27/05/2022
Poèmes pour petits et grands (185)
Ballade des pauvres gens
Rois, qui serez jugés à votre tour,
Songez à ceux qui n’ont ni sou ni maille ;
Ayez pitié du peuple tout amour,
Bon pour fouiller le sol, bon pour la taille
Et la charrue, et bon pour la bataille.
Les malheureux sont damnés, c’est ainsi !
Et leur fardeau n’est jamais adouci.
Les moins meurtris n’ont pas le nécessaire.
Le froid, la pluie et le soleil aussi,
Aux pauvres gens tout est peine et misère.
Le pauvre hère en son triste séjour,
Est tout pareil à ses bêtes qu’on fouaille.
Vendange-t-il, a-t-il chauffé le jour
Pour un festin ou pour une épousaille,
Le seigneur vient, toujours plus endurci.
Sur son vassal, d’épouvante saisi,
Il met sa main, comme un aigle sa serre,
Et lui prend tout, en disant : « Me voici ! »
Aux pauvres gens tout est peine et misère.
Ayez pitié du pauvre fou de cour !
Ayez pitié du pécheur qui tressaille
Quand l’éclair fond sur lui comme un vautour,
Et de la vierge aux yeux bleus, qui travaille,
Humble et rêvant sur sa chaise de paille.
Ayez pitié des mères ! Ô souci,
Ô deuil ! L’enfant rose et blond meurt aussi.
La mère en pleurs entre ses bras le serre,
Pour réchauffer son petit corps transi :
Aux pauvres gens tout est peine et misère.
(Théodore de Banville)
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