mais ne nous réjouissons pas trop vite. Un jour ou l’autre, il faudra payer. Les Etats seront réduits peu à peu à un statut d’entreprises, tous les services publics seront privatisés, tout comme les biens immobiliers nationaux, les œuvres d’art ou les infrastructures (ports, aéroports, autoroutes, ponts, etc.). Quant aux citoyens, ils ne seront plus propriétaires de rien, n’auront sans doute plus d’emploi et devront être heureux de leur statut d’assistés (revenu universel) pour ne pas dire de serfs. En effet, plus les états s’affaiblissent, moins les droits et les libertés des citoyens sont défendus. Avec la complicité des politiques, les banques font toujours mutualiser, c’est-à-dire payer par le contribuable, leurs pertes tout en privatisant leurs gains. Ce qui a été flagrant lors de la crise dite des « subprimes » de 2008.

« Dépossession » est un essai de grande qualité, sourcé, documenté, illustré de nombreux schémas et graphiques, tout en restant facile d’accès et agréable à lire. C’est un peu le « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le pouvoir toxique de Big Money », ou « L’économie capitaliste de prédation pour les Nuls. » Un homme averti doit s’intéresser à l’économie car celle-ci détermine son avenir. « La main qui prête est toujours au-dessus de la main qui reçoit », dit un adage célèbre. Et « il est tout aussi dangereux d’être gouverné par l’argent organisé que par le crime organisé », ajoutait Roosevelt. Mais quand les deux se donnent la main, on est très mal barré. Le mal remonte à loin avec la création de la Banque d’Angleterre, puis avec celle de la Banque de France par Napoléon qui en donna la gestion à une poignée de banquiers privés. Plus tard, la réserve fédérale américaine procédera de la même manière. On va de découvertes déplaisantes en indignations horrifiantes dans ce livre, comme la fin de l’étalon-or (1971) qui garantissait la parité du dollar, l’obligation pour les états d’emprunter à des banques privées et au taux du marché, donc la perte du privilège de battre monnaie avec le résultat qu’on sait, une explosion de la dette (20 trillions de dollars rien que pour les Etats-Unis) et avec une bulle spéculative de 1 500 000 milliards de dollars de produits dérivés alors que le PIB mondial ne s’élève qu’à 73 500 milliards de dollars. Le tout entre les mains de Black Rock, Vanguard, Fidelity et State Street, gestionnaires d’une énorme partie des actifs de la planète, et tous américains. Ouvrage à lire absolument avant qu’il ne soit trop tard…

4,5/5

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06/11/2022

Le hold-up planétaire (Roberto Di Cosmo & Dominique Nora)

Le hold-up planétaire.jpgBill Gates est-il une sorte de nouveau Big Brother qui chercherait à avoir le contrôle total sur toute forme de transmission et de contrôle de l’information, à avoir la main mise sur l’ensemble des transactions bancaires, sur les médias et même sur tous les pans les plus secrets de nos vies privées ?

On est bien obligé de reconnaître que sa société Microsoft se retrouve en situation de quasi-monopole pour les systèmes d’exploitation. Son système Windows équipe 85% des micro-ordinateurs de la planète. Cette position de force ne représente-t-elle pas un véritable danger pour la liberté et la démocratie dans la mesure où elle peut contrôler la quasi-totalité de la chaine de l’information et de la communication ? Dès 1993, le département américain de la justice s’en étant inquiété avait ouvert une procédure anti trust à l’encontre de Microsoft. Mais la montagne n'avait accouché que d’une souris. À peine un rappel à la loi, assorti d’une promesse de ne pas recommencer !

En fait, le but de cette multinationale américaine n’a jamais été de produire de bons logiciels, mais de faire le maximum de bénéfices et de régner sur tous les marchés dans lequel il entre et éliminant la concurrence par tous les moyens…

« Le coup d’état planétaire » est un essai sur les dérives d’une société devenue incontournable alors qu’elle n’aurait jamais du l'être. Un succès phénoménal basé sur le mensonge, la tricherie et des méthodes de gangsters. Deux exemples pour illustrer le propos : le fameux MSDOS, dérivé du DOS et point de départ de l’aventure n’est même pas sorti du cerveau génial de Gates, mais fut simplement racheté à son inventeur. Windows est bourré de failles, d’ouvertures et de… « fenêtres » permettant de laisser passer les virus, trojans et autres malwares. Faiblesse voulue qui permet de vendre des antivirus et d’organiser une obsolescence programmée avec toutes les versions se succédant très vite dans le temps. Présenté sous la forme d’une longue interview avec Di Cosmo dans le rôle du spécialiste et Nora dans celui de la journaliste un brin candide, cet ouvrage reste très intéressant bien qu’un peu daté (2006, tout va tellement vite dans ce domaine) surtout pour bien comprendre la genèse de cet empire de l’information, la naissance et le développement un brin malsain d’un des monstres de Big Tech. Un espoir cependant : les logiciels « libres » (Linux et autres)…

4/5

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03/11/2022

Maléfices (Maxime Chattam)

Maléfices.jpgUn employé des services de protection de l’environnement est retrouvé mort dans une clairière de l’Oregon. Il s’agit de Fleitscher Salhindro, frère de Larry, le gros flic ami de Joshua Brolin lequel se repose dans son chalet posé devant un lac situé en pleine nature à une demi-heure de Portand. Lors de l’autopsie du cadavre de Fleitscher, le médecin légiste lui découvre sur le cou une sorte de grosseur occasionnée peut-être par une morsure de serpent ou d’insecte. Les analyses montrent qu’elle fut occasionnée par du venin d’araignée, mais dans une concentration tout à fait anormale. Bizarrement, on constate également neuf morsures d’araignée dans le secteur en une seule semaine. Puis l’appel téléphonique d’un jeune homme amène Joshua Brolin et Annabel, venue de New-York pour le seconder, à découvrir le cadavre d’une femme enrobée dans un cocon constitué de fil de toile d’araignée accroché à un arbre, non loin d’une cascade, dans un endroit perdu de la forêt…

« Maléfices », dernier tome de la « Trilogie du mal » est un thriller qui peut se lire indépendamment des deux autres. Maxime Chattam a su y renouveler son inspiration autant du côté du profil du psychopathe (« la Chose ») que du motus operandi qui repose sur les mygales, les veuves noires et autres arachnides peu sympathiques et sources de phobie pour bien des gens. L’intrigue est alambiquée à souhait. Le lecteur se retrouve baladé de fausses pistes en cul de sac, ce qui est un des ressorts et des plaisirs du genre si tout cela est mené de main de maitre, c’est-à-dire avec rythme et humour, ce qui est loin d’être le cas. L’ensemble est un peu poussif, lambin, et donne même l’impression de tirer à la ligne. Sur les 640 pages de ce pavé, une bonne centaine aurait pu être élaguée. Trop de descriptions sans grand intérêt, trop de détails scientifiques sur les techniques de médecine légale, d’analyses diverses, de biologie animale ou de psychiatrie criminelle. Nul doute que l’auteur s’est grandement documenté pour cette étrange histoire. Il s’est basé sur des faits réels comme la production de soie d’araignée grâce au lait de vache ou comme les effets de la tétrodotoxine sur les humains. L’ennui, c’est que tous ces éléments accumulés donnent malgré tout une impression d’invraisemblance, d’improbabilité et même d’irréalité. Une histoire capillotractée ? Pourquoi pas ? Pour moi, quand même le meilleur des trois opus.

3,5/5

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