23/05/2024
Uranus (Marcel Aymé)
À Blémond, petite ville normande partiellement détruites par les bombardements anglo-américains, Archambault, ingénieur de profession, écoute sa fille Marie Anne jouer un air d’Edith Piaf au piano. Il est si fier de sa fille qu’il s’imagine que c’est du Chopin. Celle-ci s’est amourachée du fils Monglat issu d’une famille enrichie dans les trafics et le marché noir, mais résistante de la onzième heure. L’ingénieur a été contraint par la mairie d’héberger René et Maria Gagneux, couple d’ouvriers communistes et leurs quatre enfants. La cohabitation est déjà difficile, les deux femmes se disputant souvent au sujet de la cuisine. Et comme si cela ne suffisait pas, dans l’appartement déjà bien occupé, s’est ajouté un autre réfugié, Watrin, prof de maths sentencieux et un brin philosophe qui avait vu sa maison détruite dans un bombardement. C’est le temps de l’Epuration, de la chasse aux collabos. Il s’en trouve d’ailleurs un qu’Archambault, très imprudemment, autorise pour un temps à se cacher chez lui…
« Uranus » est un roman social se déroulant à une époque assez terrible, où les Français ne s’aiment plus, où l’on dénonce à tout-va, où les femmes sont tondues pour avoir eu une faiblesse avec un soldat allemand, où un milicien se retrouve sauvagement torturé en public, les yeux crevés par une petite frappe laquelle s’en prend ensuite à Léopold, brave cafetier du coin, ancien lutteur de foire et grande gueule, outrée de se retrouver, sans la moindre raison, derrière les barreaux. Le lecteur devine dès le début que toute cette histoire ne pourra finir que par un drame. Les personnages sont fort bien campés, tous pleins d’humanité. Il n’y a pas vraiment de héros, rien que de petites gens avec leurs qualités et leurs défauts. Aymé montre parfaitement que dans les périodes difficiles, ce n’est pas le courage et encore moins l’altruisme qui règnent en maîtres, mais plutôt la lâcheté, les petits calculs, l'égoïsme et le conformisme moutonnier. Très agréable à lire (même et surtout à notre époque…) ne serait-ce que pour l’intérêt historique et pour le style inimitable de l’auteur, un des très grands de la littérature française du XXè siècle.
4,5/5
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