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08/02/2024

Deux enfants tristes (Charles Exbrayat)

Deux enfants tristes.jpgEn juin 1922, à Beltonville, petite cité pourrie du New Hampshire, cohabitent un maire corrompu, Red Torphins, et une forte communauté italienne tenue de main de fer par Salvatore Busselo, parrain de la mafia locale, assisté de son « capo », Guilio Alcamo. Mais Bruce, le fils du maire, a séduit et engrossé Gelsomina, fille d’un très modeste cordonnier italien, lequel vient demander réparation au maire qui le renvoie illico comme un malpropre. Pourtant Bruce est prêt à se marier avec Gelsomina, mais son père, ne voulant pas entendre parler de la moindre mésalliance, l’éloigne en l’envoyant étudier à Harvard. Comme le parrain ne veut pas non plus se mêler de cette affaire, histoire de garder de bonnes relations avec le maire, le cordonnier s’énerve et menace de faire justice lui-même, ce qui lui fait perdre tout appui mafieux. Craignant pour sa réélection si ce scandale est étalé sur la place publique, Torphins a alors les mains libres. Il décide de faire liquider le bonhomme et sa fille. Mais les quatre tueurs, hommes de main de la police locale, arrivant dans la famille en pleine célébration d’anniversaire, font un véritable carnage en laissant la bagatelle de huit morts sur le carreau. Seuls, deux jumeaux âgés d’une dizaine d’années échappent à ce massacre. Ils sont récupérés par un ami de la famille qui les cachent dans une autre ville. Mais dix années plus tard, les voilà qui réapparaissent à Beltonville…

« Deux enfants tristes » est un roman policier de bonne facture tel qu’on en produisait dans les années 70 de l’autre siècle. En fait, c’est plutôt un roman noir ou un thriller, tant les morts sont nombreux. C’est même une sorte de fable ou de parabole sur la justice immanente, le fait que la vengeance se mange froide et que nos actes nous suivent toujours. Les deux enfants témoins de l’horreur ont été tellement traumatisés par ce qu’ils ont vu qu’ils n’ont survécu et grandi que pour pouvoir assister à la manifestation d’une justice divine qu’ils appellent de tous leurs vœux. Et il est étonnant pour le lecteur de voir que leur seule apparition dans la petite ville suffit à déclencher un processus d’auto-destruction des méchants qui finissent tous soit par s’entretuer, soit par devenir fous, soit par être enfin mis en taule par la police fédérale. Un ouvrage agréable, divertissant, facile à lire et qui n’a pas pris une ride en raison de la qualité du style d’Exbrayat, auteur prolifique et à grand succès, sans oublier l’intemporalité du thème. Que demander de plus ?

4,5/5

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03/02/2024

L'entraide, un facteur d'évolution (Pierre Kropotkine)

L'entraide un facteur de l'évolution.jpgAu cours de ses voyages en Sibérie, Pierre Kropotkine a pu observer de nombreuses situations d’entraide chez toutes sortes d’animaux confrontés aux rigueurs d’un climat extrême qui ne leur permettrait pas de survivre sans elle. Il se demande s’il n’en est pas de même chez les humains et également si l’entraide n’a pas été déterminante dans le processus d’évolution de nos sociétés. Ces impitoyables luttes pour la vie, constatées chez les animaux, ou même ces luttes de chaque « sauvage » contre tous les autres puis de chaque être « civilisé » contre tous les autres ne sont-elles pas compensées, transcendées par une solidarité et une entraide généralisée ? Le monde moderne ne reposerait-il que sur le « chacun pour soi et l’Etat pour tous » ? À l’occasion de migrations, de défense naturelle ou de chasse, très rares sont les espèces qui ne la pratiquent pas. L’auteur poursuit son étude avec les peuplades primitives de la Préhistoire et d’endroits reculés de la planète. Bien avant la famille mono-nucléaire, la tribu, la bande furent les toutes premières formes de vie sociale la pratiquant systématiquement pour survivre. Puis il étudie toutes les périodes historiques jusqu’à nos jours pour voir comment ce phénomène a évolué…

« L’entraide, un facteur d’évolution » est un essai sociologique et historique passionnant, paru d’abord sous forme d’une suite d’articles dans un journal britannique « 19th Century ». Très bien écrit et parfaitement documenté (nombreuses notes et appendices en fin d’ouvrage), il n’a pas pris une ride en dépit de son grand âge (1906). L’étude s’achève avant la révolution bolchévique sur le constat que le monde moderne (enfin celui de l’époque) a réduit comme peau de chagrin la solidarité et l’entraide, même s’il en trouve encore quelques traces avec les syndicats ouvriers ou les associations diverses et variées (type loi 1901). Principe de base de toute société humaine, l’entraide qui était vitale et systématique chez les tribus primitives a donné naissance aux communautés villageoises et aux villes libres qui ne dépendaient que d’elles-mêmes, organisaient leurs échanges, leur commerce, leur justice et disposaient même de terres en propriété collective. Il constate le début de la fin vers les XIVe et XVe siècle quand les paysans, un peu négligés par les bourgeois des villes, pensèrent trouver aide et protection auprès de seigneurs ou de prélats qui profitèrent de la situation pour commencer à s’enrichir en privatisant d’importantes portions du territoire. La Révolution de 1789 acheva le processus en interdisant les guildes, les corporations et toute forme de regroupement en dehors d’elle-même (Loi Le Chapelier). Toutes les Jacqueries, révoltes, mouvements populaires et même la Réforme protestante ne furent que des tentatives pour revenir au principe de solidarité d’antan. Le lecteur termine sa lecture en se demandant ce que le prince Kropotkine, idéaliste et grand inspirateur de l’anarchisme, pourrait dire aujourd’hui de notre société atomisée, où le citoyen ne connait pas son voisin de palier mais attend tout de l’Etat-Providence.

4/5

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31/01/2024

Olympus, Texas (Stacey Swann)

Olympus, Texas.jpgDans la petite ville d’Olympus, coin perdu du Texas profond, vivent June et Peter, couple dans la quarantaine et parents de trois enfants « officiels », plus quelques « bâtards » issus des frasques extra-conjugales de Peter, agent immobilier plutôt prospère. Un matin, Hayden, le frère de Peter, l’appelle pour lui annoncer que March, leur benjamin, est de retour en ville après deux années d’exil sans donner la moindre nouvelle. Il souhaite venir déjeuner chez ses parents dans l’espoir de renouer avec eux. Mais son frère aîné, Hap, lui en veut toujours autant d’avoir osé coucher avec son épouse, Véra. Alors qu’il les imaginait séparés ou divorcés, March découvre qu’Hap et Véra vivent toujours ensemble et qu’ils ont même eu un enfant… Et quand March se présente chez ses parents, sa mère le reçoit très froidement. Puis Hap surgit, s’empare d’une masse, commence à démolir le 4X4 de March avant de lui casser la figure. Le retour du fils prodigue s’annonce plus difficile qu’il ne l’imaginait et ce n’est que le tout début de tous les ennuis qui attendent la famille…

« Olympus, Texas » se présente comme un drame familial et non une saga vu que la situation empire assez rapidement pour se dénouer en l’espace de moins d’une semaine, du vendredi au jeudi suivant. Rien ne va plus dans cette famille texane de la classe moyenne. Tromperies et trahisons ont été nombreuses, les rancœurs se sont exacerbées et pour ne rien arranger un accident de chasse dont on ne révélera pas les tenants et aboutissants pour ne pas trop déflorer l’intrigue amène à une situation paroxystique qui va faire rien moins qu’imploser toute la famille Briscoe. La plume de Stacey Swann, qui signe ici un premier roman d’excellente facture, est alerte et agréable, même si elle se révèle descriptive et un brin minutieuse voire méticuleuse à certains moments. Les personnages sont attachants même si les situations ne sont pas particulièrement originales, l’accumulation des péripéties maintenant l’intérêt du début à la fin. Le lecteur aura l’impression de découvrir l’œuvre d’une émule du talentueux Richard Russo (« La chute de l’Empire Whiting » et « Quatre saisons à Mowhawk », entre autres). Il appréciera la finesse des analyses psychologiques et sentimentales, mais cherchera en vain, l’humour, la malice et la causticité promises sur la 4ᵉ de couverture. En prime, plusieurs citations du poète Ovide, auteur des « Amours » et de « l'Art d’aimer », car on l’aura compris, toute cette histoire repose sur l’amour, mais aussi sur le désamour, l’infidélité et la haine. Une bonne surprise de voir cette forme de « naturalisme » américain toujours bien vivant…

4,5/5

08:24 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)

29/01/2024

Jakob Frank, le faux messie (Charles Novak)

Jacob Franck, le faux messie.jpgQui fut vraiment Jacob Frank, l’initiateur du mouvement frankiste ? L’historien Heinrich Graetz (1817-1891) le qualifie de menteur, d’imposteur et de traitre et son mouvement de plus « nauséabond de toute l’histoire juive ». Le frankisme aurait fait du tort aux Juifs et même empêché leur émancipation. Gershom Sholem considère ses disciples comme des hérétiques qui ne s’intéressent qu’au côté obscur du judaïsme, la Kabbale. « C’est en violant la Torah qu’on l’accomplit », proclamait en effet Frank. Né en 1726 à Korolowka en Podolie, Frank voyage beaucoup. Sa famille s’installe d’abord en Bucovine, puis à Bucarest, à Smyrne et à Salonique. Frank a une vision de Sabbataï Svi, son grand inspirateur, Juif converti à l’Islam et fondateur des Dönmehs turcs, qui lui donne son prénom de Jacob. Il a ensuite une seconde vision, celle d’Elie et de Jésus qui lui ordonne de rentrer en Pologne. Il se déclare alors « Messie », commence à prêcher et à être suivi par de nombreux disciples. On dit qu’il aurait fait des miracles. Il annonce être venu pour « abolir toutes les lois et les religions et apporter la vie au monde et ainsi faire arriver la fin des temps, lorsque la société sera totalement dépravée. » La rédemption devra passer par le péché, le chaos et la destruction d'Edom. (Rome) « Je ne suis pas venu pour élever, je suis venu pour tout détruire », proclame-t-il.

« Jacob Frank, le faux Messie », se situe aux limites de l’essai historique et de la biographie. Ce volet de l’ouvrage laisse d’ailleurs assez à désirer. Le lecteur aurait aimé en apprendre nettement plus sur ce personnage vraiment hors du commun qui, pour mieux assumer son judaïsme, rejette toutes les obligations de la Torah, applique certains aspects sombres de la Kabbale au pied de la lettre, se convertit à l’Islam et organise des orgies sexuelles pour sauver les âmes. Ses adeptes se convertiront en masse au christianisme pour mieux accomplir une judéité intégrale. Ils seront protégés par les dignitaires religieux et les puissants et très souvent anoblis avant de s’enrichir assez rapidement et atteindre des postes clés. Toute la première partie du livre développe toutes sortes de thèses sur la déviance de la Kabbale et sur les théories du complot qui accompagnent ce mouvement, sans trancher dans un sens ou un autre, même si l’auteur semble assez compréhensif envers le frankisme. Le versant historique également aurait mérité de plus amples développements. Le lecteur reste sur sa faim en ce qui concerne la participation des Frankistes à la Révolution française, des diverses tentatives de sauver la famille royale, du rôle des Francs-Maçons et des Illuminatis et également de celui de Meyer Amshel Rothschild qui est présenté comme franc-maçon et financier de la secte. Juste deux phrases sur ce personnage-clé, difficile d’être plus discret. On aurait aussi aimé en apprendre plus sur les répercussions actuelles du mouvement. Mais là, rien. Au total, un ouvrage assez décevant, l’auteur ayant sans doute voulu trop étreindre sans choquer personne. Dommage.

2,5/5

09:05 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)

23/01/2024

La mafia d'Etat (Vincent Jauvert)

La mafia d'état.jpg« L’État a ses chasses gardées, ses réseaux occultes qui évoquent facilement une mafia », écrivait il y a près d’un demi-siècle Pierre Viansson-Ponté. On peut à juste titre se demander si cette situation de copinage et d’entre soi particulièrement malsaine ne serait pas pire aujourd’hui qu’hier. Cette mafia de grands commis de l’Etat, de hauts fonctionnaires et d’hommes politiques de haut niveau représente une caste de dignitaires hors sol qui ne songe qu’à défendre ses intérêts particuliers en se cooptant et en s’entraidant dans le but d’accroître pouvoir et revenus. Au fil de cet ouvrage, le lecteur découvrira nombre de grands commis de l’Etat qui bénéficient de retraites-chapeaux dépassant parfois le million d’euros par an… Des personnalités politiques qui jouissent de jetons de présence dans de grands groupes pouvant atteindre jusqu’à 250 000 € par an ; Des conseillers d’Etat, des inspecteurs des finances, des membres de la Cour des Comptes qui peuvent profiter d’émoluments pouvant atteindre 30 000 € par mois. Un seul exemple : Jean-Dominique Comolli privatise la Seita, ferme de nombreuses usines, fait perdre plus de 3000 emplois, fusionne ensuite avec les Tabaccaleras espagnoles tout en restant à son poste de président. Et quand le consortium est racheté par les Anglais, Comolli est recyclé chez Engie en dépit de sa gestion catastrophique contre l’avis d’Arnaud Montebourg alors ministre, puis chez Air France par la grâce d’Emmanuel Macron…

« La mafia d’État », troisième volet d’une trilogie (après « Les Intouchables », et « Les Voraces ») est une enquête d’investigation journalistique basée sur les témoignages de nombreuses personnalités et sur les chiffres officiels qui ne sont d’ailleurs disponibles que depuis peu (présidence Hollande) et ne concernent que le patrimoine des politiques, mais pas encore celui des hauts fonctionnaires. Le lecteur y découvrira tout un petit monde sélectionné dès les grandes écoles (ENA, Polytechnique, Sciences Po, Mines, Ponts et chaussées, etc.) qui investit les grands corps de l’Etat avec des salaires déjà très conséquents, se lance ensuite dans la carrière politique sans jamais démissionner, se recycle dans le monde des affaires et ne cesse de pratiquer nombre d’aller et retour entre ces trois univers. Ainsi a-t-on vu récemment un ancien premier ministre, Edouard Philippe, immédiatement recyclé chez Atos et son successeur Jean Castex en faire de même à la direction de la RATP. La liste est longue de ces profiteurs et pantouflards émargeant la plupart du temps dans la fourchette des 200 000 € par an. Quelques noms rencontrés au fil des pages de cet ouvrage : Guillaume Pépy, Florence Parly, Louis Schweitzer, Anne-Marie Idrac, Nicolas Bazire, Jean-Pierre Jouyet, Muriel Pénicaud, parmi des dizaines d’autres. En lisant cet ouvrage salutaire mais un peu déprimant quand même, on comprend pourquoi tous ces gens se retrouvent si loin du peuple, du réel et des difficultés quotidiennes des gens. Ces privilégiés, ces petits marquis de la République en rappellent étrangement d’autres. Subiront-ils le même sort ? On peut en douter. L’auteur conclut d’ailleurs par cette phrase quelque peu désabusée : « La mafia d’Etat, peut-être affaiblie par ces réformes, a donc encore de beaux jours devant elle. »

4/5

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18/01/2024

De la société pharmaco-punitive au crédit social (Alexis Haupt)

De la société pharmaco-punitive.jpgUn pays où la population se méfie de ses médias et redoute la police n’est plus vraiment une démocratie. Les journalistes devraient avoir pour mission d’informer objectivement le peuple et non d’être de simples vecteurs d’une pensée unique virant à la propagande gouvernementale. La police devrait servir et protéger la population et certainement pas se comporter en garde prétorienne du pouvoir. Certains objecteront que nous sommes quand même en démocratie, car nous glissons de temps en temps un bulletin dans une urne. L’ennui, c’est que nous votons pour désigner des représentants, mais que nous n’avons aucun moyen de contrôle sur leurs décisions. Si celles-ci sont mauvaises et même contraires aux souhaits ou intérêts de la majorité comme on a pu s’en rendre compte tout au long de ces dernières années, elles passent quand même quitte à abuser d’un certain article dispensant le pouvoir de l’aval du parlement. Ainsi de reculs de la représentativité en grignotages des libertés fondamentales, glisse-t-on insensiblement dans une pure et simple tyrannie. Et le pire, c’est que beaucoup de gens n’en ont même pas conscience. « Elire des représentants sans pouvoir les révoquer revient à avoir le simple droit d’élire des maîtres », note Haupt.

« De la société pharmaco-punitive au crédit social » est un essai philosophique, politique et social de belle qualité, bien écrit sous forme de courtes démonstrations ou articles bien écrits qui peuvent se lire en diagonale. Et comme ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, tous plutôt convaincants les uns que les autres. Pour étayer ses démonstrations, Alexis Haupt se réfère entre autres à la sinistre expérience de Milgram sur la soumission à l’autorité ainsi qu’à l’œuvre de La Boétie qui avait déjà démonté le mécanisme de la servitude volontaire au temps de la Renaissance. Il est remarquable de constater qu’à plusieurs siècles de distance, les réactions des gens n’ont guère évolué sur ce plan. La tyrannie, sans doute plus « soft » (l’auteur la qualifie de « rose »), plus pernicieuse et encore plus efficace grâce au matraquage des médias, est toujours présente et l’esclave ne veut toujours pas reconnaître son état de servitude. Il la nie, il la réclame, il s’y complait parfois. Le lecteur remarquera qu’Alexis Haupt reprend aussi à son compte la brillante démonstration d’Etienne Chouard qui prouve la réalité du simulacre de démocratie dans lequel nous nous trouvons et promeut le référendum d’initiative citoyenne ainsi que les assemblées constituantes. Espérons que cet essai qui se lit comme un roman permettra à Alexis Haupt de toucher un plus grand public que celui de X Twitter où il diffuse des analyses nettement plus pertinentes que celles de nos pseudo-philosophes et vrais propagandistes plastronnant sur les plateaux télé pour diffuser leur pensée unique…

4,5/5

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14/01/2024

La contre-histoire de Michel Onfray (Jonathan Sturel)

La contre-histoire de Michel Onfray.jpgPersonnage incontournable de la scène médiatique, auteur prolifique d’une bonne soixantaine d’ouvrages de compilations philosophiques plus ou moins digestes, qui est réellement Michel Onfray, ex-prof de lycée technique à Argentan, aujourd’hui philosophe de plateaux, penseur de gauche reconnu avant de dériver vers la droite voire une certaine forme de populisme ? Est-il vraiment le rebelle anti-système, le révolutionnaire qu’il s’imagine ? Avec ses convictions fluctuantes, ses prises de positions contradictoires et son athéisme rabique, il est pourtant un très bon client des médias qui se servent de lui comme représentant d’une opposition contrôlée pour ne pas dire instrumentalisée voire muselée. En retour, ceux-ci assurent la promotion de ses livres qui se vendent bien grâce à cette exposition exceptionnelle et lui assurent des revenus conséquents. Ne serait-il en fait qu’un simple rouage d’un mécanisme de propagande parfaitement au point. Il n’y a sans doute que lui et les naïfs pour s’imaginer qu’il puisse représenter la moindre menace pour l’ordre établi…

« La contre-histoire de Michel Onfray » est un essai critique qui parvient très aisément à démontrer l’imposture que représente ce genre de personnage qui sous des apparences trompeuses du rebelle n’est qu’un des plus efficaces gardiens du temple de la pensée unique tout autant que ses collègues Enthoven, Glucksman ou BHL. Onfray est un athée hédoniste combattant la religion dans un monde où celle-ci est à terre et où l’hédonisme et le « jouir et faire jouir » triomphe comme jamais dans l’Histoire. Pour étayer son discours si peu coruscant, il n’hésite pas à détruire ce qu’il a mis sur un piédestal en fonction de la tendance du moment. Ainsi après avoir porté aux nues le « divin » marquis de Sade, le voue-t-il aux gémonies pour complaire aux féministes. Même chose pour Freud mis à mal suite aux dernières découvertes des neurosciences et aux révélations sur des mœurs peu compatibles avec le mouvement MeToo. Dans sa préface servant de mise à jour de son texte, l’auteur se réjouit de la dérive droitière du grand penseur. Sans doute un peu trop vite, les dernières prises de positions très covidistes lors de la dernière « crise sanitaire » l’ayant définitivement classé comme opposant en carton bouilli de la pensée unique.

4/5

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11/01/2024

La preuve par l'âme (François de Witt)

La preuve par l'âme.jpgLa clé de compréhension de notre univers, c’est l’information. (« Au début, était le Verbe ») Elle circule partout, entre nous, entre le vivant et nous, mais également entre ici-bas et là-haut. Et ce qui nous rattache, nous relie, nous permet de communiquer, est une entité immatérielle, impalpable et indescriptible, nichée au plus intime de tout être humain et qu’on peut appeler « âme ». Au-delà de l’inné et de l’acquis se pose d’ailleurs la question de l’intuition, potentialité des plus mystérieuses. « Nous devons être reconnaissants au ciel de posséder une fonction qui nous octroie quelques lumières sur ce qui est par-delà des choses », disait Jung. Et « il n’est d’autre conscience qu’intuitive », ajoutait Sartre. Mais d’où nous vient cette intuition ? « L’intuition est la voix de votre Soi profond, le murmure de votre âme », concluait Krishnamurti. Même si la science moderne montre quelques réticences avec ce genre de concepts, des chercheurs matérialistes se sont risqués à certaines expériences dont la principale consistait à vouloir la peser. Elle accuserait seulement 21 grammes sur la balance…

« La preuve par l’âme » est un essai dans lequel, François de Witt, un polytechnicien sérieux, donc a-priori ni un farfelu ni un illuminé, a voulu démontrer notre immortalité par le biais de l’existence de l'âme, de l’au-delà et d’une autre vie après la mort. Pour mieux explorer ces frontières floues de la connaissance, de Witt fait appel à la psychanalyse, au paranormal, aux neurosciences, à l’astrophysique, à la mécanique quantique, mais aussi aux intuitions des philosophes et même aux fulgurances des mystiques. Le chapitre sur les expériences de mort imminente (NDE) est particulièrement intéressant et même assez troublant. Discrètement, notre âme nous accompagne tout au long de notre vie terrestre. À notre mort physique qui n’est pas une fin, elle passe dans une autre dimension d’où parfois elle peut encore communiquer avec les vivants (dans certaines circonstances bien particulières). L’essentiel, c’est qu’elle n’a qu’un seul et unique message, celui de l’Amour universel. En lisant ce livre très bien écrit et d’abord facile, le lecteur fera de nombreuses découvertes dont certaines peuvent prêter à caution. En effet l’auteur ne croit ni au jugement dernier ni à l’enfer, tels que l’enseignent les religions. Confrontées à cet autre monde, les âmes « mauvaises » pourraient rejeter un certain temps le divin salut et s’exclure d’elles-mêmes avant de changer d’avis. De plus, si Dieu est infiniment bon, il ne peut se placer en juge et condamner à perpétuité une âme corrompue. Donc, si on en croit de Witt, un jour où l’autre, Hitler, Mao, Staline, voire Landru se retrouveront tous un jour au Paradis ! Ouvrage passionnant néanmoins qui devrait tous nous intéresser que nous soyons croyants ou athées.

4,5/5

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08/01/2024

Le sang du temps (Maxime Chattam)

Le sqng du temps.jpgEn 2005, Marion, 40 ans, se retrouve embarquée par trois agents de la DST qui la mettent en sécurité au Mont Saint Michel pour une durée indéterminée. Elle y est accueillie par sœur Anne, une religieuse de la communauté qui a l’habitude de rendre ce genre de service aux autorités. Elle a néanmoins l’impression d’être encore en danger et à tout le moins espionnée en permanence. Secrétaire à l’Institut médico-légal de Paris, elle aurait vu ou fait quelque chose qui l’aurait mise dans cette situation. Et au matin, elle découvre sur son lit une enveloppe contenant un message chiffré en forme d’énigme à résoudre. Puis, emmenée par un frère aux archives de la ville d'Avranches, elle tombe par hasard sur le journal intime d’un détective privé anglais, Jeremy Matheson basé au Caire. Il y relate une enquête assez étrange remontant au mois de mars 1928. Tout avait commencé avec la découverte des cadavres de trois enfants issus des quartiers pauvres atrocement mutilés, « martyrisés à mort, griffés, mordus jusqu’à amputation de morceaux de chair. » Il se raconte dans la ville que le célèbre monstre des Mille et une nuits, la Goule, serait réapparu et aurait à nouveau frappé…

« Le sang du temps » est un thriller assez bien mené et comportant les habituels ingrédients du genre, barbarie, sadisme, meurtres en série. Cependant l’intrigue est menée de façon assez surprenante. Le lecteur croit au départ que le personnage principal est Marion. Il se fourvoie et doit d’ailleurs attendre la page 269 pour enfin savoir la raison de sa mise à l’isolement. À part des descriptions de parties plus ou moins fermées au public, des allées et venues furtives et pas mal de courant d’air, il ne se passe pas grand-chose pendant les deux tiers de la narration. L’intérêt se tourne alors vers l’histoire de Jeremy. Et là encore, le lecteur va se retrouver avec toutes sortes de fausses pistes et surtout une fin complètement surprenante, paradoxale, voire invraisemblable, avec rien moins que trois hypothèses possibles qu’on ne révèlera pas pour ne pas trop gâcher le plaisir d’un éventuel lecteur. L’impression générale que donne la lecture cet ouvrage de divertissement est celle d’une narration un brin poussive, tirant parfois un peu trop à la ligne. Cet opus est loin d’être le meilleur de maître Chattam…

3/5

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04/01/2024

Sites sacrés secrets (Martin Gray)

Sites sacrés secrets.jpgAvez-vous déjà entendu parler du Grand Zimbabwe, ruine archéologique datant de la fin de l’âge du fer qui servait sans doute de lieu de culte et d’observatoire astronomique ? Connaissez-vous le temple penché d’Huma, dans l’Odisha (Inde) dédié à la déesse Shiva ? Ou le mausolée de Hasan al-Basri dans le centre-ville de Bassora (Irak) ? Ou le site d’El Infiernito, étonnant ensemble constitué de deux lignes de 36 pierres levées et orientées selon leur position par rapport aux astres et au soleil et de 30 hautes colonnes de pierres en forme de phallus situées non loin de Villa de Leyva (Colombie) ? Ou encore le sanctuaire shinto Futami Okitama-jinja, deux rochers sacrés situés en mer à environ 15 kilomètres à l’est du grand temple d'Ise (Japon). Reliés par une grosse corde, ils symbolisent Izanami et Izanagi, le couple divin à l’origine du monde ? Et 130 autres lieux tout aussi étranges, imposants monuments, modestes édifices, grottes secrètes voire humbles tombeaux, peu connus des masses touristiques et souvent uniquement fréquentés par les autochtones ?

« Sites sacrés secrets » est un beau livre doté d’une couverture de très belle qualité, d’un joli papier et de magnifiques photos. Passionné de voyages, de photo et d’archéologie, l’auteur a choisi ces lieux de cultes particuliers voire étonnants pour leur originalité et leur confidentialité en évitant bien sûr tous les grands classiques du tourisme religieux. Pas de cathédrale de Reims dans ce livre, mais le sanctuaire de Notre-Dame de La Salette, nettement moins connu que celui de Lourdes, où la Vierge Marie apparut également en 1864. Pas d’alignements de Carnac ni de site de Stonehenge, mais les cercles de pierres du tumulus d'Anund (Suède) en forme de bateau, dédiés au dieu nordique Freyr. Pas de Taj Mahal, mais le site sacré de Ramkund à Nashik, dans le Maharashtra (Inde)… Chacun est présenté sur deux pages avec une courte explication en plus des photos. Toutes les religions, tous les continents sont représentés. On notera aussi une très intéressante introduction. De quoi donner envie à plus d’un d’aller découvrir un ou plusieurs de tous ces sites humbles ou imposants, témoins de la foi millénaire de toute l’humanité. Le lecteur y découvrira toutes sortes de similitudes plus ou moins étranges entre les religions et mysticismes divers et variés. Un magnifique ouvrage qui ravira les amateurs d’archéologie, de lieux secrets et de voyages.

4,5/5

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