14/06/2023
La guerre des Boers (Bernard Lugan)
En 1899, éclata en Afrique australe une guerre totale qui opposa les républiques « Boers » du Transvaal et de l’Orange à l’Empire britannique. Deux peuples blancs s’affrontèrent dans une lutte sans merci, l’un luttait pour sa survie, sa liberté et son indépendance et l’autre pour la suprématie coloniale de son empire sans oublier de faire main-basse sur les richesses du sous-sol (or, diamants). Très vite ce conflit prit des dimensions internationales. Face aux forces venues de tous les pays de l’Empire (Inde, Australie, Canada, etc.), les Boers obtinrent le renfort de volontaires allemands, italiens, français, russes, irlandais, américains, hollandais, scandinaves et autres, mais aucune aide des gouvernements européens. La cause plutôt désespérée des Boers déclencha un grand courant de sympathie en Europe. Héros de la gauche pour leur combat anti-colonialiste, ils le furent également de la droite pour leur défense de leur patrie menacée par le cosmopolitisme. Mais pour venir à bout de leur résistance acharnée, les Britanniques n’hésitèrent pas à vider les campagnes en enfermant les femmes et les enfants dans des camps de concentration (les premiers du genre) où ils moururent de faim, de maladies et de mauvais traitements et à pratiquer la politique de la terre brûlée en incendiant des dizaines de milliers de fermes.
« La guerre des Boers » est un essai historique de très grande qualité, une référence sur le sujet. Le lecteur y découvrira une page plutôt sombre de l’histoire de l’Afrique. Ces « Boers », descendants de Hollandais et de Français huguenots, avaient déjà dû fuir une première fois devant l’envahisseur anglais lors du grand Trek. Ils avaient fondé deux républiques pastorales et rurales, vivant en autarcie sur un territoire vierge, mais recélant des richesses insoupçonnées. Le lecteur découvrira que les méthodes de répression des régimes totalitaires sont toujours les mêmes que ce soit en France (Vendée), en Ukraine (Holodomor) ou en Afrique australe où les Britanniques pratiquèrent la première guerre totale contre des populations civiles, les soumirent par la faim et le feu et surtout inaugurèrent, presque un demi-siècle avant les nazis, les premiers camps de concentration qui n’eurent rien à envier à ceux-ci. Cette guerre ou plutôt ce génocide eut de graves conséquences sur la suite des évènements (prolétarisation du peuple boer, politique d’apartheid et ruine définitive à terme). Un ouvrage doté de nombreuses cartes pour mieux comprendre le déroulement des diverses batailles et d’un long index final comportant, outre une bibliographie conséquente, toute une série de biographies des principaux intervenants de ce drame qui donne toujours autant à réfléchir.
4,5/5
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11/06/2023
Comment se soigner avec le chocolat (Henri Joyeux & Jean-Claude Berton)
Où et comment le chocolat fut-il découvert ? Les Indiens d’Amérique du Sud avaient fait du cacao leur plante sacrée depuis des milliers d’années. Mais quand les premières graines furent présentées à Christophe Colomb, celui-ci ordonna de les jeter à la mer, car il les prit pour des déjections animales. Plus averti, Pizarre les garda pour sa consommation personnelle. Mais finalement, le cacao devenu chocolat finit par parvenir d’abord dans les cours royales qui l’adoptèrent à titre de médicament et surtout pour ses qualités présumées aphrodisiaques. Madame de Pompadour en buvait des quantités impressionnantes pour compenser la froideur légendaire que lui reprochait amèrement Louis XV. Puis, peu à peu, sa consommation finit par se démocratiser. La fabrication du chocolat, au départ pratiquée par des artisans chocolatiers, passa après la seconde guerre mondiale à l’industrialisation et à la concentration entre les mains de puissantes sociétés comme Cadbury, Lindt, Menier, Suchard, Poulain, et autres. Mais de valeureux maîtres artisans-chocolatier comme Jean-Claude Berton continuent la tradition de la qualité et même innovent avec des produits riches en fibres et en omégas 3 !
Cet ouvrage est une monographie ou un essai de vulgarisation sur le chocolat sous tous ses aspects. Entre les deux auteurs, Joyeux et Berton, c’est ce dernier qui se taille la part du lion. En effet, si l’aspect thérapeutique (celui qui intéressait au départ le lecteur) ne représente qu’à peine un petit quart de l’ouvrage, tout le reste est consacré à une présentation bio-géographique du chocolat, suivie d’une étude de celui-ci à travers l’Histoire et terminée par une présentation des différentes étapes permettant de passer de la cabosse de cacao à la plaque de chocolat. Le lecteur découvrira bien des choses dont il ne se doutait même pas sur les manipulations nécessaires, sur le travail des premiers chocolatiers, sur le Nutella, produit contenant plus de sucre et d’huile de palme que de cacao, et sur l’autorisation de l’introduction d’huiles végétales en lieu et place, dans une certaine proportion, du beurre de cacao. Les effets sur la santé du bon chocolat (noir avec fort pourcentage de cacao) semblent ne plus avoir à être démontrés. Le chocolat est bon pour le cœur, pour le transit intestinal, pour se libérer des addictions (tabac, alcool, haschich), pour lutter contre l’insomnie, pour stimuler la mémoire et même combattre les maladies de Parkinson et d’Alzheimer. La liste est longue de tous ses bienfaits. Alors pourquoi se priver d’un ou deux carrés de bon chocolat noir chaque soir ? Dommage que cet ouvrage, intéressant par bien des aspects, tourne vers la fin au publireportage en faveur d’un produit sans doute de très haute qualité, mais pas à la portée de toutes les bourses, inventé par l’auteur chocolatier.
3,5/5
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08/06/2023
La vérité sur les vaccins (Didier Raoult & Olivia Recasens)
La France est devenue le pays au monde qui se méfie le plus des vaccinations. C’est aussi l’un des rares pays qui a rendu obligatoire onze vaccins pour les nourrissons dont certains contre des maladies éradiquées et des MST. La variole a disparu, la poliomyélite est sur le point d’être éradiquée, la rougeole est maitrisée, le tétanos et la rubéole sont sous contrôle. Seule exception, la tuberculose qui est responsable de la mort d’un million de personnes chaque année dans le monde, mais dont le vaccin date d’un siècle et reste de faible efficacité. Quant au paludisme et au sida, toutes les recherches d’un vaccin sont restées illusoires. Pour certaines pathologies, l’amélioration des conditions d’hygiène ont plus apporté que les vaccins. Et pourtant ceux-ci sont toujours imposés ou interdits sans réelle concertation avec les professionnels de santé. On n’est plus dans le scientifique, mais dans le politique et même dans la croyance quand, en agitant les peurs, on en arrive à faire basculer les gens dans la névrose collective. Pour Raoult, il faut savoir raison garder et rester dans l’observation des faits au cas par cas.
« La vérité sur les vaccins » est un essai de vulgarisation médicale sur un sujet brûlant qui déclenche les passions surtout depuis les dernières crises sanitaires (H1N1 et Covid 19). Le livre datant de 2012, cette dernière n’est pas abordée. Il n’en demeure pas moins que beaucoup d’analyses restent pertinentes. Le lecteur découvrira que contrairement à ce qu’ont pu avancer les médias, Raoult est un farouche défenseur des vaccins, mais de façon intelligente. Il s’oppose à l’obligation vaccinale qui ne fait qu’exacerber les passions, dresser vax contre antivax, alors qu’il faudrait laisser les médecins s’informer et prescrire. Pour lui, la question de savoir si l’on est pour ou contre la vaccination n’a aucun sens. Il vaut mieux envisager chaque cas de figure, pouvoir peser sereinement le rapport bénéfices-risques et bien apprécier les situations sanitaires réelles pour chaque pays ou continent. Il est toujours préférable de convaincre plutôt que de contraindre. Un livre intéressant, loin des polémiques stériles, plein de bon sens, mais qui reste quand même à la surface des choses dès qu’on aborde le problème de la puissance de corruption de Big Pharma. Pour Raoult, la production de vaccins ne rapporterait que 11% du chiffre d’affaires des multinationales et serait plus source d’ennuis que de profits pour elles. Naïveté ? Angélisme ? Ou complicité ? Le lecteur pourra se perdre en conjectures sur ce point précis. Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire…
4/5
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03/06/2023
Le roman de Charette (Philippe de Villiers)
Breton de petite noblesse, François-Athanase Charette de la Contrie commence sa carrière militaire en 1779, comme garde de la Marine à Brest. Il participe à la guerre d’indépendance américaine, d’abord au large des côtes françaises, puis dans les Antilles. En mars 1793, des paysans révoltés contre la levée en masse et les mesures anti-religieuses viennent le chercher pour le placer à la tête de leur insurrection. Charette s’impose difficilement comme commandant des insurgés des régions de Machecoul et Legé. Le 30 avril, les différentes armées vendéennes s’unissent pour former l’Armée catholique et royale, mais dans les faits, Charette continue d’agir de manière indépendante. En septembre et octobre 1793, les républicains prennent l’avantage en occupant toutes les villes de la Vendée militaire et en ravageant le bocage. Charette passe alors à la guérilla et arrive même à contrôler pendant quelques mois l’île de Noirmoutier. Affaibli par plusieurs défaites successives à la fin de l’année 1793, Charette parvient à échapper aux colonnes infernales qui ravagent la Vendée dans les premiers mois de l’année 1794. Les massacres, les noyades et les incendies systématiques commis par les républicains poussent les paysans à se réfugier auprès de lui. En décembre 1794, Charette accepte d’entamer des pourparlers de paix avec les représentants de la Convention thermidorienne lors des négociations de La Jaunaye où on lui fait espérer la libération du Dauphin et une éventuelle restauration. Mais quand il apprend que l’enfant royal a été empoisonné, il comprend qu’il a été berné et reprend les armes. Mais la relance des hostilités tourne au désastre. Abandonné par ses hommes et grièvement blessé, Charette est capturé le 23 mars 1796. Condamné à mort, il sera fusillé six jours plus tard à Nantes,
« Le roman de Charette » est une biographie romancée très bien menée, très agréable à lire et parfaitement documentée. Ayant pu avoir accès à de nombreux documents et témoignages, Philippe de Villiers a vraiment pu faire œuvre d’historien tout en présentant la vie tout à fait extraordinaire d’un des héros de la Vendée sous la forme du roman, c’est-à-dire avec des dialogues, du rythme et toutes sortes de détails donnant humanité et épaisseur à un personnage qui se conduisit en héros et en martyr de la liberté autant dans sa participation courageuse à la guerre d’Indépendance américaine qu’à celle des atroces guerres de Vendée qui resteront comme une tache de sang indélébile au front d’une république qui se construisit sur la décapitation du couple royal, l’assassinat des nobles, le vol des « biens nationaux » et le massacre de pauvres gens perpétrés par d’autres pauvres gens. Dans cette guerre civile, Charette tenta de rester fidèle à sa foi et à ses idéaux. Même s’il ne prit pas toujours les meilleures décisions stratégiques, il alla au bout de ses convictions et jusqu’au sacrifice de sa vie. Ainsi, restera-t-il un héros aux yeux de la postérité. Tout comme le film « Vaincre ou mourir » qui fit un tabac dans les salles obscures, ce livre très réussi lui rend un très juste hommage.
4,5/5
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31/05/2023
La faim (Knut Hamsun)
À Christiania (Oslo), le jeune Knut peine à vivre des gains de rares articles donnés à un journal local. Il a bien essayé de se faire engager chez les pompiers, mais il a été rejeté, car il portait des lunettes. Ses habits sont si sales et si misérables qu’il n’ose plus se présenter pour une place « convenable ». Il n’a même pas de quoi s’acheter un livre pour tromper son ennui. Et le pire, c’est que la faim le tenaille en permanence. Pour la calmer malgré tout, il en est réduit à mâcher des copeaux de bois. Et les rares fois où une bonne âme lui donne quelque chose à manger, son estomac rétréci le rejette systématiquement. Il tente d’obtenir un peu d’argent du Mont de piété en mettant en gage ses lunettes, une couverture prêtée par un ami et même les cinq boutons de sa redingote, mais le préposé les refuse. Et comme les malheurs n’arrivent jamais seuls, se retrouvant sans toit, il est arrêté par la police et passe une nuit au poste, les articles dont il espérait beaucoup sont rejetés par son rédacteur en chef et il est renversé par la charrette du boulanger qui lui écrase le pied…
« La faim » est une autobiographie ou une autofiction assez émouvante et qui sent bien son vécu. Par petites touches assez impressionnistes, l’auteur nous fait partager le quotidien aussi glauque que pénible d’un jeune écrivain en voie de clochardisation. Pas d’intrigue à proprement parler, pas de développement romanesque. Même la rencontre de la belle inconnue reste du domaine de l’évanescence, presque de l’onirisme. Même chose pour la fin avec l’embarquement sur un navire russe. Hamsun se fait engager sur sa bonne mine alors qu’il ne connait strictement rien aux choses de la mer. Le capitaine le prend à l’essai en se réservant le droit de le débarquer en Angleterre s’il n’est pas à la hauteur de la tache. Le lecteur restera lui aussi sur sa faim, car il ne saura jamais si l’auteur a fini par s’en sortir. Il comprendra que l’auteur ne voulait pas lâcher son thème central, la faim et surtout l’échec qu’il attire comme l’aimant le fait de la limaille, car il est à la fois trop naïf, trop honnête et trop généreux. Il va donner son gilet à un miséreux, un gâteau à un gamin de la rue et un billet de dix couronnes qui aurait pu l’aider pour un bon moment à une pâtissière peu avenante. Cette « Faim » aurait aussi pu s’appeler « La poisse » ! Lecture un brin déprimante quand même…
4/5
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29/05/2023
Tout savoir pour éviter Alzheimer et Parkinson (Henri Joyeux & Dominique Vialard)
La maladie d’Alzheimer est devenue la première cause de démence dans le monde et celle de Parkinson se maintient à la seconde place. Les femmes sont plus touchées que les hommes par la première. Eux seraient plus victimes de celle de Parkinson. Ces deux affections irréversibles sont redoutables. La première atteint 20% des octogénaires soit une femme sur 4 et même jusqu’à 40% au-dessus de 90 ans. Un homme sur 5 en souffre à partir de 85 ans. On compte 150 000 cas de Parkinson dans l’Hexagone et 8000 nouveaux chaque année. Ces maladies se développent de plus en plus rapidement dans les populations. On compte 1,3 million de malades aujourd’hui. Et on en prévoit 2 millions à l’horizon 2040. Leur nombre devrait même doubler tous les 20 ans ! De plus, les médicaments utilisés sont d’une efficacité douteuse et peuvent même se révéler nocifs en raison de graves effets secondaires. Et aucune molécule efficace ne se profile à l’horizon des prochaines années. Quel espoir nous reste-il ? La prévention…
Cet ouvrage est un essai écrit à quatre mains qui commence par un exposé de présentation de ces deux maladies. De la vulgarisation bien flippante qui remplit plus de la moitié de l’ouvrage. Les moyens pour éviter la catastrophe ne viennent qu’à la fin. Il faut réformer notre alimentation, manger moins de protéines animales, éviter barbecue et grillades, fuir la malbouffe et toute la production industrielle, (50% de risques éliminés). Faire de l’exercice de manière régulière. Marche, course, natation, vélo, etc (encore 50% de risques éliminés, mais il semble que cela ne soit pas cumulatif !). Ne pas oublier de faire fonctionner son cerveau en lisant, en faisant des mots croisés, des sudokus et autres. Garder un esprit positif et curieux. Au total, toutes sortes de petits et de grands conseils bien utiles que le lecteur devra mettre en pratique. Un ouvrage agréable, facile à lire et sans doute bien utile qui commence fort sombrement pour s’achever sur une note d’espoir. Nous irons tous au paradis (comme chantait l’autre), mais nous ne choperons pas tous ces deux saloperies…
4,5/5
08:42 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
18/05/2023
La stratégie du choc (Naomi Klein)
En Louisiane, avant l’ouragan Katrina, le conseil scolaire de la ville de la Nouvelle-Orléans comptait 123 écoles publiques. Après, il n’en restait plus que 4. Quant aux écoles privées qui n’étaient que 7 avant la catastrophe, elles passèrent à 31, grâce aux subventions versées pour la reconstruction. Une fois de plus le public subventionnait le privé. Une fois de plus, on privatisait les gains et on nationalisait les déficits. C’est un certain Milton Friedman qui avait théorisé cette nouvelle sorte de capitalisme, un capitalisme sauvage, sans freins ni garde-fou, un « capitalisme du désastre » que l’on appelle aussi « ultra-libéralisme » en Europe. Il s’agit pour les oligarques du système, avec la complicité de politiciens et de journalistes stipendiés, de profiter de l’opportunité d’une crise, d’un cataclysme, d’une révolution ou d’une guerre pour vendre à la découpe tous les services d’un état pendant que le peuple est encore sous le choc et donc peu apte à réagir. Ce modèle économique très particulier se révèle à l’usage assez peu compatible avec la démocratie. Il a même besoin de conditions plus ou moins totalitaires pour s’imposer dans son expression la plus pure, comme on l’a vu en Amérique Latine au Chili et en Argentine, en Grande-Bretagne sous la férule de Mme Thatcher, en Chine (Tien an Men), aux Etats-Unis sous Reagan et en de nombreux autres lieux. En fait, ces techniques de sidération des masses, de conditionnement des esprits trouvèrent leur source dès la fin des années 50 quand la CIA se lança dans d’étranges expériences sur de malheureux cobayes humains. L’auteur a ainsi pu obtenir le témoignage de Gail Kastner, une patiente du docteur Cameron, sorte de Mengele yankee qui lui fit subir nombre d’électrochocs, d’injections de substances plus ou moins nocives (insuline), de barbituriques à haute dose, de psychotropes et d’hallucinogènes comme le LSD dans l’espoir de vider son cerveau pour le reprogrammer. Ce monstre ne cherchait pas à soigner ses patients, mais à les recréer, leur causant toutes sortes de souffrances inouies et leur causant des pertes de mémoire irréversibles. Friedman voulut transposer cela en économie. Le résultat en fut catastrophique pour les peuples mais très lucratif pour l’élite !
« La stratégie du choc » est un essai géopolitique et historique de très belle facture. L’auteur démonte pan par pan toutes les tentatives que fit l’oligarchie au fil du temps pour parvenir à ses fins en commençant par l’Allemagne vaincue, mais relativement épargnée pour ne pas donner prise aux communistes, en continuant par le Chili de Pinochet et l’Argentine des colonels où on n’hésita pas à employer les méthodes les plus cruelles, puis la Bolivie, l’Afrique du Sud, la Pologne de Solidarnosc obligé de renier tous ses idéaux, la Russie d'Eltsine avec la main-mise des oligarques sur toutes les richesses du pays, Irak ravagé par la guerre et livré à Black Rock et à Halliburton, Sri Lanka ravagé par le tsunami et tant d’autres pays. Partout le même scénario : profiter d’une catastrophe pour privatiser le plus de domaines possibles, démanteler les services publics, licencier des fonctionnaires, faire disparaître les acquis sociaux et, sous prétexte d’apporter liberté et démocratie, faire plonger les peuples toujours plus loin dans la misère et le désarroi. Et si ceux-ci font mine de ne pas apprécier le traitement, ne jamais hésiter à frapper, enfermer, blesser ou tuer pour obtenir la soumission par la terreur. Ouvrage très éclairant sur la montée d’un phénomène fort inquiétant. Il commence à dater un peu. Et la conclusion de Klein, à la lumière des derniers développements de cette stratégie mortifère (crise sanitaire, climatique, guerre en Ukraine), semblera beaucoup trop optimiste. En effet, l’auteur constate l’échec complet de presque toutes les tentatives, une prise de conscience des peuples et même de très bonnes réactions de certains. Malheureusement, la machine libérale mondialiste ne renonce jamais. Si elle semble marquer le pas, ce n’est que pour mieux affiner ses techniques et relancer toujours plus fort et toujours plus loin son rouleau compresseur écrasant les peuples…
4/5
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14/05/2023
L'île de tous les vices (Jean-Gabriel Fredet)
En 2019, incarcéré dans l’attente d’un procès pour trafic de mineurs, et alors qu’il risque la perpétuité, Jeffrey Epstein est retrouvé pendu dans sa cellule. À la suite de multiples dysfonctionnements dans l’organisation de sa détention au moment de sa mort, deux enquêtes sont ouvertes dans le cadre de ce qui est décrit comme un « suicide apparent ». Comment un personnage issu d’un milieu social des plus modestes a-t-il pu se muer en scientifique de haut niveau (il a disposé pendant 20 ans d’un bureau dans la prestigieuse université d’Harvard), en milliardaire à la tête d’une fortune estimée à plus ou moins un millard de dollars, en décideur de premier plan (il a siégé des années au CFR et à la Trilatérale deux instances réunissant tous les plus grands personnages de la planète ? Comment a-t-il pu devenir l’ami intime de deux présidents américains (Clinton et Trump), d’un membre de la famille royale, le prince Andrew, et de nombre de célébrités comme Bill Gates, Leon Black, Kevin Spacey, Woody Allen et tant d’autres ? Comment pendant trente ans a-t-il pu, avec l’aide de ses deux principaux complices, Ghislaine Maxwell, fille du milliardaire agent du Mossad retrouvé noyé au large des Canaries, et Jean-Luc Brunel, agent parisien de mannequins, organiser un trafic sexuel sur mineures d’une telle importance, sur son île privée ou dans ses diverses propriétés, sans jamais être vraiment inquiété par la justice ? Et comment, finalement inculpé en Floride en 2008, a-t-il pu bénéficier d’un abandon des poursuites alors que des dizaines de victimes venaient témoigner contre lui pour viols ou agressions sexuelles ? Tout est étrange dans cette affaire, même son suicide, par étranglement à genoux dans sa cellule avec des surveillants endormis et des caméras de surveillance en panne !
« L’île de tous les vices » se présente comme une enquête de journalisme d’investigation bien menée, bien étayée et agréable à lire en se disant que la réalité dépasse souvent la fiction. Malgré un grand nombre de révélations obtenues par le témoignage de victimes ou de membres du personnel, un bon nombre de zones d’ombres subsistent. Bien des questions restent sans réponse. Qui était vraiment Epstein ? Un escroc à la Madoff ? (Quelques-uns l’accusent d’avoir détourné des fonds à son profit.) Un agent du Mossad ? (La question est abordée sans être vraiment traitée.) Un obsédé sexuel pédophile doublé d’un proxénète ? (Il aurait « essayé » un bon millier de gamines de moins de quinze ans dont son âme damnée Ghislaine Maxwell qui évolua ensuite en mère maquerelle.) Un maître-chanteur pour l’élite ? (Tous les ébats de ses « amis » étaient filmés par des caméras cachées un peu partout.) Le livre, honnête et passionnant par ailleurs, s’achève sur une note dubitative quand l’auteur avoue que ce monstre, responsable d’un des pires scandales de notre époque, a emmené dans sa tombe un grand nombre de ses secrets. Qu’il ait été « suicidé » pour ne pas dire « liquidé » n’est nullement invraisemblable. Quant à espérer que sa complice finisse par se mettre à table et à tout révéler, rien n’est moins sûr. L’élite se veut et se croit au-dessus des lois et de la morale. Et elle sait comment s’y maintenir !
4,5/5
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04/05/2023
La voie du retour à la nature (Masanobu Fukuoka)
Masanobu Fukuoka, le célèbre fermier philosophe japonais, nous propose dans cet ouvrage de réunifier Dieu, la nature et l’homme. Encore faut-il bien définir ce qu’est Dieu, ce qu’est la nature et ce qu’est l’homme. Si l’homme ne se sauve pas lui-même en s’efforçant d’arrêter d’abimer la nature, personne ne le fera à sa place… Fort du succès de son livre « La révolution d’un seul brin de paille », il donne des interviews, des conférences et est invité un peu partout. « C’est une chose merveilleuse d’être tout simplement vivant », dit-il dans l’une d’elles. Il visite les Etats-Unis deux fois autant sur la côte est que sur la côte ouest. Pour lui, la Californie est en passe de devenir un désert alors que le Japon qui jouit d’une exposition géographique et d’une roche-mère semblables, profite encore d’un climat tempéré et de quatre véritables saisons et ne redoute pas une élévation exponentielle des températures en raison d’une agriculture plus traditionnelle. Il voit les causes du phénomène dans l’élevage extensif des débuts qui a commencé par appauvrir les sols, puis dans la monoculture avec engrais chimiques et pesticides qui a achevé de les stériliser. Il constate ensuite des faits semblables en Europe où il rencontre un succès d’estime alors qu’il se déplace partout simplement vêtu de l’habit traditionnel du paysan japonais avec socques de bois aux pieds…
« La voie du retour à la nature » est un essai composé de nombreuses parties. On y trouve deux introductions une pour l’édition européenne et une autre pour la japonaise. En plus d’interviews et de compte-rendus de ses visites aux États-Unis, en Europe et en Afrique (où il tentera d’appliquer ses méthodes en Somalie), le lecteur trouvera des chapitres sur certains problèmes spécifiques comme la rouille des pins japonais en raison de la disparition d’un champignon mykhoryse indispensable à la survie de l’arbre, ou une présentation succincte de son procédé qui va bien au-delà du simple bio et même de la fameuse permaculture. Fukuoka ne laboure jamais. Il se contente de semer à la volée du trèfle, puis de l’orge, puis du riz et laisse la nature faire. Il est même persuadé qu’il est possible de venir à bout de la désertification et de la stérilisation des terrains en semant massivement pour que tout finisse peu à peu par reverdir. Cette agriculture naturelle est en fait un retour aux sources, un laisser-faire de la nature et un non-interventionnisme de l’homme. Il est persuadé que les méthodes modernes de culture sont particulièrement nocives et ne mèneront qu’à la catastrophe sous toutes les latitudes. Il n’a qu’un regret : ne pas avoir été suffisamment entendu, ne pas avoir vraiment eu de disciples. Il compare les attitudes des Occidentaux et celles des Japonais trouvant ceux-ci nettement moins coopératifs que ceux-là ! Livre intéressant surtout pour son aspect pratique plus que pour ses aspects philosophiques et ses développements très personnels sur Dieu, la nature et l’homme.
4/5
09:05 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
01/05/2023
Le mythe de la singularité (Jean-Gabriel Ganascia)
D’après Stephen Hawking, physicien et cosmologiste britannique de renom, les technologies de l’intelligence artificielle pourraient très vite devenir incontrôlables au point de mettre en péril l’avenir de l’humanité entière. D’autres savants réputés comme Max Tegmark et Franck Wilizek du MIT ainsi que Stuart Russell, spécialiste de l’IA à l’université américaine de Berkeley partagent cette inquiétude. L’IA pourrait même « conduire à l’extinction pure et simple de la race humaine. » Déjà aujourd’hui Big Data parvient à gérer des masses incroyables de données. Rien que le poids des Twitts échangés quotidiennement par les utilisateurs de Twitter se compte en téraoctets. Pour Facebook, il s’agit de 500 To par jour, soit l’équivalent en quantité d’informations de dizaines de Bibliothèques Nationales de France ! Et pour le web dans son ensemble, on compte qu’il a stocké environ 7 zettaoctets en 2015 et 7 milliards de téraoctets en 2020, soit la valeur de 1,5 milliards de fois le contenu de la dite BNF ! Jusqu’où cela va-t-il aller ? Un jour, les ordinateurs arriveront-ils à devenir autonomes, pourront-ils se passer de nous et agir jusqu’à dominer le monde à nos dépens ? Ils sont déjà presque partout. Dans l’avenir le seront-ils encore bien plus, jusqu’à s'immiscer sous notre peau et peut-être dans notre cerveau, nous transformant en homme-machine, en cyborg, en semi-robot capable de prouesses spectaculaires, mais sans âme ni conscience ?
« Le mythe de la singularité » est un essai scientifique sous-titré « Faut-il craindre l’intelligence artificielle ? », qui s’attaque à une question fondamentale, celle de l’avenir de l'humanité après la révolution informatique. L’auteur semble partir sur une recension assez exhaustive de tous les dangers d’un développement exponentiel de ces techniques avant de tenter de démontrer leur innocuité, sans y parvenir d’ailleurs. Et, finalement, de conclure sans conclure ! De sorte que, ayant achevé la lecture de cet ouvrage intéressant par ailleurs, le pauvre lecteur reste sur sa faim. L’étude de l’impact des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), sur les sociétés humaines, celui du déclin irréversible du pouvoir des états qui n’ont plus grand-chose de souverains et surtout l’histoire, le développement et les risques de la généralisation des crypto-monnaies, laissent énormément à désirer. Ces sujets étant beaucoup trop vite survolés. Au total, un livre ambitieux, un peu fourre-tout et qui reste trop souvent à la surface des choses. Donc finalement assez décevant, même si le lecteur y apprend pas mal de choses sur cette fameuse pseudo intelligence qui n’a peut-être pas que de bons côtés !
3,5/5
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