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28/08/2022

La quatrième révolution industrielle (Klaus Schwab)

La quatrième révolution.jpgLa quatrième révolution industrielle sera celle d’un monde totalement informatisé, connecté et même hyper-connecté. L’informatique sera partout, dans nos maisons (domotique), dans nos villes (smart towns) et jusque sous notre peau (puce RFID) ou dans notre cerveau (ajouts de mémoire, de capacités physiques ou intellectuelles). L’être humain devra réinventer sa manière de vivre, de travailler, de consommer et même de penser. L’ensemble de la société dans laquelle nous évoluerons sera différente de celle que nous connaissons aujourd’hui. Parti du statut préhistorique de chasseur-cueilleur, l’être humain est devenu sédentaire et agriculteur avant de voir arriver la révolution de la vapeur, puis celle de l’électricité. Il se retrouve devant la « fabuleuse » perspective du tout numérique. Mais tout bouleversement de ce genre entraine obligatoirement des destructions d’emplois. Ainsi, à la fin du XIXᵉ siècle, l’agriculture américaine employait environ 90% de la population active alors que de nos jours, elle ne représente plus que 2% des emplois. Il produit également des restructurations sociétales avec la désertification des campagnes et l’afflux des populations dans les villes. Schwab nous annonce benoîtement que très rapidement des tâches professionnelles aussi différentes que celle des avocats, des analystes financiers, des enseignants, des médecins, des pharmaciens, des journalistes, des comptables, des assureurs et des bibliothécaires seront totalement ou partiellement automatisés. Soit 47% d’emplois menacés au total. Le numérique créera des emplois, mais en beaucoup moins grand nombre…

« La quatrième révolution industrielle » est un essai de prospective technologique bien documenté et relativement honnête. Le gourou de Davos, le Monsieur Loyal du mondialisme triomphant, s’est livré au difficile exercice du devin, celui d’imaginer l’avenir en prolongeant les courbes des tendances actuelles. Pour chaque avancée technique (IA, internet des objets, blockchain, imprimante 3D, homme augmenté, etc.), il a tenu à présenter les aspects positifs, mais aussi les aspects négatifs, toute découverte étant biface par nature. Il reconnaît que 1% de la population détient la moitié de la richesse mondiale alors que la moitié de la partie la plus pauvre de la population ne possède collectivement que moins de 1% de la richesse mondiale. Et avec les destructions d’emplois à grande échelle, le monde va se retrouver avec une montée en flèche des inégalités sociales pour ne pas dire à une explosion de pauvreté et de violence. C’est un des défis majeur, reconnait-il sans préciser quelles sont les solutions à y apporter. Le lecteur devinera que tout cet édifice reposera sur un traçage total des individus (contrôle social à la chinoise) et sans doute une chute drastique de la démographie. Pour lui, l’alternative sera soit de robotiser l’humain, détruire l’identité, la famille, la communauté et le travail soit accéder à « une conscience collective nouvelle ». Celle de la fourmilière sans doute. Il faut lire cet ouvrage si l’on veut comprendre en quoi consiste la « disruption » (horrible néologisme globish que l’on peut traduire par « chaos ») que nos maîtres nous préparent. Tout en se rappelant que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme » et que jamais l’humain ne pourra se résumer à une suite de données numériques. En fin de compte, la machine sera-t-elle au service de l’homme ou l’inverse ? That’s the question !

3/5

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26/08/2022

Vendée 1793 - 1794 (Jacques Villemain)

Vendée 1793.jpgCe qui s’est passé en Vendée pendant les années 1793 et 1794, une levée en masse du peuple suivie d’une répression féroce par le fer et par le feu qui n’épargna ni vieillards, ni femmes ni enfants peut-il être inscrit dans la définition juridique de crime de génocide ? Est-on dans le cadre de l’ethnocide arménien du début du siècle dernier et dans celui de la Shoah sous le régime nazi ? S’agit-il simplement de crimes de guerre causés par quelques fanatiques, voire de crimes contre l’humanité dans le sens moderne du terme ? L’auteur part du fait que la longue suite de crimes et d’atrocités (exécutions systématiques de prisonniers désarmés, destructions de récoltes, viols, assassinats de masse, destructions de villages entiers, incendies généralisés et même noyades organisées) qui ont été commis par les armées républicaines n’est plus contestée par aucun historien mais pose encore la question du cadre juridique à donner à ces évènements très particuliers…

« Vendée 1793 – 1794) se présente comme une étude juridique appuyée sur le travail de nombreux historiens (de Michelet à Furet en passant par des dizaines d’autres) lesquels ne peuvent s’en tenir qu’à la méthode comparative alors que l’auteur propose d’examiner les faits à la lumière des derniers développements des procédures les plus récentes (Tribunal de Nuremberg, Tribunal pénal international de La Haye, Arusha et autres). Si l’on se référait à d’autres génocides plus récents (Rwanda, Bosnie, Shoah, Arménie…), le drame de la Vendée répondrait à tous les critères, d’abord de crime de guerre dans ses débuts (absence de prisonniers, viols) puis de crime contre l’humanité (destructions systématique d’une région entière, patriotes vendéens compris, alors que l’armée catholique et royale était déjà détruite) et finalement de crime de génocide avec les noyades organisées par Carrier à Nantes, les destructions de récoltes pour affamer toute une population sans oublier les colonnes infernales de Turreau qui ne devaient pas laisser le moindre survivant sur son passage. Soit une disparition planifiée de toute une population, une « épuration ethnique », comme on dirait aujourd’hui. Le lecteur découvrira dans cet ouvrage un brin aride vu l’aspect très juridique privilégié, toutes sortes de détails peu connus comme le tannage des peaux de Vendéens pour en fabriquer de solides pantalons, ou les destins contradictoires des trois principaux responsables. Robespierre eut l’habileté de très peu s’exprimer sur le sujet, tout en inspirant et pilotant l’ensemble par personnes interposées (Carnot, Collot d’Herbois). Encore encensé de nos jours par certains, disposant toujours de rues et de lieux publics à son nom, de nos jours, il serait condamné à perpétuité par le TPI de La Haye comme un vulgaire Karadzic. Carrier, qui endossa le rôle de bouc émissaire finit guillotiné, alors que Turreau, sanguinaire chef des colonnes infernales, eut droit à tous les honneurs, même sous la Restauration, et à avoir son nom gravé sur l’Arc de Triomphe. Histoire et Justice, quel étrange ménage !

3,5/5

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23/08/2022

Vincent Tout-puissant (Vescovacci & Canet)

Vincent tout puissant.jpgAvec 7, 7 milliards d’euros de capital, Vincent Bolloré est la douzième fortune de France. Il règne sur un empire évalué à une vingtaine de milliards d’euros de chiffre d’affaires, déployé sur plusieurs continents. Sa multinationale gère des ports dans toute l'Afrique, des compagnies de chemin de fer, produit de l’huile de palme, fabrique des batteries électriques, contrôle de nombreuses chaines de télévision en France, en Pologne et au Vietnam, dispose d’une banque et d’une compagnie de téléphone en Italie, etc. Comme un boa, il a gobé Havas, Canal+, D8 (Cnews) et s’est emparé de Vivendi qui lui a apporté un groupe de médias complet avec télés, cinéma, musique et jeux vidéos. L’arrivée fracassante de cet oligarque grand ami des présidents (Sarkozy, Hollande et surtout Macron qu’il peut se vanter, à l’instar d'Attali, de l’avoir créé de toutes pièces avec la poignée d’oligarques qui tiennent tous les médias du pays) dans le petit monde de Canal+ a été marqué par la plus longue grève de journalistes de l’audiovisuel, des départs volontaires et des licenciements en masse ainsi que la disparition de toutes sortes d’émissions jugées trop « impertinentes » comme les « Guignols » ou trop déplaisantes pour lui-même ou pour ses amis sponsors comme certaines enquêtes d’investigation un peu trop poussées. Alors qui est Bolloré ? D’où sort-il ? Que veut-il ? Quel est son but ?

Cet ouvrage écrit à quatre mains par deux journalistes d'« Envoyé Spécial », « Cash Investigation » et « Canal+ » se présente comme une enquête à charge sur un milliardaire assez antipathique, breton né à Paris, catho tradi qui ne ferait rien sans les conseils de son éminence grise, en l’occurence son confesseur, qui ne serait parti de rien (reprise pour un euro de l’affaire familiale de papier cigarette OCB en quasi faillite et envol vers les sommets du capitalisme d’affaires avec cet empire obtenu par nombre de manœuvres s’apparentant à des coups financiers tordus, voire carrément à de la piraterie économique. Bolloré fut toujours épaulé par un certain Antoine Bernheim de la banque Lazard qui se vante d’ailleurs de l’avoir fait ! Tout cela tient un peu trop du conte de fée pour être vrai. Il y a du Tapie et du Macron dans toute cette histoire. Le lecteur aurait aimé en apprendre plus sur les coulisses. Comment passe-t-on d’un euro à 20 milliards en quelques années ? Certainement pas en traversant la rue ! Les deux auteurs restent d’une discrétion de violette sur cet aspect de l’affaire, préférant de très longs développements sur les guéguerres à Canal+ et à D8 et sur la censure de leur reportage sur le Crédit Mutuel/ CIC. À leur décharge, il faut préciser que ni Bolloré, ni aucun de ses collaborateurs n’ont accepté de les recevoir. L’un d’eux s’est même vu infliger une plainte en diffamation avec dommages et intérêts de 700 000 € pour sept questions envoyées par mail ! Résultat : le lecteur reste sur sa faim…

3/5

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21/08/2022

Nègres blancs d'Amérique (Pierre Vallières)

Nègres blancs d'amérique.jpgD’octobre 1966 à février 1967, Pierre Vallières et Charles Gagnon se retrouvèrent dans une prison américaine pour avoir manifesté devant le siège des Nations-Unies à New York avant d’être extradés au Canada et de se voir infliger une peine de prison à perpétuité pour des écrits incitant à la violence et au terrorisme. Membres du Front de Libération du Québec, ils estimaient que les conditions de vie des Canadiens français avait tout à voir avec celle des esclaves noirs. C’est la raison pour laquelle ils se considéraient comme des « nègres blancs d’Amérique ». Leurs conditions de détention sont particulièrement sévères. Ils entament une grève de la faim qu’ils tiendront 29 jours. L’histoire réelle du Québec fut loin de suivre le cours d’un long fleuve tranquille. La France commença par y envoyer tous ses miséreux, ses traine-savates, ses filles perdues et y abandonner ses soldats démobilisés. Elle accorda des concessions sur des terres ingrates voire quasiment inexploitables. Le résultat en fut une misère généralisée. Après la conquête anglaise, ce fut encore pire pour les Québécois largement exploités, déportés en Louisiane pour certains ou obligés d’émigrer aux Etats-Unis ou dans des provinces un peu moins pauvres du Canada pour ne pas mourir de faim. Le capitalisme prédateur américain prit le relais dans l’exploitation de cette perpétuelle colonie (bois, charbon, minerais…) sans aucun profit pour la population…

« Nègres blancs d’Amérique » est un essai-manifeste écrit en détention qui aborde toutes sortes de sujets. Une grande partie aborde dans le détail l’histoire sociale du Québec. C’est la plus intéressante, car la plus intemporelle. Une autre consiste en un témoignage émouvant sur la vie du jeune Pierre Vallières, jeune prolétaire idéaliste, éperdu de justice qui commence sa vie dans un appartement misérable d’un quartier pauvre de Montréal avant que sa famille n’aille s’installer de l’autre côté du Saint Laurent dans une cabane digne d’un bidonville, sans eau courante, sans égoût, sans commodités, le long de rues en terre battue. Une autre assez importante est consacrée aux questions philosophiques et politiques. C’est de loin la moins intéressante, même si le lecteur partage nombre d’indignations et de révoltes de l’auteur. L’ennui, c’est que le style un peu lourd et rébarbatif n’aide pas le message à passer. Pourquoi donc lire un ouvrage militant publié en 1974 ? Ne serait-ce que pour faire le point avec un demi-siècle de recul. La cause du peuple a-t-elle progressé ? L’oligarchie a-t-elle cédé le moindre pouce de terrain ? Ne se serait-elle pas encore renforcée ? La soif de justice et de liberté des peuples a-t-elle été étanchée ?

3,5/5

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18/08/2022

Trois contes (Gustave Flaubert)

Trois contes.jpgFille de pauvres paysans normands, Félicité après quelques engagements malheureux comme fille de ferme a trouvé un certain équilibre et une certaine sécurité chez Madame Aubain où elle sert de domestique depuis si longtemps qu’elle semble faire partie des meubles. Elle s’attache à la fille de sa patronne, mais après son décès, reporte toute son affection sur un joli perroquet… Fils d’un grand seigneur, Julien est promis à un bel avenir. Mais, à force de chasser et de tuer des animaux, il prend tellement le goût du sang qu’il prend un malin plaisir à pratiquer de véritables carnages avant d’en arriver à tuer père et mère sur un coup de folie. Pour expier son forfait, il part sur les chemins, pieds nus, tout juste revêtu d’une robe de bure. Il finit par s’installer sur la rive d’un fleuve et par se dévouer comme passeur bénévole… En Galilée, le tétrarque Hérode Antipas craignant pour son pouvoir, a fait arrêter et jeter dans un cul de basse fosse Ioakannan, prophète connu sous le nom de Jean le Baptiste. Ce petit potentat local est sous la coupe de son épouse Hérodias qui déteste le prédicateur. Et voilà que se présente le Consul Vitellius qu’il a convié à un grand banquet dont il espère beaucoup…

« Trois contes » est un recueil de textes relativement courts et bien rythmés qui pourraient représenter la quintessence de l’œuvre et des thèmes de Flaubert. On y retrouve son goût de l’histoire ancienne, des légendes, de la mythologie et de la vie des petites gens. Son style inimitable, peut-être un brin trop descriptif et trop attaché au détail et à la précision, mais si plein de charme et d’efficacité narrative. Tout comme Balzac, Maupassant ou Zola, Flaubert transcende les époques, il est intemporel et même au-delà du temps et des modes. Le lecteur pourra toujours trouver un immense plaisir en lisant des nouvelles si bien écrites et en particulier la première « Un cœur simple » pour la personnalité attachante de Félicité, la très dévouée servante…

4,5/5

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14/08/2022

Le système dette (Eric Toussaint)

Le système dette.jpgDe tous temps, la dette a été utilisée comme moyen de domination, d’asservissement et de spoliation des peuples. Récemment, plusieurs pays d’Amérique latine, la Tunisie, l’Egypte et la Grèce en ont été les dernières victimes. Mais cette dictature de la dette n’est pas inéluctable. En deux siècles plusieurs états ont été capables d’annuler la leur avec succès. Le Mexique, les Etats-Unis, Cuba, le Costa Rica et la Russie soviétique ont procédé à cette répudiation. Quand on sait que nous ne remboursons que les intérêts, qu’il faut en permanence reprendre de nouveaux emprunts pour assurer le remboursement des précédents et qu’au fil des ans, les intérêts accumulés représentent plusieurs fois les sommes empruntées, on en arrive à dénoncer tout un système pervers et même à parler de « dette odieuse » dans certains cas…

« Le système dette » est un essai économique très focalisé sur l’histoire économique des deux derniers siècles. C’est un ouvrage captivant donnant au lecteur toutes les clés pour comprendre cette mécanique implacable mise au point par les banquiers centraux ainsi que l’évolution du monde capitaliste à cette époque, sa dérive de capitalisme entrepreneurial en capitalisme de pure spéculation et prédation. L’auteur s’attache particulièrement aux cas de la Grèce, mise sous tutelle, asservie économiquement plusieurs fois au cours de son histoire, de celui du Mexique avec toutes ses difficultés à briser ses chaînes et de celui de l’URSS avec l’interminable affaire des emprunts russes. Autant le lecteur comprendra bien l’alliance entre banquiers centraux et gouvernements des grandes puissances occidentales (Grande-Bretagne, Etats-Unis, France et dans une moindre mesure Allemagne) dans le but d’étendre leur puissance, d’exploiter les ressources du tiers-monde, et de dominer pour à terme coloniser, autant il reste peu explicite sur les raisons pour lesquelles cette dette s’est généralisée peu à peu au monde entier dès la fin de la seconde guerre mondiale et à partir de 1973 en France (Loi Pompidou-Giscard). Qui menait vraiment l’attelage « banquier-politicien » ? L’ouvrage se termine sur un grand tableau récapitulatif de tous les pays ayant rejeté d’une manière ou d’une autre ces dettes « odieuses ». L’auteur, brillant économiste belge favorable à l’effacement total de la dette du tiers-monde, ne va pas jusqu’à envisager l’éventualité d’une répudiation plus générale…

4/5

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11/08/2022

Les chemins de Katmandou (René Barjavel)

Les chemins de Katmandou.jpg1968 : toute une jeunesse occidentale se dresse un peu partout contre l’ordre ancien… Un soir, dans le brouillard londonien, Jane, violée par un inconnu, tente de se suicider. Sven, jeune suédois en rupture de ban, la repêche dans la Tamise avant d’essayer de lui redonner goût à la vie. Jane accepte de faire équipe avec lui ainsi qu’avec Harold, italo-irlando-américain barbu et chevelu qu’elle prend pour amant. Tous trois décident de partir s’installer à Katmandou, Eldorado des routards. Pendant ce temps, à Paris, Olivier, très impliqué dans le mouvement estudiantin, est recherché par la police suite à une bagarre ayant mal tourné. Il envisage de quitter au plus vite Paris pour aller à Katmandou retrouver son père qui l’a abandonné à sa naissance et auquel il veut rappeler ses devoirs, surtout pécuniaires. Il abuse d’une association humanitaire pour se faire offrir le billet d’avion. Et c’est en terminant son périple à pied qu’il rencontre le trio de hippies. Pour Jane et Olivier, c’est l’amour au premier regard. Malheureusement Jane est un peu beaucoup accro à toutes sortes de produits illicites. Elle ne se contente pas de fumer des joints, elle passe vite à la cocaïne puis à l’héroïne. Olivier n’aura de cesse de se procurer de l’argent pour essayer de la tirer de là…

« Les chemins de Katmandou » sont un roman tiré du scénario du film éponyme que Barjavel écrivit en collaboration avec Cayatte. À l’époque, il ne convainquit pas vraiment le public qui pouvait comparer avec « More » de Barbet-Schroder disposant de la bande musicale aussi planante de magnifique signée Pink Floyd ou de « Panique à Needle Park », œuvre magistrale et criante de vérité et de réalisme. L’équivalent français semblait bien fade et bien inférieur avec son côté carton-pâte, ses acteurs peu crédibles (Renaud Verley inexpressif, Gainsbourg jouant faux et Birkin, jolie et solaire, mais incapable de rendre la déchéance de sa fin) sans parler des décors trop léchés, des prises de vues d’un Népal de carte postale et d’une bande-son quelconque. Le livre de Barjavel est bien meilleur. Il évite tous les écueils qui firent sombrer le film, explique nettement mieux les tenants et aboutissants de cette histoire, est beaucoup plus noir et beaucoup plus explicatif (en particulier sur le destin de Jane et les raisons de sa dérive, certains événements ayant été sans doute volontairement édulcorés par crainte de la censure). Au total, un bon Barjavel, pas le meilleur bien entendu, mais toujours agréable à lire car fort bien écrit et donnant beaucoup à réfléchir sur la génération « Peace and Love » et sur l’atroce réalité du monde de la drogue.

4,5/5

08:42 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)

08/08/2022

La charrette bleue (René Barjavel)

La charrette bleue.jpgNé le 24 janvier 1911 à Nyons (Drôme), René Barjavel eut des grands-parents et des ancêtres paysans plutôt pauvres qui voulaient voir leurs enfants monter sur l’échelle sociale. Ainsi, son grand-père plaça son père Henri comme apprenti boulanger pour qu’il apprenne le métier et échappe à sa condition. Sa mère Marie, veuve d’un boulanger, cherchait un ouvrier pour reprendre son affaire. Elle ne trouvait que des ambitieux qui voulaient récupérer la femme et le commerce ou des incapables qui risquaient de la faire péricliter jusqu’au jour où elle rencontra Henri. Lequel partit pour le front trois ans après la naissance de l’auteur qui eut un sevrage au lait de chèvre difficile avant d’entrer à l’école quelques années plus tard. Il ne s’y plut pas du tout. Il avoue avoir eu beaucoup de peine à aligner des bâtons sur une ligne et d’avoir été fâché avec les maths. Heureusement pour lui, quelques professeurs finirent par l’encourager sur la voie de l’écriture. Comme il avait déjà le goût de la littérature, sa vocation était là…

« La charrette bleue » est un court récit de souvenirs d’une enfance heureuse tant qu’elle resta libre dans la petite rue de Nyons où se nichait la boulangerie maternelle ou dans les collines rocailleuses du Drômois où il retrouvait tous les membres de sa famille paternelle. Mais bien vite arrivèrent les problèmes scolaires et surtout le drame de la mort de sa mère alors qu’il n'avait que onze ans. Anecdotes, épisodes tristes ou joyeux, tranches de la vie pittoresque et paisible de petites gens de l’époque se succèdent au fil du souvenir sans suivre de véritable ordre chronologique. De sa plume allègre, l’auteur a très bien su rendre l’ambiance du début de l’autre siècle. La vie y était rude, mais les gens y étaient joyeux, travailleurs et savaient se contenter de peu. Il n’y avait ni sécurité sociale, ni assurance chômage, ni aides sociales, mais chacun arrivait à s’en sortir, certes petitement, grâce à toutes sortes d’activités oubliées (comme celle du charron de la charrette), au jardinage ou au petit élevage, sans oublier les vers à soie. Livre touchant et émouvant qui se dévore trop vite et qui permet de faire un plongeon dans une époque oubliée, mais pas si lointaine. Qu’est-ce qu’un siècle face à l’éternité ?

4,5/5

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04/08/2022

Le Scénar (Philippe Pratx)

Le scenar.jpgLéo et Théo, deux jumeaux étudiants, ont trouvé une clé USB oubliée sur un ordinateur de la salle informatique de leur faculté. Celle-ci contient le manuscrit d’un scénario qu’ils s’empressent d’imprimer et de présenter à leur amie Lola, réalisatrice en herbe elle-même. Tous trois se retrouvent dans un parc public où Lola en commence une lecture à haute voix. Le titre du texte « Scénar » les intrigue tout comme le dernier mot, « Cali ». S’agit-il du nom de l’auteur ? De sa ville de résidence ou de celle où il a écrit ce script ? Est-ce Cali en Colombie ? Ou l’abréviation de Californie ? Quant au titre du projet de film « Velorex », il renvoie au nom d’un bizarre tricycle à moteur plus que rudimentaire fabriqué en Tchécoslovaquie dans les années 50 et 60 avec un habitacle rustique, mais décapotable et un petit moteur de deux roues. Cette lecture va se poursuivre en divers lieux dont la salle informatique du départ non sans moult commentaires des jumeaux et de quelques autres usagers des lieux…

On ne peut pas vraiment parler de « roman » au sens classique du terme à propos de l’ouvrage de Philippe Pratx, mais plutôt d’une narration un peu narcissique, l’auteur se plaçant finalement comme personnage principal nous gratifiant de nombre de commentaires sur un peu tout et n’importe quoi, et de digressions diverses et variées qui ralentissent le rythme d’une histoire qui n’en est pas vraiment une. Il s’agirait plutôt de la mise en abyme du scénario d’un film style road-movie à travers l’Europe. Dommage qu’il ne s’y passe pas grand-chose en dehors de la promenade estivale de deux amoureux, Alena et Olivier, qui roulent dans leur antiquité encore plus laide qu’une Trabant, campent, pique-niquent, visitent quelques villes dont Venise. De simples touristes dont la seule originalité reste leur véhicule. Faiblesse de l’intrigue, manque de consistance des personnages, style décousu, explicatif et complaisant. Certains pourront vite sentir l’ennui monter. Pourtant, quelques développements sur le communisme, idéal rêvé mais jamais atteint, sur la condition humaine, ou sur le rôle du narrateur peuvent parfois raviver l’intérêt. Dommage que l’auteur se soit en plus lancé dans un essai aussi raté qu'inutile d’écriture inclusive et n’ait développé ni sur la révolte des gilets jaunes ni sur la crise sanitaire, toutes deux à peine évoquées sur la fin. On se demande d’ailleurs pourquoi celle-ci est si dramatique.

3/5

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01/08/2022

Waterloo, chroniques d'une bataille légendaire (Bernard Cornwell)

Waterloo.jpgLa bataille de Waterloo se déroula du 16 au 18 juin 1815, en Belgique, à vingt kilomètres au sud de Bruxelles, dans l’actuelle province du Brabant wallon. Elle opposa l’armée française dite « Armée du Nord », dirigée par l’empereur Napoléon Ier, à l’armée des Alliés, menée par le duc de Wellington et composée de Britanniques, d’Allemands (contingents du Hanovre, du Brunswick et du Nassau) et de Néerlandais (unités belges et hollandaises), rejointe par l’armée prussienne commandée par le maréchal Blücher. Elle s’est achevée par la défaite décisive de l’armée française. Cette bataille fut la dernière à laquelle prit part personnellement Napoléon, qui venait de reprendre le pouvoir en France trois mois plus tôt. Elle marqua ainsi la fin de la période dite des « Cent-Jours ». Napoléon dut en effet abdiquer quatre jours plus tard à son retour à Paris, le 22 juin, face au manque de soutien général avant de finir, déporté sur l’île de Sainte-Hélène.

« Waterloo, chroniques d’une bataille légendaire » est un essai historique très bien documenté et assez agréable à lire en dépit de la difficulté particulière d’une description de bataille presque impossible à réaliser. Napoléon tenta un ultime coup de bluff, étant déjà en infériorité numérique face aux deux armées ennemies. Il accumula les occasions ratées et les erreurs de commandement. La responsabilité de Ney et de Grouchy dans cette défaite est parfaitement établie. Même le ciel s’en mêla en déclenchant des trombes d’eau qui génèrent artilleurs et cavaliers. Cette bataille fut une terrible boucherie où des dizaines de milliers d’hommes moururent pour rien. L’empereur espérait pouvoir battre dans un premier temps les Anglais pour ne faire qu’une bouchée des Prussiens dans un second, ce qui ne se produisit pas. Il envoya sa cavalerie contre des carrés de fantassins bien retranchés contre lesquels elle ne pouvait pas grand-chose et finalement sa garde impériale dans un dernier assaut désespéré. Eut-il, par miracle, remporté la victoire que cela n’aurait rien changé à son destin, les armées russes et autrichiennes étant aussi en marche contre nous. Dans cet ouvrage objectif, le lecteur apprendra énormément de choses sur cet épisode tragique de l’histoire de France, comme le fait que beaucoup de femmes et d’enfants de soldats pouvaient suivre l’armée, ou que Victor Hugo raconta pas mal de choses fausses sur cette bataille ou encore que les Prussiens voulurent se venger en faisant sauter le pont d’Iéna à Paris et que celui-ci ne fut sauvé que par l’obstination d’une sentinelle britannique qui refusa de quitter son poste ! De nombreuses cartes et une importante bibliographie complètent ce livre assez technique mais agrémenté par beaucoup de témoignages de soldats.

4/5

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