21/10/2020
Les réprouvés (Ernst von Salomon)
À la fin de la première guerre mondiale, le très jeune Ernst est encore un cadet de l’armée. Il ne pourra donc pas s’illustrer dans les tranchées. L’Allemagne vaincue est en proie à des troubles importants. L’auteur assiste à des exactions de la part de groupes révolutionnaires bolcheviques qui veulent déclencher une véritable guerre civile. Très vite, il s’engage dans l’armée qui a bien du mal à rétablir l’ordre dans le pays. Il se retrouve d’abord à Berlin, puis à Weimar et enfin du côté de Riga avec les Baltes pour faire face aux Lettons communistes et autres spartakistes qu’il faut débusquer à la mitrailleuse. Mais quand le gouvernement ordonne le cessez le feu et le retrait des troupes, il fait partie d’un groupe de soldats qui entre en rébellion et finit par se retrouver sous le feu croisé de l’armée régulière et des Rouges. 9 dixièmes des insurgés périssent dans un baroud d’honneur désespéré. Salomon réussit à ne pas se faire assassiner en cachant sa qualité d’officier, puis à s’enfuir de son lieu de rétention en troquant ses vêtements. Mais la lutte pour l’Allemagne ne fait que commencer. Avec quelques compagnons, ils cachent des armes, s’organisent en groupes d’auto-défense et tentent même d’aller récupérer la Haute Silésie attribuée à la Pologne !
« Les réprouvés » est un témoignage de première main sur une période fort troublée de l’histoire allemande. La guerre est finie et pourtant c’est très loin d’être la paix en Allemagne. Le traité de Versailles est considéré comme cruel et injuste. Les Français sont vus comme des occupants sales et peu respectueux des populations. Le territoire est amputé à l’est. Salomon va de tribulations en tribulations. Cet apprenti conspirateur plutôt naïf finit par ramasser cinq années de prison pour complicité dans l'assassinat de Walther Rathenau. La description des souffrances endurées lors de ses années de détention est assez hallucinante. À sa sortie, le livre s’achève avec l’apparition d’un certain Adolf Hitler. Le lecteur comprend mieux comment un pays humilié, ravagé par une guerre civile larvée et ruiné par une inflation démentielle (on compte par millions et par milliards de marks) a pu produire un tel personnage et une telle doctrine. Au total, un livre plus intéressant du point de vue document historique que littérature à proprement parler. Le style de Salomon assez peu léger amène une lecture un tantinet laborieuse, mais le propos mérite l’effort vu que la période pré-nazie est assez méconnue de ce côté du Rhin.
3,5/5
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16/10/2020
Orages d'acier (Ernst Jünger)
En janvier 1915, le jeune Ernst Jünger, à peine âgé de vingt ans, arrive sur le front quelque part dans la Champagne crayeuse non loin de la petite ville de Bazancourt. L’ambiance qu’il y découvre lui semble plutôt calme. Les temps de permission à l’arrière se passent en joyeuses beuveries parmi une population française amicale. Mais tout change soudainement quand il se retrouve du côté des Eparges. Là, c’est un véritable baptème du feu pour lui, un déluge de fer et de feu avec une hécatombe de soldats. Lui-même est blessé à la cuisse. Rétabli, il remonte sur le front à l’automne suivant du côté de Douchy, mais cette fois à titre de sous-officier. Il participe à la première bataille de la Somme où à nouveau il est blessé légèrement. Il s’illustrera ensuite à la bataille de Cambrai ainsi qu’à celle des Flandres. Il aura comme adversaire des Français, des Hindous, des Ecossais et des Néo-Zélandais. Il sortira vivant et décoré de toutes ces années de guerre mais avec sept blessures dont certaines fort graves et rien moins qu’une vingtaine d’impacts dans le corps.
« Orages d’acier » est le témoignage au jour le jour d’un soldat allemand lambda qui monte les échelons, subit toutes les épreuves de cette terrible guerre, le froid, la boue, l’humidité, les rats, les gaz, les pilonnages d’artillerie, les combats à la grenade ou au corps à corps avec un courage et une abnégation remarquable. Son récit assez brut de décoffrage reste dans la lignée d' « À l'ouest rien de nouveau » d’Eric-Maria Remarque côté allemand ou des « Croix de bois » de Roland Dorgelès, voire du « Feu » d'Henri Barbusse côté français. Mais sans aucun romantisme ni pathos. Junger ne se plaint jamais. Il subit tout avec calme et constance. Il parle français, s’entend parfaitement avec les gens qui le logent et n’a pas le moindre mot haineux ou méprisant envers ses adversaires. Chevaleresque, il leur rend hommage pour leur courage et leur détermination quand certains sont ses prisonniers. Il est même très impressionné par la bravoure des Highlanders écossais. Son récit, qui n’est qu’une longue suite de combats, de descriptions de soldats blessés ou tués de toutes les manières possibles et imaginables, donne une idée de ce que nos anciens ont dû endurer des deux côtés de la ligne de front.
4/5
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11/10/2020
Deux siècles ensemble (tome 2) (Alexandre Soljénitsyne)
Dès le tout début de la révolution russe, on remarque une très importante représentation des Juifs dans les rangs bolchéviques. On les retrouve très vite à tous les niveaux du pouvoir et jusqu’au sommet de la pyramide (Trotsky, Zinoviev, Kamenev et tant d’autres). Ils prennent en main massivement l’appareil de répression, la Tchéka, (futur NKVD puis KGB), de sinistre mémoire. Nombreux furent ceux qui s'illustrèrent comme chefs de camp au Goulag. Paradoxalement, sous l’ère communiste, les pogroms furent plus nombreux, de plus grande ampleur et plus sanglants que sous le régime tsariste. Du côté occidental, le pouvoir fut soutenu à bout de bras : campagne massive en faveur des Juifs persécutés, financement par les banquiers de Wall Street (des millions pour l’armée rouge, pas un sou pour l’armée blanche lors de la guerre civile), transferts massifs de technologie qui permit une rapide industrialisation de l’URSS contre de l’or, des œuvres d’art, des minerais et autres richesses naturelles. Mais avec Staline, peu après la seconde guerre mondiale, la tendance s’inversa. Les Juifs, accusés d’intelligence avec l’ennemi capitaliste, d’espionnage, de nationalisme sioniste, se retrouvèrent eux aussi persécutés (Procès, purges, Goulag voire liquidation pure et simple). Avec la création de l’Etat d’Israël, nombreux furent ceux qui firent leur « alya » et à dénoncer ce totalitarisme en oubliant leur responsabilité dans son avènement.
« Deux siècles ensemble » (tome 2) est un gros essai historique remarquablement bien documenté qui décrit tous les aspects de la question sur près d’un siècle de persécution communiste, cette « Roue rouge » qui fut responsable des souffrances des deux peuples et de la mort de plus de 20 millions de Russes et qui finit par dévorer également les meilleurs de ses enfants, ses propres cadres, les Juifs. Le lecteur fera de nombreuses découvertes dans ce livre comme ces tentatives d’installation des Juifs en Crimée, au Caucase et dans le territoire du Birobidjan qui se soldèrent toutes par des échecs complets alors que plus d’un million d’hectares d’excellentes terres agricoles leur étaient réservées. Il explorera les sombres coulisses et les puantes arrières-cuisines d’un pouvoir totalitaire d’une cruauté monstrueuse. Les horreurs furent si nombreuses qu’on est pas loin de l’écœurement. Ainsi apprend-on entre autres que les fameuses chambres à gaz furent inventées et utilisées à grande échelle par les communistes dès 1937 sous la forme de vulgaires camions banalisés où on entassait les victimes nues, attachées deux à deux, pour leur faire respirer les gaz d’échappement. Un ouvrage essentiel pour les chercheurs de vérité et les amateurs d’Histoire.
4,5/5
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09/10/2020
Deux siècles ensemble (tome 1) (Alexandre Soljénitsyne)
Au XVIIème et XVIIIème siècle, les tsars se préoccupèrent constamment de la condition des Juifs en Russie. En effet, ceux-ci y ont émigré de manière plutôt anarchique principalement dans les villes et les bourgs et assez peu à la campagne. Au fil des siècles, ils forment même la communauté la plus importante d’Europe. Le pouvoir préfèrerait que ceux-ci se lancent dans l’agriculture et acceptent de coloniser des terres vierges. Il leur réserve 70 000 hectares de nouvelles terres, les dispensent du service militaire et d’impôts pendant dix ans bientôt rallongés de cinq années supplémentaires. Propose des prêts à taux avantageux permettant d’acquérir des propriétés d’une cinquantaine d’hectares alors que le paysan russe, encore soumis au servage, dispose rarement de plus de 10 hectares. Mais après l’effet d’aubaine, l’expérience tourne à la catastrophe. Les champs ne donnent rien, le bétail est tué ou revendu. Les Juifs préfèrent continuer à pratiquer le commerce, la contrebande dans les zones frontalières, la distillation d’alcool et la vente à crédit. Jouant sur l’ivrognerie de la paysannerie russe, ils en arrivent à se faire payer sur les récoltes à venir et, à terme, à ruiner les moujiks. Devant un tel échec, le gouvernement cesse toutes les aides en 1810, et, en 1811, rétablit leur fermage sur l’alcool et la collecte interne des taxes, un temps interrompu. En 1827, Nicolas Ier revient aussi sur l’exemption de service militaire, tout en la maintenant pour les rabbins, les marchands, les financiers et les lettrés…
« Deux siècles ensemble » est un énorme essai historique de près de 1200 pages réparties en deux tomes. Alexandre Soljénitsyne y a accompli un travail de bénédictin en disséquant ces deux siècles (1795-1995) de co-existence tumultueuse entre les Russes et les Juifs. Le premier tome s’achève avec la Révolution de Février. Nul doute que cet ouvrage est une référence sur le sujet tant tous les évènements sont analysés, disséqués avec une minutie hors norme. Tout est sourcé, étayé de citations et de documents indiscutables. Il en ressort que dans cette période tout ne fut ni blanc d’un côté ni noir de l’autre comme voudrait nous le faire croire une certaine doxa un brin trop simpliste. L’auteur remet les pendules à l’heure sur un grand nombre de sujets dont les fameux « pogroms » dont il ne nie pas la réalité, mais qui ne furent pas exactement ce qu’on en raconte. Le lecteur apprendra pas mal de choses comme le fait qu’il y eut des pogroms inversés quand les Juifs s’organisèrent en milices armées ou comme le fait que l’assassin de Stolypine, seul homme d’Etat qui aurait peut-être pu empêcher la catastrophe de la révolution bolchevique, était un Juif. Au total, un livre majeur sur le sujet, mais d’une lecture un peu laborieuse.
4/5
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