01/05/2024
20 initiatives qui font bouger la France (Jean-Louis Etienne & Gilles Vanderpooten)
Avez-vous déjà entendu parler de M2i Life Sciences, d’Acta Vista, de Divertimento, de Hemarina, de Qwant, de Rasodee-Mines Albi, du Micro des Ailes, des Espérances Banlieues, de Jolokia, de Simon de Cyrène ou des Reporters d’Espoirs ? Pas forcément. Pourtant, ce sont des initiatives innovantes, des projets originaux qui, à partir de rien ou de peu de choses, créent des richesses, des emplois ou de la solidarité, permettent d’ouvrir des voies nouvelles, de bâtir l’avenir et donc de faire bouger une France qui ne manque pas d’idées pour sortir du marasme, de la désindustrialisation, du chômage de masse et de la pauvreté. De nombreux domaines sont abordés : le « Made in France » avec SEB, Armor et les Jeans 1083, la transition écologique, le patrimoine culturel, la haute technologie avec un moteur de recherche français, un ver marin qui peut sauver des vies et des déchets dangereux enfin valorisés, sans oublier la démocratie active, la citoyenneté et la solidarité avec le collectif des SDF de Lille entre autres…
« Vingt initiatives qui font bouger la France » est un ouvrage d’enquête journalistique assez court et assez agréable à lire. Chaque domaine est introduit par un petit texte du docteur Jean-Louis Etienne, célèbre explorateur des pôles, qui sert un peu de fil rouge pour toutes les initiatives. Celles-ci sont présentées de façon un peu succincte en quelques pages se terminant toutes sur une adresse internet qui devrait permettre aux plus curieux de continuer à s’informer plus complètement sur le sujet. Certaines initiatives sont plus intéressantes ou inspirantes que d’autres. On découvrira par exemple l’adaptation que lança la firme SEB pour en finir avec l’obsolescence programmée. Enfin des appareils ménagers réparables facilement, ce qui nécessite la formation de personnels qualifiés, la mise à disposition d’un stock de pièces détachées, et la transformation de tout le processus de fabrication (qualité des composants et accessibilité pour d’éventuelles réparations). L’histoire de la redynamisation du petit village de Faux-la-Montagne est assez touchante et mérite à elle seule le détour. À lire pour sortir de la morosité et du pessimisme. Oui, on peut encore créer, innover et même faire des découvertes dans notre beau pays !
4/5
08:31 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
28/04/2024
Jardinage et potager facile pour débutants (Luc Bruyerre)
Réussir son jardin potager bio, l’entretenir mois après mois et être récompensé par la production de beaux et bons légumes est une entreprise aussi passionnante que gratifiante mais qui peut sembler pleine d’embûches pour le débutant. Mais un peu de courage, de soin et de patience peuvent assez facilement amener à la réussite à condition de respecter certaines règles : bien choisir l’exposition de son carré de potager (légumes et plantes ont besoin de 6 à 8 heures d’exposition au soleil chaque jour d’avril à octobre, donc attention à l’orientation et à l’ombre portée par la végétation alentour) ; disposer d’un sol de bonne qualité (40% de sable, 40% de limon et 20% d’argile, si ce n’est pas le cas, l’amender par des apports divers), avoir quelques bons outils (fourche bêche, binette, serfouette, grelinette, râteau, sécateur, etc), savoir quand, quoi et comment semer (rechercher les graines paysannes, les variétés anciennes et fuir les hybrides F1 non reproductibles), planter au bon moment, associer les cultures, faire des rotations, arroser intelligemment, gérer les attaques de parasites pour enfin finir par récolter et conserver…
Cet ouvrage qui se veut didactique et qui s’adresse en priorité à des débutants reste quand même assez technique, précis et de si grande qualité que même le jardinier confirmé pourra y trouver quantité d’utiles recommandations et de précieux conseils. On sent que l’auteur domine son sujet et a su parfaitement détailler la démarche en restant assez exhaustif et en évitant de survoler le sujet comme c’est souvent le cas dans ce genre d’ouvrage. Ce livre est une vraie boite à outils et à idées pour tous les jardiniers. Il est enrichi de nombreuses photos, dessins et illustrations. On notera aussi la présence de petits encarts présentant toutes sortes de trucs et astuces, comme avoir une idée du ph de son sol en observant la couleur des hortensias par exemple. Tout est bio avec une bonne dose de permaculture (travail des buttes, compostage, mulching, technique du mille feuilles). Mais on reste dans le simple et le compréhensible sans aller jusqu’à aborder les arcanes de l’influence de la lune, voire de la biodynamique. Le lecteur trouvera également en fin d’ouvrage de très utiles tableaux présentant les périodes de culture, le regroupement des légumes pour les rotations, les associations de légumes et les plages optimales de ph pour de nombreuses plantes. Au total, un livre à conseiller à tous, débutant comme averti, voire chevronné, vu que da ns ce domaine, on ne cesse jamais d’apprendre.
4,5/5
08:58 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
24/04/2024
Marche au désert (Antoine de Suremain)
Réalisateur d’une émission de découverte de la France à destination des enfants et aventurier bien connu des réseaux sociaux, Antoine de Suremain décide en octobre 2022 de se lancer un nouveau défi : parcourir à pied le chemin de Saint Guilhem, soit 240 km d’itinérance entre Aumont-Aubrac et Saint Guilhem-le-désert, en 9 étapes et en se nourrissant uniquement avec ce que peut lui offrir la nature. Il veut tenter en quelque sorte une expérience de retour à l’état de chasseur-cueilleur du paléolithique, mais sans la chasse. Il emmène juste un peu d’huile de sel et de vinaigre, histoire de compenser les pertes de sels minéraux causées par la transpiration et d’améliorer un peu son ordinaire de pissenlits, d’orties, de champignons et de châtaignes…
« Marche au désert » est un récit d’expédition très agréable et très rapide à lire. Ce carnet de bord de randonnée survivaliste ne comporte qu’environ 150 pages, toutes bien revigorantes. Il est complété par plusieurs annexes sur les coulisses du chemin, une sorte de « making of », expliquant les tenants et aboutissants de cette aventure, et donnant conseils et références pour ceux qui voudraient suivre l’exemple d’Antoine. L’ouvrage se termine par les interventions assez intéressantes également de trois autres marcheurs, Henri d’Anselme, randonneur des cathédrales et héros « au sac à dos » de la tuerie d’Annecy, Jean-Marie Miss, président des Amis du chemin de St Guilhem et Vianney Claveul, promoteur du glanage d’herbes, fruits et plantes sauvages. Ouvrage passionnant, plein d’humanité et de transcendance qui nous amener à réfléchir sur notre condition de consommateur compulsif et surtout à nous donner une furieuse envie de boucler le sac à dos, de mettre les chaussures de marche et de partir vers les grands espaces et l’aventure qui se trouve tout autant dans les Cévennes qu’au bout du monde.
4,5/5
08:19 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
21/04/2024
Quand le dormeur s'éveillera (H.G.Wells)
Isbister, jeune peintre en villégiature à Boscastle, part à pied faire le tour de la baie de Pentargen, quand, au détour d’un chemin, il rencontre un certain Graham qui lui raconte que depuis six jours et six nuits, il n’arrive plus du tout à dormir. Il en devient dépressif et pas très loin du suicide. Il ne veut pas prendre de somnifères. Il a beau s’épuiser à faire du sport, cela n’arrange rien. Il trouve même que l’exercice physique ne fait qu’aggraver les choses en ajoutant de la fatigue physique à la détresse morale. Il lui avoue également vivre en solitaire, sans femme ni enfants. Il s’en faut de peu qu’il ne se décide à sauter de la falaise pour en finir. Peu de temps après, il tombe dans une sorte de catalepsie et n’arrive plus à se réveiller cette fois. Il ne reprendra vraiment conscience que presque trois siècles plus tard dans un monde tout à fait différent, particulièrement étrange, en pleine révolution. La violence, la guerre et l’agitation règnent partout. Un des puissants, Ostrog, lui annonce qu’il est une sorte d’élu, que le peuple le révère et n’attend qu’un mot de lui. Il serait le « Maître » et possèderait une considérable fortune…
« Quand le dormeur s’éveillera » est un roman de science-fiction un brin fantastique datant de 1898, bien écrit et encore intéressant à lire même à notre époque. L’intrigue basée sur une plongée dans un monde troublé et quasi absurde après une interminable durée de sommeil est assez étonnante. La chute est surprenante quoique logique au bout du compte. Le lecteur sera surtout intéressé par les intuitions de Wells sur l’avenir de nos sociétés. Il a la prémonition de la montée des totalitarismes (nazisme, fascisme, communisme), de l’affaiblissement des religions et de la spiritualité au profit de l’individualisme, de l’hédonisme et du culte de l’argent-roi. Il sourira sans doute de l’émerveillement de Wells face aux premières machines volantes et s’étonnera sans doute de découvrir que celui-ci ne voyait d’autre avenir pour l’humanité que dans un gouvernement unique au niveau mondial. À noter de nombreuses réflexions sur la sottise des masses, leur incapacité à s’organiser vraiment, leur propension à se laisser mener, berner, manipuler par des leaders pas forcément recommandables. Mérite le détour bien que ce ne soit pas et de loin le meilleur opus de Wells.
3/5
08:33 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
13/04/2024
Un peu d'air frais (George Orwell)
Années 30 en Grande-Bretagne : le bon gros George Bowling, affligé de fort mauvaises dents, vient de se voir doté d’un beau dentier qui lui change la vie. Le bonhomme mène une vie tranquille et bien rangée. Il travaille comme représentant d’une société d’assurances, « la Salamandre Volante ». Son épouse Hilda, qu’il trompe d’ailleurs assez régulièrement, se dessèche sur tige en se souciant trop de choses insignifiantes comme l’augmentation du prix du beurre. Et c’est tout juste s’il supporte la présence encombrante de ses deux enfants Billy 7 ans et Lorna 11 ans. Il se souvient de sa propre enfance, quelques années avant la première guerre mondiale. Quand celle-ci éclate, il est incorporé dans l’armée et se retrouve vite sur le front, dans l’enfer des tranchées. Une blessure assez légère lui permet d’échapper à la mort. En effet, quand il sort de l’hôpital, il se retrouve affecté à surveiller un dépôt de réserve de nourriture, comme oublié dans un coin perdu de la côte sud de l’Angleterre. Il y restera à bouquiner jusqu’à l’armistice. Pour l’heure, il souhaite s’octroyer une petite semaine de vacances pour retourner seul dans la ville de son enfance où il n’a pas mis les pieds depuis au moins 20 ans…
« Un peu d’air frais » est un roman naturaliste et social retraçant une partie de la vie d’un anti-héros, personnage relativement sympathique en dépit de ses nombreux défauts (lâcheté, égoïsme entre autres). Par certains aspects, il pourrait même être un lointain avatar de l’auteur qui eut une vie bien différente d’ailleurs. Avec cette histoire simple et un brin nostalgique, le lecteur se retrouve assez loin de l’univers oppressant de totalitarisme de « 1984 » et pourtant… Orwell y analyse très finement les problématiques sociales de l’époque comme le drame des petits boutiquiers condamnés à disparaître avec l’arrivée de pimpants magasins à succursales multiples, ou comme la propagande de guerre qui fit imaginer comme fraiche, juste, courte et joyeuse une guerre qui ne fut qu’une horrible, monstrueuse et interminable boucherie. Survivant de ce suicide collectif, le héros en devient imperméable aux arguments bellicistes d’un jeune conférencier alertant contre le danger représenté par la montée en puissance d’un certain chancelier allemand. Livre très bien écrit. Très agréable à lire et très intéressant d’un point de vue historique et social, car très objectif sur la réalité de la « Belle époque » dans la classe des petites gens honnêtes. Une plongée dans un monde disparu.
4,5/5
08:16 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
08/04/2024
Oh vous savez (Ludovic Salmon)
Kevin a trompé sa petite amie Elsa à trois reprises. Très fâchée, celle-ci se sépare de lui sur le champ… Les Lovers 2000 sont une catégorie assez particulière d’androïdes. Prévus comme partenaires de sexe ou comme simple personnels de compagnie, ils sont si proches de leurs modèles humains qu’ils en arrivent à éprouver des sentiments et à s’attacher à leurs maîtres au point que ceux-ci les renvoient à l’expéditeur en demandant un échange standard pour un modèle moins sophistiqué. Abandonné dans la nature, l’un d’eux décide un jour de quitter la forêt où il a trouvé refuge en compagnie de quelques autres et de marcher droit devant lui. Il se retrouve dans sa ville d’origine, sous les fenêtres de Kevin, lequel est en train de jeter dans la rue le pendentif préféré d’Elsa…
« Oh vous savez » relève de la science-fiction parodique, foutraque voire déjantée. Le lecteur y trouvera une femme téléportée sur une autre planète, un garagiste rock-star surnommé « Cheval Fougueux » célèbre dans toute la galaxie, excepté sur Terre, un pilote de fusées de courses qui se crashe un peu trop fréquemment et même un banc misanthrope qui parle tout seul. En gros, une histoire sans queue ni tête, sans doute un peu trop écrite au fil de la plume. Bien qu’amusante et facile à lire en raison de nombreux dialogues, cette histoire aurait mérité de bénéficier d’une intrigue plus étoffée. Le plaisir du lecteur reste aussi un peu gâché par un style lourd, assez répétitif (« frapper un sac de frappe »), verbeux à force de vouloir être trop précis (« Il l’attrapa par un de ses bras et la retourna d’un geste brusque pour qu’elle lui fasse face ») et entaché de nombreuses approximations langagières et d’autant de pléonasmes (« voyageur non conducteur »), sans oublier l’omniprésence un brin agaçante du narrateur qui interpelle le lecteur pour lui raconter qu’il va boire un café. On sent que Ludovic Salmon a dû apprécier les films des Monthy Pythons et lire les grands spécialistes anglo-saxons de la fantaisie délirante et de la SF barrée. Mais n’est pas Pratchett, Adams ou Gaiman qui veut. Un premier petit roman bien sympathique, sans nul doute. C’est donc prometteur, mais l’élève va devoir pas mal bosser pour arriver à la cheville des maîtres !
3/5
08:37 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
31/03/2024
Sur la douleur (Ernst Jünger)
Qu’est-ce que la douleur, la peine, la souffrance ? De sa naissance à sa mort, la vie de l’homme n’en est-elle qu’une longue suite, parfois interrompue de courtes et passagères périodes de répit ? La noblesse de la condition humaine n’est-elle pas de supporter vaillamment la douleur, de surmonter les épreuves, de faire preuve de courage, de patience et d’abnégation ? La vie moderne n’a-t-elle pas tenté de masquer la douleur, de la rendre moins prégnante, plus supportable, tout en niant en contrepartie à l’homme toute identité individuelle, toute singularité et toute liberté. Comme patient entre les mains de chirurgiens et d’anesthésistes, le voilà devenu tel un morceau de viande. Comme élément d’un régime totalitaire, il ne peut plus penser que comme le veut la ligne générale. Et comme soldat, il ne peut qu’aller au combat et donc à la mort qu’en marchant au pas, sans renâcler, n’étant plus qu’un rouage d’une machine de guerre lancée par les puissants contre des ennemis qu’il ne connait même pas.
« Sur la douleur » est un court essai philosophique et politique du grand écrivain allemand Ernst Jünger. Contrairement à nombre de ses autres ouvrages, ce texte reste un peu aride d’abord, même si les considérations présentées, déjà évidentes pour son époque, le sont encore plus pour la nôtre. Le lecteur y découvrira comment les concepts de douleur, de liberté et de tyrannie sont étroitement liés. À titre d’illustration, Jünger s’élève contre la création du permis de conduire, instauré pour lutter contre la mortalité routière. Déjà le fameux principe de précaution. Que ne dirait-il pas du permis à points et de l’installation de ces milliers de radars sur les routes ? Jünger a une vision héroïque du monde ainsi qu’une conception originale, volontariste et intellectualiste de l’homme. Le lecteur s’entend dire : « Dis-moi quel est ton rapport à la douleur et je te dirai qui tu es. » Intéressant sans plus.
3/5
08:16 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
28/03/2024
Demain les barbares (Franck Poupart)
À la fin du premier quart du XXIᵉ siècle, la France, qui doit assumer une dette s’élevant à 400% de son PIB, se retrouve contrainte par le FMI d’appliquer un plan de rigueur drastique appelé « Lois temporaires de sauvegarde nationale ». Ce plan comporte des licenciements massifs dans la fonction publique, une hausse drastique de la fiscalité, une suppression de toutes les aides sociales, une privatisation de l’assurance maladie et un gel des salaires et des retraites. Les riches se réfugient dans des zones sécurisées comme l’hypercentre de la capitale alors que les pauvres sont abandonnés à leur triste sort dans les périphéries. Et quand l’Etat ne fut plus en mesure de verser les salaires des policiers ni les soldes des militaires, ce fut l’explosion. Des zones entières déjà sous influence islamique firent sécession. Des milices para-militaires se créèrent pour tenter de récupérer ces territoires perdus de la République. Et en 2028, l’Union Européenne n’existe plus. Deux flics, Alex et Lucas patrouillent encore un peu dans les rues de Paris. Juste devant eux une voiture piégée explose. En même temps, une brasserie est mitraillée rue de Lappe, une école juive est prise pour cible. Une trentaine d’enfants y trouvent la mort. Et un fou d’Allah kamikaze déclenche sa ceinture d’explosifs devant le musée d’Orsay. Ainsi débute une guerre civile ethnique dont personne ne peut imaginer la fin…
« Demain les barbares » est un roman d’anticipation dystopique dans lequel l’auteur a basé toute son intrigue sur les conséquences prévisibles de réalités qui existent déjà. Il a continué de tracer les lignes de force d’une tendance et poussé à l’extrême la logique tout ce que nous vivons ou avons déjà vécu (Charlie-Hebdo, Bataclan, Stade de France, égorgements de prêtres ou de profs, attentat de Nice, etc.) Les tueries, les viols, les tortures, les actes de barbarie en tous genres (émasculations) se succèdent dans cette histoire qui fait froid dans le dos. Toutes ces horreurs, que l’on déconseillera aux âmes sensibles et à tous ceux qui vivent dans le déni de réalité, alternent avec de nombreuses scènes de sexe particulièrement torrides. Les personnages sont assez stéréotypés, tel ce président de la république déchu portant le nom de « François », pleutre, incapable et trouillard qui semble la simple démarque d’un certain autre. Le style de l’auteur est assez vivant malgré quelques approximations langagières et une tendance à abuser des pronoms personnels, ce qui oblige le lecteur à deviner de qui l’on parle et parfois d’y arriver à grand peine. Si les katibas islamistes sont décrites de manière assez réaliste et vraisemblable (simple reprise de l’actualité), leur pendant « Rempart » avec leur leader charismatique Cyrus Rochebin, sorte de cocktail 2/3 Soral, 1/3 Zemmour, relève de la fiction la plus totale. Ce mouvement est aussi caricatural qu’improbable, même s’il s’appelle « Renaissance et Partage » (cf « Egalité et Réconciliation »). En lisant cet opus, on peut même se dire que le futur sera sans doute pire que ce que l’auteur nous raconte. Pour qu’il y ait guerre civile, il faut deux factions en présence, sinon il s’agit plutôt d’une épuration ethnique, d’un génocide. Et l’histoire du monde est déjà pleine d’invasions, de tueries et d’appropriations indues de territoires. Et ça peut ne pas arriver qu’aux autres. Glaçant, mais donnant à réfléchir sur notre destin.
3,5/5
08:10 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
23/03/2024
Les nouvelles aventures du brave soldat Chvéïk (Jaroslav Hasek)
Au cours d’un voyage en train en compagnie de son lieutenant, le brave soldat Chvéïk fait une remarque déplacée sur le crâne chauve d’un autre voyageur du compartiment qui s’avère être leur général en tournée d’inspection. Placé dans le couloir dans l’attente de sa sanction, il tire presque sans le vouloir sur la sonnette d’alarme. Le train s’arrête immédiatement. L’étourdi encourt une amende de 200 couronnes. Il n’en a pas la moindre. Le contrôleur le fait descendre à la gare suivante. Un brave homme paie l’amende à sa place et lui fait la charité d’un petit billet pour payer son train. Mais le soldat préfère aller déjeuner et tout dépenser en boisson au café de la gare en compagnie d’un soldat hongrois de passage. Et le voilà bientôt embarqué au poste par une patrouille de la police militaire qui l’a surpris sans le moindre papier sur lui. Et sa situation empire peu à peu. Le lieutenant qui l’a arrêté le soupçonne aussi d’espionnage au profit de l’ennemi…
« Les nouvelles aventures du brave soldat Chvéïk » est le deuxième tome de la trilogie de ces aventures humoristiques datant du début de l’autre siècle. Journaliste anarchiste un brin alcoolique, Hasek a voulu proposer au lecteur une caricature de la vie militaire, une satire, une parodie désopilante et au bout du compte une démonstration de l’absurdité de la guerre qui broie les petits pour le plus grand bénéfice des puissants qui n’y vont jamais bien entendu. Le personnage du héros est celui d’un niais, d’un candide, d’une sorte d’idiot du village, très respectueux de son lieutenant, cherchant toujours à bien faire, mais accumulant les gaffes et bévues au point d’attirer toutes les catastrophes sur sa petite personne. Mais les pires situations finissent toujours par se retourner et Chvéïk s’en tire toujours sans trop de casse. Le style est très agréable à lire et très vivant sans doute grâce à une grande abondance de dialogues bien enlevés. Le lecteur y découvrira également l’antipathie réciproque des Tchèques et des Hongrois qui se retrouvent à devoir ensemble se battre sous le drapeau autrichien contre les Russes et en arrivent parfois à se tirer dessus ! Une armée de Bourbaki, une palanquée d’ivrognes et de toquards commandés par des officiers crétins et bornés qui ne redoutent qu’une chose, être amenés sur le front. Heureusement pour eux, les chemins de fer sont si mal organisés qu’ils pourront se retrouver à l’autre bout du pays après avoir attendu leur train des jours entiers en gare. Désopilant. À ne pas manquer !
4,5/5
08:20 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
18/03/2024
Extension du domaine du capital (Jean-Claude Michéa)
Depuis près de trois siècles, le capitalisme ne fait que croître et prospérer en dépit de toutes ses crises et de tous ses krachs. Il se retrouve comme condamné à s’accroître dans tous les domaines de la vie et à se développer jusqu’au bout du monde, faute de quoi il serait condamné à périr. Mais cette fuite en avant perpétuelle, cette expansion continue, l’amenant à monter ces pyramides de Ponzi que sont ces bulles spéculatives de richesses virtuelles représentant plusieurs fois le total des PIB mondiaux ne peut l’amener qu’à devenir de plus en plus totalitaire de plus en plus intrusif au point d’en arriver à réguler progressivement toutes les sphères de l’existence humaine. L’espace réservé à la démocratie se réduit comme peau de chagrin tout comme celui des libertés individuelles (liberté d’expression, de se soigner comme bon vous semble et même de faire pousser quelques légumes dans un petit potager familial…) Cette fuite en avant démentielle n’a aucune chance de déboucher sur un quelconque avenir radieux pour les populations (excepté les 0,1% d’ultra-riches et des 10 ou 20% de classes moyennes supérieures CSP++ métropolitains), si un grain de sable ne vient pas enrayer cette machine devenue folle (wokisme, transhumanisme et autres genrismes intersectionnels). « La catastrophe, c’est lorsque les choses suivent leur cours », (dixit Walter Benjamin)…
« Extension du domaine du capital » est un essai de sociologie politique basé sur deux interviews données par l’auteur à des publications locales, complétées par une trentaine d’articles. Sur divers aspects du problème La particularité de la présentation des idées de Michéa vient surtout des notes et des notes de notes. Ainsi, un article d’une page sur un thème peut-il donner lieu à plusieurs pages de notes et de renvois à toutes sortes d’ouvrages d’autres auteurs. Il faut une bonne dose de constance pour ne pas trop se perdre dans cet étrange labyrinthe intellectuel. La condamnation du capitalisme devenu « néo-libéralisme », sa forme la plus « chimiquement pure », autant dire la plus sauvage et la plus inhumaine, n’épargnant ni les hommes ni la nature, est totale et sans appel. Michéa en bon penseur de gauche appuie sa démonstration sur Marx, Engels, Mauss et une kyrielle d’autres. Il fait aussi beaucoup référence à Orwell qui ne fit pas que critiquer le stalinisme. S’étant réfugié il y a quelques années dans un petit village des Landes à 10 km de la première boulangerie et à 20 du dernier médecin de campagne, Michéa a pu toucher du doigt la réalité de la France périphérique de Guilluy sans se comporter en prêcheur ou en colon, mais avec le désir de s’intégrer en respectant les us et coutumes du coin. Ses traits les plus aigus sont d’ailleurs réservés à la gauche post-mitterrandienne qui a abandonné le social au profit du sociétal et qui est ainsi devenue une alliée objective du capitalisme qui mène une sorte de révolution permanente. Aymeric Caron, Sandrine Rousseau et quelques autres écolo-bobos médiatisés en prennent d’ailleurs pour leur grade. Mais si le constat de faillite est pertinent et difficilement discutable, le lecteur reste sur sa faim sur la conduite à tenir pour sortir de ce piège.
3,5/5
08:53 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)